Picasso Corrida

Écologie du toréador

Dans Ecologie tragique, l’écrivain et philosophe Fabrice Hadjadj signe un traité passionnant nous invitant à trouver un chemin écologique par-delà la simple conservation, un chemin qui passe par la lutte contre un formidable taureau, la nature. Une écologie qui mêle toréador et chrétienté.

Le problème de la corrida

Pour tout bon écologiste vient un jour toquer à notre porte un problème : celui de la corrida. Si l’homme de gauche a souvent plus d’aisance à le résoudre par sa sensibilité comme par sa logique, l’homme de droite s’évertuera pendant longtemps à essayer de rendre compatible la mise à mort violente d’un animal et la protection de la nature. On finira finalement par lâcher un « oui mais c’est la tradition » gêné avant de changer de sujet. La corrida ne sert a priori aucune autre fin que le divertissement d’une foule assoiffée de bravoure et de sang. Panem et circenses

Indéfendable et irrésistible toréador

Ici, Fabrice Hadjadj fait sien les mots d’Orson Welles : la corrida est « indéfendable et irrésistible ». Il y ajoute les termes d’un matador : « Quand l’humanité aura atteint ce degré de civilisation où toute espèce de cruauté à l’encontre de ceci ou cela aura disparu, alors le moment sera venu de supprimer la corrida. » Clarifions : c’est qu’aujourd’hui, la corrida est une « conversion », pas une « diversion ». Elle n’est pas un plaisir violent dans une société violente qui rit de sa violence, elle ne détourne pas. 

« Quand l’humanité aura atteint ce degré de civilisation où toute espèce de cruauté à l’encontre de ceci ou cela aura disparu, alors le moment sera venu de supprimer la corrida. »

Élégance du toréador

Au contraire, la corrida est conversion, elle « tourne vers ». Elle tourne vers la mort, qui n’existe plus à nos regards. La viande est cellophanée, et les bêtes passent des prairies où on les voit de loin à un tas informe, une bouillie que l’on appelle « steak haché » que l’on place entre un morceau de cheddar industriel, une sauce sans ingrédients (ou aux cent ingrédients, comme l’on préfère) et deux tranches de pain tout droit sorties de l’usine.

Où est l’animal, où est son sang, où est sa chair, où est sa viande ? Dans la corrida, il y a un peu de tout cela, et si les gestes élégants et assassins du toréador existent, c’est parce que les redoutables cornes d’un taureau qui rue vers la mort se plantent face à lui. 

Dans le sillage de l’écologie chrétienne

Convoquant bien des évangélistes – l’ouvrage s’inscrit dans la pensée de l’écologie chrétienne – Fabrice Hadjadj les réconcilie avec Nietzsche. Ce dernier s’est longuement attaqué à la tragédie, et file merveilleusement la métaphore bovine, lui qui avait posé un « problème nouveau », un « problème aux cornes menaçantes ». Il s’agissait de comprendre pourquoi les Grecs, hommes bons, avaient tant besoin de tragédie, de mort ? Vous ne voyez pas le rapport avec l’écologie ? Patience. 

C’est que Fabrice Hadjadj prend Nietzsche pour ce qu’il est, un « poseur de problèmes », celui qui aspire à ne pas prendre de maître pour que chacun devienne maître. Être maître, dans le cadre de l’écologie, c’est ne pas se résoudre à la bête binarité, c’est prendre le taureau par les cornes et affronter le problème en choisissant l’escarpée troisième voie de la nuance. 

Vivre pour survivre à quoi bon ?

L’essentiel est que l’écologie ne se résume pas à la conservation. Conserver pour conserver, vivre pour survivre, à quoi bon ? La vie a bien une valeur en soi, mais la valeur de la vie n’est pas la végétation. Elle est cet amor fati, cette explosion de vitalité dans le temps trop court qui nous est accordé. Nous fûmes poussière et redeviendrons poussière bien assez tôt : en attendant, l’existence mérite mieux que l’ataraxie, que sa propre conservation. 

Sauver l’agneau c’est condamner le loup

Y aurait-il un sens à empêcher le loup de manger l’agneau ? Ainsi que le rappelle Fabrice Hadjadj, depuis la chute du Jardin d’Eden, sauver l’agneau, c’est condamner le loup. Y aurait-il un sens à empêcher deux clans de singes à s’entre-massacrer ? Protéger le camp le plus faible, c’est vaincre le camp le plus fort. Selon la théologie chrétienne, la chute de l’Homme a entraîné la chute de la Création, et la violence et la mort sont désormais partout en nous et autour de nous. 

Comprenons que le but de l’existence n’est pas la vie en elle-même, mais bien son expression

S’agit-il de s’y complaire, de prendre le parti de la violence et de la mort ? Ce serait alors se faire ennemi de la vie, devenir son propre ennemi car nous sommes autant maîtres que part de la Nature. S’agit-il de conserver la vie à tout prix ? La vie n’est pas la fin, c’est la mort qui l’est. Alors, prenons le taureau par les cornes, virevoltons un peu avec lui, comprenons que le but de l’existence n’est pas la vie en elle-même, mais bien son expression. Et pour bien s’en rappeler memento mori, souviens-toi que tu vas mourir. 

Dans Ecologie tragique, c’est donc tout le rapport de l’homme à la vie, à la sienne comme à celle des millions de bêtes qui l’entourent, qui est posée. L’écologie, ce n’est pas figer le monde d’antan, mais permettre sa vraie existence. La Madone qui accepte la tragédie est plus vraie que la Méduse qui change la vie en pierre. 

Devenir des paroissiens

Fabrice Hadjadj nous exhorte donc à devenir paroissiens, humbles et respectueux locataires d’un monde presque éternel. L’explosion de la vie ne gît pas dans la consommation et la destruction de notre environnement, ce serait mépriser mille glorieux chevaliers, poètes, laboureurs, martyrs et rempailleurs de chaises qui vécurent les existences dont nous nous surprenons parfois à rêver. Le sens de l’existence n’est pas non plus enfoui dans l’étrange idée de « sauver la planète » : les animaux, les végétaux, notre bonne vieille planète minérale nous survivront sans doute quelques centaines de millions d’années. 

Le discours de la maison

L’écologie, en son sens originel, est « le discours de la maison ». Autrement dit, tout ce qui se rapporte à l’entretien de ce petit monde dont nous sommes locataires, paroissiens. En bons locataires insolvables, notre devoir n’est donc pas de laisser une facture astronomique à ceux qui hériteront du bail, mais bien à le soigner, ce qui ne nous empêche pas non plus de repeindre un peu ses murs et d’allumer de grands feux de cheminée. Et qui sait, peut-être le bon écologiste, quand viendra pour lui le temps de redevenir poussière, pourra-t-il connaître une nature sans mort ni violence en poussant la porte du Jardin d’Eden. Mais ce royaume n’est pas de ce monde, et peut-être conviendrait-il de le rappeler tant aux technologistes modernes qu’aux « compostistes » post-modernes. 

Ecologie tragique, Fabrice Hadjadj, Mame, 184p., 17,95 euros

train vert fret sncf

Fret SNCF : one more Train to Rob

À partir du 11 décembre 2024 les cheminots feront grève dans l’ensemble du pays pour protester contre la privatisation de Fret SNCF. Même si la SNCF a assuré que les 4800 emplois seront conservés, rien n’est sûr. Avec cette privatisation de Fret SNCF organisée par la France et l’Union Européenne, ne serions nous pas en train d’assister à la plus grande attaque de train, digne des films de western des années 70 ?

Le Bon

SNCF Marchandises est une ancienne branche de la Société Nationale des Chemins de fer Français (SNCF) qui gérait le transport de marchandises par rail. Avec l’ouverture à la concurrence et l’évolution des marchés, cette entité est devenue Fret SNCF en 1989. Fret SNCF joue un rôle clé dans la logistique en France et en Europe, en offrant une alternative plus écologique et efficace au transport routier pour les marchandises lourdes ou volumineuses. 

Cependant depuis les années 2000, le déclin de Fret SNCF était inévitable avec l’ouverture à la concurrence et le développement du transport routier. En 2023, le transport ferroviaire ne représentait plus que 8,9 % du transport intérieur terrestre de marchandises en France, contre environ 17 % en 2000. Par ailleurs, entre 2000 et 2020, le tonnage transporté par voie ferroviaire a chuté de 44% selon l’Autorité des Transports. Fret SNCF, en particulier, a été confronté à une diminution continue de ses flux stratégiques, aggravée par une désindustrialisation générale de l’économie française.

La Brute

Dans cet assassinat  de Fret SNCF, la France a fait preuve d’une grande intelligence comme à son habitude. Les politiques publiques françaises ont favorisé le développement des infrastructures routières et l’abaissement des coûts pour les transporteurs routiers. Des pratiques de « dumping social » et le manque d’intégration du coût environnemental des routes ont amplifié cette concurrence. Ce choix s’est souvent fait au détriment des investissements dans le fret ferroviaire, qui a vu ses parts de marché diminuer drastiquement. L’ouverture à la concurrence en 2006 aurait pu permettre une modernisation du fret ferroviaire.

Cependant, Fret SNCF n’a pas su s’adapter rapidement en raison d’une organisation rigide et de coûts élevés. Les gouvernements successifs n’ont pas mis en place de plan ambitieux pour repositionner le ferroviaire comme un acteur central du transport des marchandises. Ils ont privilégié des solutions temporaires (comme des subventions) au lieu de réformes structurelles nécessaires. Cela a maintenu Fret SNCF sous perfusion, retardant sa transformation. Par ailleurs, le manque d’investissement dans le réseau ferroviaire, que vous pouvez retrouver dans  cet article, a été le dernier clou sur le cercueil de Fret SNCF.

Le Truand

L’Union Européenne a imposé la disparition de Fret SNCF, principalement en raison de subventions jugées illégales versées par l’État français entre 2005 et 2019, estimées à 5 milliards d’euros. Ces aides ont été considérées comme une altération de la concurrence dans le cadre du marché unique européen, où le fret ferroviaire est ouvert à la concurrence depuis 2006. Face à cette situation, la France avait deux options : demander le remboursement des aides, ce qui aurait entraîné une faillite immédiate, ou négocier un plan de discontinuité avec la Commission européenne.

La France a opté pour cette dernière solution afin d’éviter des sanctions plus lourdes. Ce plan prévoit la disparition de Fret SNCF d’ici 2025 et son remplacement par deux entités : Hexafret, pour le transport de marchandises, et Technis, pour la maintenance. Cette restructuration implique des réductions d’activité (abandon de 20 % du chiffre d’affaires et de 30 % des flux), ainsi que des suppressions de postes, bien que la SNCF promette des reclassements pour les cheminots concernés.

Court termisme

La décision de supprimer Fret SNCF reflète d’un choix politique court termiste : respecter les règles européennes pour éviter des sanctions financières tout en tentant de maintenir une activité ferroviaire sous une forme restructurée. Cependant, cette décision est critiquée comme une capitulation face aux exigences européennes, notamment par la CGT Cheminots, Sud Rail et certains élus locaux, qui soulignent l’impact écologique et social de la destruction de Fret SNCF.

Le sac du patrimoine industriel Français, à travers la disparition au 1er janvier 2025 de Fret SNCF, illustre une série de choix politiques incohérents, amplifiés par une pression européenne croissante et des priorités nationales centrées sur la compétitivité à court terme plutôt que sur la durabilité à long terme.

Barnier Premier ministre, un coup d’arrêt pour la transition écologique ?

L’attente interminable de la nomination du gouvernement devrait prendre fin dans les prochaines heures. Nous devrions enfin connaître le nom du futur locataire de l’hôtel de Roquelaure. Les dernières rumeurs font part d’un retour d’Agnès Pannier-Runacher, ancienne ministre de la transition énergétique du gouvernement Borne. 

Plus que le casting, ce qui nous intéresse chez Écolucide c’est avant tout le programme et les priorités de ce nouveau gouvernement en termes d’écologie.

Nous portons majoritairement l’idée d’une planification étatique sur plusieurs décennies de la transition écologique et de l’aménagement du territoire, afin de ne pas laisser le marché seul décider mais bien d’orienter les entreprises et les collectivités dans des directions claires. Il est important pour nous de ne pas laisser l’écologie à la main d’un seul ministre. Elle doit en effet infuser dans tous les secteurs de la société et de l’Etat..

Le SGPE, une promesse électorale de Macron

Lors des élections présidentielles 2022, Emmanuel Macron s’était engagé à mettre en œuvre une planification écologique. Suite à sa réélection la promesse a été pour une fois tenue avec la création du secrétariat général à la planification écologique (SGPE) en juillet 2022 après la constitution du gouvernement Borne. Cet organisme interministériel fut placé sous l’autorité directe de la Première Ministre avec pour principales missions de coordonner l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies nationales en matière de climat, énergie, biodiversité et économie circulaire. 

Ainsi le Secrétaire Général Antoine Peillon devenait un membre à part entière du cabinet de la Première Ministre de l’époque. Celle-ci dans le protocole gouvernemental était même indiquée comme “Première Ministre chargée de la planification écologique”. Gabriel Attal, après sa nomination en janvier 2024 avait fait le choix de garder le même fonctionnement et le même titre protocolaire.

Barnier désolidarise le SGPE de Matignon

Coup de tonnerre ce lundi lorsqu’un changement obscur au journal officiel indiquait qu’Antoine Pellion, n’était plus conseiller et chef du pôle environnement à Matignon. Un décision lourde de sens puisque son homologue Secrétaire Général aux Affaires Européennes reste quant à lui conseiller Europe. Qu’on soit clair le SGPE n’est pas supprimé mais se retrouve complètement déconnecté de Matignon et risque donc de perdre énormément en influence et en utilité. Cette décision s’avère surprenante quand on connaît l’attachement prétendue au “gaullisme social” de notre nouveau Premier ministre dont la planification fut un des principes fondamentaux.

Antoine Peillon, Secrétaire général du SGPE

Un existence courte mais des initiatives intéressantes

La courte existence du SGPE n’est pas suffisante pour juger de son impact et de son utilité réelle, n’en déplaise au gouvernement sortant. Toutefois il a produit plusieurs rapports concernant l’écologie et l’action avec des objectifs chiffrées mais des actions parfois assez vagues. On recense également une initiative très intéressante : le déploiement de COP régionale pour engager la planification écologique dans les territoires, par le travail conjoint des collectivités et services de l’Etat. Le but était de rassembler dans un même cadre les politiques publiques portées par les différents ministères et leurs opérateurs (ADEME, OFB, Agences de l’eau, etc.). 

Qu’adviendra t’il de ce travail, maintenant que le SGPE risque de se transformer en une coquille vide et devenir un énième commission sans importance d’un appareil d’Etat qui raffole d’organismes de ce genre ? L’avenir nous le dira mais comme évoqué lors de notre article sur la nomination de Michel Barnier, l’écologie risque de vraiment passer au second plan.

C8 écartée de la TNT, l’écologie sauvée ? 

La TPMPisation de notre pays, gavé par le buzz médiatique et les disputes fracassantes, a trop longtemps abimé notre société, la plongeant dans un divertissement qui l’éloigne de la transition écologique. Le même divertissement qui résume l’écologie à une lutte entre les pro et les anti : végans (coucou Solveig Halloin) contre bouchers, chasseurs contre anti-chasses, activistes contre polémistes. Tout n’est que fracas et, déclaration choc, les discussions fructueuses se transformant trop souvent en brouhaha stérile. Fallait-il pour autant retirer à C8 sa fréquence TNT ? 

L’ Arcom a touché au poste

L’Arcom a tranché dans le vif, elle a touché au poste. Une régulation, dans certaines conditions évidemment (voir le cas de Sud Radio, mise en garde pour avoir donné la parole à François Gervais un climatodénialiste notoire, sans contradiction aucune), aurait sans doute été plus efficace : gare au public de C8 qui se confortera dans le sentiment d’être rejeté par les institutions. Chaque soir, Hanouna réunissait plus d’un million de fidèles : étaient-ils les seuls à consommer un contenu divertissant mais peu qualitatif ?

 

Eux n’ont pas été sanctionnés

Quid des chaines renouvelées qui continueront d’émettre des programmes qui ne relèvent pas le niveau général ? Téléréalités botoxées, infos répétées en boucle (CNEWS – BFMTV…), journaux télévisés aseptisés (TF1…), émissions où les ricaneurs masquent mal leurs préférences politiques ou l’absence de certains invités politiques représentant plus de 10 millions de voix (Cf Quotidien) : eux continueront d’émettre au plus grand nombre. Et de désinformer sans même être sanctionné. 

 

Quand Léa Salamé invite sur France 2, le docteur Saldmann, connu pour vendre des livres qui regorgent d’impostures scientifiques (le docteur affirmait que les vacances faisaient perdre 20 points de QI), que fait l’Arcom ? Et que faisait l’Arcom quand Quotidien invitait des charlatans vendant des méthodes de lecture rapide qui vous auraient soi-disant permis de lire 300 pages en 20 minutes ? Ou que dire de TF1 qui raconte des bêtises sur les pompes à chaleur ou sur les voitures électriques ? 

 

Les régulateurs dépassés… 

Alors bien sûr, il n’est pas aisé de contrôler l’océan de fake news qui se déverse sur l’information, toutes les chaînes peuvent se tromper, certains en sont plus coutumiers que d’autres. Mais il est quand même hallucinant que passer sur un plateau télé soit le gage d’une crédibilité non vérifiée. Le sensationnalisme se départit souvent d’esprit critique, et les régulateurs auront bien du mal à trier la bonne information de l’ivraie. De quoi pénaliser les questions écologiques, qui réclament lucidité et clarté. A moins que… 

 

… pas les communautés

Personne n’est à l’abri de dire des bêtises, nous y compris, certains en disent plus que d’autres. 

Comment y faire face ? 

1 : en retrouvant la déontologie dont font preuve un certain nombre de journalistes

2 : en s’appuyant sur les communautés. 

Grâce à votre soutien, nous avons pu vérifier un certain nombre de faits, informer, et éviter le plus possible de désinformer. Les communautés sont puissantes, car elles regroupent des passionnés, dont certains ont une connaissance du terrain qui sera souvent bien supérieure à certains articles qui ne font que se citer les uns les autres.

 

Remerciement

Ensemble, nous sommes donc plus forts, alors un grand merci à notre communauté de lucioles qui nous apportent une précieuse lumière dans la nuit de la désinformation. L’espace commentaire est à vous. Et n’oubliez jamais : le dernier recours, c’est votre esprit critique ! 

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L’EPR de Flamanville, le nucléaire au vert !

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a donné, mardi 7 mai 2024 son feu vert à la mise en service future de l’EPR de Flamanville. Cet événement historique est une grande nouvelle pour la filière nucléaire française qui peut se garnir du réacteur nucléaire le plus puissant au monde.

L’EPR de Flamanville, le joyau du fleuron nucléaire français

Tout d’abord, ce qu’on appelle un EPR (« European Pressurized Reactor », devenu « Evolutionary Power Reactor ») est un système de production d’électricité dégageant environ 1 660 mégawatts de puissance nette. Ce réacteur nucléaire utilise ce qu’on appelle la fission nucléaire, un phénomène par lequel le noyau d’un atome lourd instable (uranium, plutonium) se désintègre en plusieurs noyaux plus légers en éjectant un neutron avec un dégagement d’énergie très important et de l’eau mise sous pression pour produire son énergie. Le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) classe l’EPR comme un réacteur de troisième génération. Il est présenté comme un réacteur évolutionnaire de génération 3+ par son constructeur, l’industriel français Framatome. Il existe à l’heure actuelle 3 réacteurs EPR en service dans le monde. Deux d’entre eux se trouvent en Chine (à Taishan) et un en Finlande (à Olkiluoto). Ludovic Dupin, journaliste économique et scientifique, évoque l’importance de la mise en place de ce réacteur dans l’armature nucléaire française. Selon ce dernier, l’EPR est le réacteur nucléaire le plus puissant au monde. Il dégage une puissance de 1650 mégawatts et il n’y a pas d’équivalent aujourd’hui sur la planète (1550 mégawatts pour l’EPR de Taishan).

Un réacteur sûr et protégé

En effet, l’EPR de Flamanville dispose de qualités remarquables. Ce réacteur apporte un meilleur rendement que les réacteurs actuels (réacteurs de deuxième génération à eau sous pression appelés REP). Pour bien comprendre, le parc nucléaire français (56 réacteurs) produit aujourd’hui 350 térawattheures. Un EPR comme celui de Flamanville développe au maximum 14 térawattheures. De plus, quatre systèmes redondants contrôlent la sûreté du

système et notamment du réacteur. Un seul suffit à empêcher des dérives potentiellement dommageables. Les probabilités d’un accident grave ont ainsi été réduites considérablement au point d’être dix fois plus fiables par rapport au dernier modèle (palier N4) des réacteurs construits en France, déjà considéré comme très sécurisé. Une double enceinte protectrice de béton de 2,6 mètres d’épaisseur protège le réacteur et confine toute la matière nucléaire à l’intérieur. Cette protection conçue pour résister à des accidents internes protège aussi le réacteur de toutes les atteintes extérieures, telles que des chutes d’avions.

l’EPR de Flamanville, un chef d’oeuvre de technologie inespéré

La conception de L’EPR de Flamanville a été décidée pour accroître la compétitivité de l’électricité nucléaire française et remplacer les réacteurs de deuxième génération vieillissants. La durée de vie attendue de l’EPR est longue (60 ans) et sa conception est fondée sur des technologies éprouvées et d’ores et déjà disponibles. Par kWh produit, l’EPR consomme de 7 à 15 % d’uranium en moins que les réacteurs de seconde génération. De plus, il peut employer du combustible MOX recyclé à hauteur de 100 %. Cela engendre une réduction d’approximativement 10 % de la quantité de déchets à vie longue (éléments radioactifs à vie longue) produite par kWh (3). Toutefois, tout n’a pas été parfait. EDF, en charge de la maîtrise d’œuvre de la construction de l’EPR de Flamanville, a connu des complications multiples et coûteuses. En effet, la finalisation de cette EPR dernière génération devait avoir lieu il y a près de 12 ans. De nombreux défauts mécaniques, humains, matériels et de conception ont déjoué les pronostics, provoquant un coût total de 19 milliards selon un rapport de la Cour des comptes.

Un réacteur nucléaire à la pointe de la technologie !

L’heure est à la joie pour le nucléaire français ! Christine Goubet-Milhau, présidente de l’Union française de l’électricité (UFE) évoque l’importance de la mise en place de l’EPR de Flamanville pour la souveraineté énergétique française. Ce choix s’inscrit dans le cadre de l’objectif national de développement d’un mix énergétique bas carbone qui repose sur plusieurs technologies, à savoir le nucléaire, l’hydraulique et le renouvelable. Selon elle, le raccordement est le « début d’une série pour préparer la période 2035-2050 puisque notre parc nucléaire mérite d’être renouvelé ». En outre, le réacteur de 1 600 mégawatts permettra d’alimenter près de trois millions de ménages.

EPR 2 : l’avenir du nucléaire français ?

Le réacteur de modèle EPR 2 est une version moderne de l’EPR de Flamanville. Doté de la même puissance, il est présenté comme un réacteur nucléaire EPR « classique » mais disposant d’un renforcement dans l’optimisation de sa conception et dans son développement. Il est moins cher et plus facilement opérationnel Emmanuel Macron vise à créer 6 nouveaux EPR d’ici 2050 sur le territoire national, assurant ainsi une souveraineté énergétique pour les siècles à venir. Selon EDF, L’EPR 2 utilise toute la la technologie EPR, tout en prenant en considération les avancées technologiques en la matière via le retour d’expérience accumulé sur les chantiers et l’exploitation des EPR dans le monde (Flamanville 3, Taishan et Hinkley Point C) et l’exploitation du parc nucléaire français.

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Pourquoi défendre la biodiversité ?

Il est encourageant de voir que les questions environnementales sont devenues beaucoup plus communes dans les médias de notre pays. 

Il y a  toutefois une sérieuse ombre au tableau : les principaux ensembles de  problématiques sont loin d’avoir le même poids médiatique. En effet, si les  questions d’émissions de carbone et de dérèglement climatique ont vu leur  représentation médiatique exploser ces dernières années, les questions de  biodiversité restent globalement boudées. C’est pourtant un sujet d’une  importance cruciale sur bien des aspects.

Biodiversité : de quoi s'agit-il ?

Comme pour toute chose, il est préférable de commencer par définir ce  dont nous allons parler. Mais définir la biodiversité n’est pas une tâche si aisée,  en raison de la multitude de définitions sérieuses différentes. Celle qui fait, en  général dans le monde biologiste, le plus consensus est celle de Lebreton de  1998 : “quantité et qualité de l’information contenue dans tout biosystème, de l’ADN aux paysages en passant par les espèces, les peuplements et les  écosystèmes”.

Vous l’aurez compris, la biodiversité est étudiée sous toutes ses formes,  qui sont très diverses et variées.

Pour y voir plus clair, les écologistes ont collectivement décidé de se concentrer sur trois niveaux de biodiversité, plus pertinents que les autres :  génétique, taxonomique et écosystémique. Il s’agit respectivement de la  diversité et de la distribution de l’information génétique (gènes, allèles…), des  taxons (espèces, genres…) et des écosystèmes (habitats, niches écologiques…). 

Il existe également de nombreux aspects plus secondaires très étudiés :  biodiversité paysagère, morpho-anatomique, saisonnière, etc.

Une richesse fragile

La biodiversité est régie par différentes forces et liens d’influences. Qu’il  s’agisse des réseaux trophiques (chaînes alimentaires), des relations de parasitisme ou de symbiose, chaque population d’être vivant dépend de populations d’autres êtres vivants. C’est un maillage très dense et complexe  dans lequel tous les liens n’ont pas la même importance.

En effet, il est possible d’altérer un écosystème, de le perturber, sans  mettre en danger son existence. Mais c’est un jeu très dangereux, un genre de  roulette russe. Car si vous coupez le mauvais fil, c’est tout l’écosystème qui  s’effondre comme un château de carte avant même que vous ayez pu vous en  apercevoir. Cela demande donc une grande connaissance de chaque  écosystème, et nous en sommes encore loin.

La biodiversité : un enjeu capital

Certains impacts de la biodiversité sur nos vies sont évidents. Nos  ressources alimentaires reposent (directement ou indirectement) sur une  biodiversité riche. La pêche en est un exemple très parlant. 3,3 milliards  d’êtres humains ont pour source de protéine animal principale le poisson. Ils  dépendent tous directement de la pêche, et donc d’une biodiversité marine  stable. La perte de biodiversité marine est donc un problème de ressources  alimentaires pour de nombreux pays.

L’alimentation n’est pas le seul enjeu humain autour de la biodiversité :  c’est également un problème de santé publique. En effet, la baisse globale de  biodiversité affecte également les pathogènes. Les virus et les bactéries sont  aussi concernés par les extinctions. Or, ces disparitions sont une aubaine pour  d’autres espèces, qui voient le champ de bataille débarrassé de la concurrence.  Ils peuvent alors se reproduire et coloniser plus d’organismes que d’ordinaire.  Ajoutons à cela la prolifération d’espèces vectrices de maladies et nous  obtenons le terreau fertile pour de grandes pandémies.

On pourrait citer encore beaucoup de domaines affectés par la baisse de  biodiversité (culture, santé mentale, climat, etc). 

Contentons-nous de conclure  que nous dépendons beaucoup de notre environnement, duquel nous tirons  toutes les ressources qui font vivre nos civilisations. Nous devons protéger la  biodiversité pour la simple et bonne raison que nous en faisons partie. Si nous  ne la protégeons pas pour la beauté du geste ou simplement parce que c’est  juste, protégeons la au moins pour nous et notre postérité.

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Sangliers : Non, les chasseurs ne sont pas responsables

En 1973, les chasseurs français ont abattu 46 000 sangliers. Ils en ont prélevé 700 000 en 2018. Le constat est sans appel : les populations de sangliers explosent. Beaucoup d’idées reçues sur les causes de cette dynamique démographique sont entretenues par des groupes anti-chasse.

Qu’il s’agisse d’agrainage, de lâchers ou de croisements avec des cochons d’élevage, l’idée est toujours la même : les chasseurs sont responsables.

Pourtant, il suffit de faire quelques recherches pour s’apercevoir de la supercherie.

Le Sanglier

Avant toute chose, il est important de définir le sujet d’étude. « Sanglier » est un nom vernaculaire qui désigne différentes sous-espèces de Sus scrofa, une espèce de la famille des suidés, des mammifères « placentaires » de l’ordre des artiodactyles. En France, le doute n’est pas permis : la seule sous-espèce présente est Sus scrofa scrofa, le « sanglier d’Europe », pouvant atteindre 160 kg. Cet animal vit en groupes appelés compagnies. Il parcourt nos forêts depuis 700 000 ans.

Sus scrofa est un animal forestier, omnivore et très adaptable. Pourvu de canines très développées et d’une dentition bunodonte (comme les primates), son régime alimentaire s’étend des racines les plus coriaces à de petits animaux, en passant par des charognes. L’essentiel de son alimentation reste toutefois les fruits forestiers (glands, châtaignes, faines…).

Concernant la reproduction, Sus scrofa est encore une fois caractérisé par ses capacités d’adaptation. En effet, en fonction de son poids initial et des ressources alimentaires, la laie peut avoir entre 2 et 10 marcassins par portée. La période de gestation des femelles est de 18 semaines, soit 3 mois, 3 semaines et 3 jours. Les petits sont autonomes à partir de 6 mois.

Les arguments anti-chasse : florilège de désinformation

La plupart des anti-chasse et certains naturalistes prétendent que l’explosion démographique est imputable aux chasseurs français. Trois arguments principaux sont continuellement répétés, mais sont-ils pertinents ?

D’abord, les chasseurs relâcheraient des sangliers dans la nature pour renforcer les populations.

C’était effectivement une pratique très commune dans la deuxième moitié du XXe siècle, lorsque l’animal se faisait rare en France. Cependant, lorsque les populations ont commencé à progresser, les lâchers ont été soumis à autorisation préfectorale puis définitivement interdits en octobre 2022. Au vu des coûts des dégâts causés par cet animal, peu de lâchers ont vraiment eu lieu durant les 30 dernières années.

Méfiez-vous des images que vous croisez sur les réseaux sociaux à ce sujet : la plupart viennent de l’étranger.

Le deuxième argument classique est le nourrissage des sangliers par les chasseurs.

Il est vrai que les chasseurs épandent (en toute légalité) du maïs en forêt. Et, comme rappelé précédemment, la taille des portées des laies est corrélée aux ressources alimentaires. 

Seulement, ce maïs, le sanglier l’aurait mangé de toute façon, à la différence près que s’il n’avait pas été épandu dans sa forêt, il serait allé le chercher dans le champ voisin, en le saccageant au passage. L’agrainage dissuasif a ses limites mais a prouvé son efficacité.

Toutefois, il faut reconnaître que cette pratique connaît aussi des dérives. Malgré tout, leur impact reste marginal.

Le dernier membre de cette triplette malhonnête est le cochonglier. Selon eux, les chasseurs croiseraient des sangliers avec des cochons domestiques pour rendre les laies plus fertiles.

Cette affirmation est totalement gratuite et sans fondement. En effet, aucune étude n’a à ce jour établi que les hybrides étaient plus fertiles. De plus, les hybrides ne représentent que 3,6 % de la population de sangliers français et la responsabilité des chasseurs n’est que rarement mise en cause pour expliquer leur existence. 

Toutefois, la valeur sélective des hybrides serait vraisemblablement supérieure à celle des sangliers non croisés. leur proportion risque donc d’augmenter au fil du temps : à surveiller…

Sanglier : un problème mondial

Il aurait peut-être été plus simple de se contenter de rappeler que la dynamique démographique actuelle du sanglier en France est la même que partout dans le monde : proche Orient, Maghreb, Asie, Amérique, etc. Qu’il s’agisse de Sus scrofa ou d’autres suidés sauvages au mode de vie similaire, les populations connaissent la même progression démographique et apportent les mêmes problèmes, où qu’ils se trouvent. 

Pointer du doigt une cause locale à un phénomène mondial étant absurde, les chasseurs français ne sont donc pas les responsables de cette situation.

Mais alors, où chercher les responsables ?Les organismes sérieux qui se sont penchés sur la question désignent des causes bien différentes.

Le réchauffement climatique est la première chose qui vient à l’esprit. D’une part, les étés plus chauds stimulent la production de fruits forestiers, pilier de l’alimentation des sangliers. D’autre part, les hivers plus cléments épargnent d’avantages les marcassins, dont la mortalité baisse.

En France, l’anthropisation des campagnes en est une autre. Les champs représentent des réserves de nourriture et d’eau tandis que les zones périurbaines constituent de véritables réserves.

véganisme

Non, l’antispécisme n’est pas un allié de la biodiversité

Le véganisme est devenu ces dernières années un vrai sujet de société. Objet de débats passionnés, on aborde moins souvent l’idéologie qui se cache derrière : l’antispécisme. Cette doctrine, tournée autour du bien-être animal, prétend être vertueuse en matière de protection de la biodiversité.  

Qu’en est-il vraiment ?

Antispécisme : de quoi s’agit-il ?

L’antispécisme est un courant de pensée moral et philosophique développé dans les années 70. Le principe central de cette idée est simple : l’espèce à laquelle appartient un animal n’est pas une raison légitime ou un critère pertinent pour décider ni de la considération qui doit lui être accordée, ni de la manière dont il doit être traité. Cette idée s’oppose au spécisme, définie comme être aux animaux ce qu’est le racisme aux Hommes.

Une précision s’impose. L’antispécisme raisonne en termes de souffrance animale. Pour eux, ce qui compte, c’est de limiter autant que possible les souffrances des êtres sentients, capables d’éprouver des choses subjectivement, d’avoir des expériences vécues. En l’occurrence, il s’agit de tous les vertébrés, de nombreux arthropodes (insectes, arachnides, crustacées…) et même de certains mollusques (les céphalopodes et probablement une partie des gastéropodes).

Bien-être animal et biodiversité : même combat ?

A première vue, l’antispécisme est une idéologie alliée de la défense de la biodiversité. En effet, la perte d’habitat, le manque de ressources alimentaires ou encore la bioaccumulation de produit toxique sont des sources de souffrance pour de nombreux animaux. 

Cependant, il y a une notion importante de l’antispécisme que nous n’avons pas aborder. Si les antispécistes rejettent les inégalités entre les Hommes et les animaux, ils rejettent aussi les inégalités entre animaux. 

Les têtes pensantes de l’antispécisme ont effectivement du mal à accepter les relations de domination qui existent dans la nature : il est difficile d’accepter que des lions tuent un gnou. Il serait préférable de les en empêcher, quitte à les laisser mourir de faim… 

Vous pensez que c’est une exagération ? 

C’est pourtant exactement une idée défendue par David Olivier, importateur des idées de Peter Singer en France.

Un autre exemple ?

Vous souvenez vous du malheureux beluga perdu dans la Seine ? Sa mésaventure avait ému l’opinion public lors de l’été 2022. L’association Sea Shepherd était alors intervenue en lui jetant des truites vivantes en espérant qu’il s’alimente.  

La co-présidente du Parti animaliste de l’époque s’était alors insurgée, criant au spécisme, en voyant des dizaines d’individus sacrifiés pour en sauver un seul. 

On pourrait objecter que ces deux individus ne représentent que des petits courants de l’antispécisme. David Olivier est à l’origine des « cahiers antispécistes » et le parti animaliste est capable de réunir 500 000 électeurs, mais ça ne fait pas d’eux les représentants de l’antispécisme français dans son ensemble pour autant.

Pourtant, leurs idées sont bien des courants de l’antispécisme, même si d’autres antispécistes prétendent qu’ils sont minoritaires. Loin d’être en contradiction avec les principes fondamentaux de cette philosophie, ils vont même au bout de ce concept, le poussant dans ses retranchements. 

Conclusion

Voilà le gros problème de l’antispécisme : à l’inverse de l’écologie, il fait passer le bien-être des individus avant l’équilibre des populations.  

Les règles immuables de la nature entrent en conflit avec les lois de l’antispécisme. La protection de la biodiversité est une discipline basée sur une science, l’écologie : la morale antispéciste entre en contradiction avec ses principes, elle n’y a pas sa place.