Barnier et Attal

Michel Barnier premier ministre : enfin un écolo de droite ?

Après plus de 2 mois d’un insoutenable suspense et des concertations à n’en plus finir, le couperet est tombé ce jeudi, Emmanuel Macron a choisi de nommer Michel Barnier, membre du parti Les Républicains, premier ministre. 

Âgé de 73 ans, il possède une expérience de près de 50 ans et un parcours politique assez impressionnant.

On trouve notamment dans son CV les fonctions de ministre de l’environnement et de l’agriculture. Ancien candidat à la primaire des Républicains en 2022, il s’était distingué par une certaine “lucidité” vis à vis de la crise climatique, chose assez rare pour un politique de droite. 

Sa nomination est-elle donc une bonne nouvelle pour l’écologie ?  A t-on réellement affaire à un écolo de droite comme le laisse entendre notre titre quelque peu accrocheur ?

Un savoyard au bilan intéressant

Commençons par la genèse de son parcours, Michel Barnier est savoyard et vient donc d’un territoire profondément rural ce qui dénote pas mal de la majorité des personnalités politiques au pouvoir ces dernières années. Il est issu d’une famille de la classe moyenne avec un père chef d’une petite entreprise et une mère revendiqué comme catholique de gauche pratiquante et assez engagé en faveur de la sécurité routière. Il lui a d’ailleurs rendu un bel hommage dans son discours de passation.

Si l’on revient sur son bilan en tant que ministre de l’environnement du gouvernement Juppé, sous la présidence de Jacques Chirac, on retrouve à son actif plusieurs initiatives intéressantes dont la loi Barnier, une des premières loi à instaurer les principes généraux du droit de l’environnement, votée en 1995 qui définit pour la première fois les principes de “précaution”, “prévention” et “pollueur-payeur”. À cela s’ajoute la création du “fond Barnier” pour la prévention des risques naturels majeurs. 

De son passage au ministère de l’agriculture pendant la présidence de Nicolas Sarkozy, on retiendra un bras de fer remporté contre la FNSEA et les lobbies de l’industrie chimique pour lancer le plan ECOPHYTO afin de réduire de 50% l’usage des pesticides. Il a également été remarqué pour avoir ouvert son ministère aux ONG environnementales, rompant alors la tradition d’un dialogue uniquement concentré entre les syndicats et le monde politique. Ce fut également un fervent défenseur de l’agriculture biologique. 

Son bilan aux 2 ministères est salué, au-delà de ses partisans, par des ONG comme Générations Futures ou Greenpeace. Celles-ci émettent toutefois de fortes réserves sur sa nomination qui “s’inscrit dans la continuité d’une politique ultra-libérale », et serait “incompatible avec les enjeux de transformation radicale de notre système économique”.

Des positions écologiques libérales

On vous a parlé ici, d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. A l’aune des derniers rapports du GIEC et des nombreuses alertes sur les risques liés au changement climatique, quelles sont les positions de notre nouveau premier ministre ? Lors de la passation, il a promis de dire “la vérité » sur la « dette écologique qui pèse lourdement sur les épaules de nos enfants ». Mais de quelle vérité parle-t-il ?

Sur l’énergie, il est très attaché au nucléaire pour assurer notre souveraineté mais il s’est montré dans le passé, également favorable à l’investissement dans des énergies renouvelables, comme le photovoltaïque, la biomasse ou encore l’hydraulique. Il est toutefois sceptique sur l’éolien, qui d’après lui  “fait beaucoup de dégâts”.

Dans une tribune du journal Le Monde publiée en 2023, il s’insurgeait contre “l’écologie punitive” que pratiquerait l’Union Européenne. Il se dit favorable à une politique “plus équitable”, à plus de liberté pour les Etats, les entreprises ou les agriculteurs, pour faire “avec eux et pas contre eux”. On retrouve ici certains réflexes néo-libérales de confiance en le marché pour changer les choses, ce qui va à l’encontre de la logique de planification écologique recommandée par certains experts.

Sur le logement, il indiquait lors de sa campagne en 2022 vouloir un « grand plan national d’isolation des logements ».

L’écologie au 2nd plan malgré tout ?

On peut craindre que malgré l’ampleur des réformes nécessaires, l’écologie ne soit malheureusement pas le chantier prioritaire, alors qu’elle devrait infuser dans tous les domaines du gouvernement. En effet, Barnier ne doit sa nomination qu’à l’unique bonne volonté du RN de ne pas le censurer. Ces derniers n’étant pas réputé comme étant de farouches défenseurs de l’environnement, leurs thèmes de prédilection comme la sécurité ou l’immagrition risquent d’occuper davantage que l’écologie l’espace médiatique et politique

De plus, dans un contexte de déficit budgétaire important, on risque d’assister à des coupes au ministère de l’écologie et sur certains dispositifs d’accompagnement, dans la continuité des économies réalisées par le gouvernement Attal sur les injonctions de Bruno Lemaire. 

En résumé, parmi tous les noms (hors NFP) qui ont circulé ces dernières semaines, Michel Barnier apparaît comme “la moins pire des solutions” pour l’écologie. Mais l’ampleur du défi qui nous attend, serait-elle se contenter de si peu d’ambitions ?

C8 écartée de la TNT, l’écologie sauvée ? 

La TPMPisation de notre pays, gavé par le buzz médiatique et les disputes fracassantes, a trop longtemps abimé notre société, la plongeant dans un divertissement qui l’éloigne de la transition écologique. Le même divertissement qui résume l’écologie à une lutte entre les pro et les anti : végans (coucou Solveig Halloin) contre bouchers, chasseurs contre anti-chasses, activistes contre polémistes. Tout n’est que fracas et, déclaration choc, les discussions fructueuses se transformant trop souvent en brouhaha stérile. Fallait-il pour autant retirer à C8 sa fréquence TNT ? 

L’ Arcom a touché au poste

L’Arcom a tranché dans le vif, elle a touché au poste. Une régulation, dans certaines conditions évidemment (voir le cas de Sud Radio, mise en garde pour avoir donné la parole à François Gervais un climatodénialiste notoire, sans contradiction aucune), aurait sans doute été plus efficace : gare au public de C8 qui se confortera dans le sentiment d’être rejeté par les institutions. Chaque soir, Hanouna réunissait plus d’un million de fidèles : étaient-ils les seuls à consommer un contenu divertissant mais peu qualitatif ?

 

Eux n’ont pas été sanctionnés

Quid des chaines renouvelées qui continueront d’émettre des programmes qui ne relèvent pas le niveau général ? Téléréalités botoxées, infos répétées en boucle (CNEWS – BFMTV…), journaux télévisés aseptisés (TF1…), émissions où les ricaneurs masquent mal leurs préférences politiques ou l’absence de certains invités politiques représentant plus de 10 millions de voix (Cf Quotidien) : eux continueront d’émettre au plus grand nombre. Et de désinformer sans même être sanctionné. 

 

Quand Léa Salamé invite sur France 2, le docteur Saldmann, connu pour vendre des livres qui regorgent d’impostures scientifiques (le docteur affirmait que les vacances faisaient perdre 20 points de QI), que fait l’Arcom ? Et que faisait l’Arcom quand Quotidien invitait des charlatans vendant des méthodes de lecture rapide qui vous auraient soi-disant permis de lire 300 pages en 20 minutes ? Ou que dire de TF1 qui raconte des bêtises sur les pompes à chaleur ou sur les voitures électriques ? 

 

Les régulateurs dépassés… 

Alors bien sûr, il n’est pas aisé de contrôler l’océan de fake news qui se déverse sur l’information, toutes les chaînes peuvent se tromper, certains en sont plus coutumiers que d’autres. Mais il est quand même hallucinant que passer sur un plateau télé soit le gage d’une crédibilité non vérifiée. Le sensationnalisme se départit souvent d’esprit critique, et les régulateurs auront bien du mal à trier la bonne information de l’ivraie. De quoi pénaliser les questions écologiques, qui réclament lucidité et clarté. A moins que… 

 

… pas les communautés

Personne n’est à l’abri de dire des bêtises, nous y compris, certains en disent plus que d’autres. 

Comment y faire face ? 

1 : en retrouvant la déontologie dont font preuve un certain nombre de journalistes

2 : en s’appuyant sur les communautés. 

Grâce à votre soutien, nous avons pu vérifier un certain nombre de faits, informer, et éviter le plus possible de désinformer. Les communautés sont puissantes, car elles regroupent des passionnés, dont certains ont une connaissance du terrain qui sera souvent bien supérieure à certains articles qui ne font que se citer les uns les autres.

 

Remerciement

Ensemble, nous sommes donc plus forts, alors un grand merci à notre communauté de lucioles qui nous apportent une précieuse lumière dans la nuit de la désinformation. L’espace commentaire est à vous. Et n’oubliez jamais : le dernier recours, c’est votre esprit critique ! 

ootswaarderplassen

Réserves sauvages : les limites de la non gestion

Depuis quelques décennies, un concept prend de plus en plus d’ampleur  dans le monde environnementaliste : le réensauvagement. “Libre naturalité”,  “laisser faire” ou encore “non-gestion”, les thermes sont nombreux pour en  décrire l’idée : des espaces isolés de toute activité humaine, à l’exception  d’un peu d’écotourisme, pour en faire des havres de vie sauvage. 

Seulement,  les réserves en question commencent à se heurter aux réalités des limites de ce concept.

Exemple de fiasco de la “non-gestion” : Oostvaarderplassen

En 1968 fut fondée au Pays Bas, par l’écologiste Franz Vera, la réserve  naturelle de Oostvaarderplassen. L’idée du biologiste était de laisser la nature  “se réguler toute seule”, en clôturant 5000 hectares de zone humide. Au bout  de quelques années, le milieu a commencé à se fermer, c’est-à-dire que les  arbres se sont mis à pousser. 

Ne souhaitant pas que la diversité d’habitat soit  étouffée par la forêt, il a été décidé d’introduire 34 aurochs de Heck, 20  chevaux koniks et 44 cerfs élaphes, des grands brouteurs semblables à ceux de  la région à la fin de la dernière ère glaciaire.

30 ans plus tard, le parc était peuplé de 5000 de ces animaux. Après des  années de surpopulation, donc de surpâturage, le parc, qui avait atteint un bon niveau de biodiversité, s’est considérablement désertifié. 

Après plusieurs hivers cléments, plus de 3000  animaux sont morts de faim lorsque le froid s’est abattu de nouveau sur la  réserve. Désormais, les autorités maintiennent  le nombre de brouteurs à 1500 têtes. 

On ne peut pas dire que le laisser faire ait été une réussite. D’autres réserves n’ont cependant pas eu le même destin.

Parcs nationaux : quand le laisser faire fonctionne

En 1872, dans le Wyoming, fut fondé le premier parc national des Etats  Unis d’Amérique, le Yellowstone. Il s’agit de la première réserve de vie sauvage  de cette ampleur : de par sa taille, 8 983 km², mais aussi par ses nouvelles règles. 

Jusqu’alors, que ce soit sur le jeune ou le vieux continent, les espaces  sauvages connus et fréquentés par les Hommes étaient la plupart du temps  des territoires de chasse ou d’exploitation forestière. Au Yellowstone, le tourisme est  globalement la seule activité humaine autorisée.

Aujourd’hui, c’est un nom qui fait référence, pourtant, cette réserve  aussi a connu des jours difficiles. Plus d’un siècle après sa création, le parc était  en proie au même mal qui a rongé Oostvaarderplassen : le surpâturage. 

En  effet, faute de grands prédateurs (le loup ayant disparu de la région en 1930),  les grands ongulés, comme les wapitis, ont proliféré, brouté les jeunes pousses  d’arbres dont ils sont friands, mettant en péril la régénération des forêts.

Dans les années 90, pour résoudre ce problème, les autorités du parc ont décidé d’y réintroduire des loups, capturés au Canada. D’une soixantaine de loups réintroduits entre 1995 et 1996, la population du parc serait passée à environ 120 têtes en 2005 selon une étude. Cette  réintroduction a porté ses fruits : la population de wapitis a diminué de moitié  sur cette même période. Aujourd’hui, les populations semblent avoir  trouvé un certain équilibre.

Le problème des réensauvageurs

Le Yellowstone n’est pas le seul exemple, on pourrait citer de  nombreuses réserves du même type partout dans le monde rencontrant le  même succès. 

Mais alors, comment expliquer ces écarts de résultats entre des  réserves qui ont vraisemblablement la même doctrine ? Une réponse s’impose :  il faut se donner les moyens de ses ambitions ou accepter de revoir ses  objectifs à la baisse.

Une différence qui saute aux yeux entre les réserves fonctionnelles et celles qui échouent est la taille. Regardons les 2 exemples que nous avons utilisés : presque 90 000 hectares pour le Yellowstone contre 5000 hectares pour Oostvaarderplassen : la réserve hollandaise ne couvre qu’un dix huitième de la surface du Yellowstone. 

Une réserve en libre naturalité nécessite de très grands espaces sauvages, ce qui est difficile à trouver dans notre Europe de l’Ouest, aux campagnes morcelées et anthropisées.

Faute de pouvoir faire des réserves plus grandes, il semble raisonnable  d’abandonner le fétiche de la “nature qui se régule toute seule” et préférer à la non-gestion des modes de gestion douce, qui consistent par exemple à recourir à la force de travail d’animaux plutôt que d’engins, bruyants et brutaux (dans la mesure du possible évidemment).

La gestion d’espaces naturels nécessite du pragmatisme, pour le bien-être des animaux qui y évoluent comme pour celui des Hommes qui vivent à proximité. Les gestionnaires de Oostvaarderplassen ont su s’adapter et changer leur doctrine face aux résultats désastreux du laisser faire dans leur réserve. 

Il est dommage de voir des associations de réensauvagement s’entêter dans cette voie, malgré les dangers qui menacent leurs parcs, et contre lesquels Oostvaarderplassen met en garde.

IMAGE ECOLUCIDE

Mine de Lithium en France : on touche le fond ou au but ?

Mine de Lithium en France : On touche le fond ou au but ?

La mine de Lithium à Echassières : nouvel Allier de l’écologie?

À Echassières, dans l’Allier, un important gisement de lithium a été découvert il y deux ans.  En 2028, un grand projet d’exploitation minière devrait démarrer à l’initiative de la société française Imérys. Ce projet, à plus d’1 milliard d’euros d’investissements, devrait créer plus de 1600 emplois dans la région.

L’objectif de l’entreprise est clair : rendre la France souveraine et indépendante en ressources énergétiques. En effet, les 1600 emplois créés sur une trentaine d’années sont une aubaine pour ce département qui fait partie des plus pauvres de France. Selon l’insee, 15,5 % de ses habitants vivant sous le seuil de pauvreté fin 2011. L’augmentation de cette précarité touche  surtout les jeunes, qui peinent à entrer sur le marché du travail, et les familles, notamment monoparentales.

Le développement de la plus grosse mine de lithium d’Europe : objectif stratégique majeur ?

Le lithium est utilisé aujourd’hui pour construire des batteries qui font fonctionner nos téléphones et nos voitures électriques.  97% de la production de lithium est assurée par des pays hors Union Européenne. Les premiers pays exportateurs de lithium sont notamment l’Australie avec plus de 30% de la production mondiale, suivi de près par la Chine (environ 25%). Cette dépendance est accrue en raison que le seul pays exportateur de lithium en Europe, le Portugal, peine à  répondre aux commandes urgentes des pays européens comme la France ou l’Allemagne. L’interdiction de la construction de voiture à essence d’ici 2035 au sein de la zone de l’Union Européenne crée de nombreuses tensions géopolitiques et économiques.

Un projet en dents de scies

Le projet se présente comme exemplaire avec la mise en place d’une mine en souterrain pour limiter les nuisances sonores et les poussières. Il met toutefois en péril la biodiversité du département de l’Allier. En effet, le Département de l’Allier se caractérise par une diversité exceptionnelle . Il compte ainsi de nombreuses espèces d’intérêts, protégées sur le plan national et européen, avec par exemple la loutre, le castor, le saumon, Son plus grand représentant, la rosalie des Alpes, une espèce d’insecte coléoptère vivant exclusivement dans ses bois, est directement menacé par les travaux de la société française. La destruction de plusieurs centaines d’arbres met en péril l’habitat naturel de cet animal en voie de disparition.

Un désastre écologique assumé ?

Pour faire des économies d’eau, l’entreprise a déclaré se servir d’une partie des eaux usées avec l’aide de la station d’épuration de Montluçon. En effet, l’entreprise promet toutefois de limiter les quantités totales d’eau nécessaires grâce à son procédé de recyclage qui garantirait de réutiliser 90% des volumes puisés. «On ne prétend pas que la mine n’aura pas d’impact sur l’environnement, résume Alan Parte. En outre, la boite française prévoit de consommer 1,2 million de mètres cubes par an, essentiellement en s’alimentant dans la Sioule, la rivière voisine.

L’arsenic : un danger sous-estimé ?

La grande concentration de métaux lourds comme l’arsenic dans les sous sols de la région serait susceptible de présenter un «risque très significatif pour la santé humaine et l’environnement». En effet, la présence d’arsenic à proximité de la future mine de lithium pourrait modifier l’écoulement des nappes souterraines. L’eau risque d’être pollué par les résidus de métaux toxiques jusqu’ici emprisonnés dans la roche. Ainsi, l’extraction du lithium dans la mine pourrait dissiper des particules d’arsenic dans l’atmosphère, favorisant les risques de cancer de la peau.

Une autre solution est-t-elle possible ?

Le lithium n’est peut-être pas la solution ! Pour preuve, Tiamat, une start-up amiénoise issue du CNRS, développe des batteries à base de sodium, nettement plus abondant. Le sodium est en effet le sixième élément le plus abondant dans l’écorce terrestre. En outre, la facilité à trouver des matières premières dans la nature notamment par ses faibles coûts d’extraction et une utilisation limitée d’énergie, fait du sodium un élément à faible impact environnemental. Néanmoins, l’un des principaux inconvénients des batteries au sodium est leur faible densité énergétique. Les batteries au sodium ont encore une densité assez faible, entre 140 Wh/Kg et 160 Wh/kg, par rapport à 180 Wh/Kg – 250 Wh/Kg pour les batteries lithium-ion.

Finalement, un projet qui fait grise mine ?

Aujourd’hui, le sujet reste au cœur des préoccupations. En effet, la loi prévoit que la Commission nationale du débat public (CNDP) soit saisie dès lors qu’un projet dépasse 600 millions d’euros d’investissement. Concernant la rentabilité du projet, les coûts de production de l’hydroxyde de lithium français devraient se situe entre 7 et 9 euros le kilo. Le prix de vente du lithium est actuellement autour de 70 euros le kilo. Sur ces niveaux de prix, le chiffre d’affaire annuel généré par cette seule mine devrait approcher 2,4 milliards d’euros. Le projet devrait donc être très rentable, en dépit de l’amortissement de l’investissement. Toutefois, ce projet reste en suspense en raisons des nombreuses contestations des écologistes sur ce « désastre écologique programmé ». Quoiqu’il en soit, l’avenir de ce projet semble être une magnifique opportunité pour pouvoir enfin rendre la France indépendante et souveraine concernant ses besoins énergétiques.

véganisme

Non, l’antispécisme n’est pas un allié de la biodiversité

Le véganisme est devenu ces dernières années un vrai sujet de société. Objet de débats passionnés, on aborde moins souvent l’idéologie qui se cache derrière : l’antispécisme. Cette doctrine, tournée autour du bien-être animal, prétend être vertueuse en matière de protection de la biodiversité.  

Qu’en est-il vraiment ?

Antispécisme : de quoi s’agit-il ?

L’antispécisme est un courant de pensée moral et philosophique développé dans les années 70. Le principe central de cette idée est simple : l’espèce à laquelle appartient un animal n’est pas une raison légitime ou un critère pertinent pour décider ni de la considération qui doit lui être accordée, ni de la manière dont il doit être traité. Cette idée s’oppose au spécisme, définie comme être aux animaux ce qu’est le racisme aux Hommes.

Une précision s’impose. L’antispécisme raisonne en termes de souffrance animale. Pour eux, ce qui compte, c’est de limiter autant que possible les souffrances des êtres sentients, capables d’éprouver des choses subjectivement, d’avoir des expériences vécues. En l’occurrence, il s’agit de tous les vertébrés, de nombreux arthropodes (insectes, arachnides, crustacées…) et même de certains mollusques (les céphalopodes et probablement une partie des gastéropodes).

Bien-être animal et biodiversité : même combat ?

A première vue, l’antispécisme est une idéologie alliée de la défense de la biodiversité. En effet, la perte d’habitat, le manque de ressources alimentaires ou encore la bioaccumulation de produit toxique sont des sources de souffrance pour de nombreux animaux. 

Cependant, il y a une notion importante de l’antispécisme que nous n’avons pas aborder. Si les antispécistes rejettent les inégalités entre les Hommes et les animaux, ils rejettent aussi les inégalités entre animaux. 

Les têtes pensantes de l’antispécisme ont effectivement du mal à accepter les relations de domination qui existent dans la nature : il est difficile d’accepter que des lions tuent un gnou. Il serait préférable de les en empêcher, quitte à les laisser mourir de faim… 

Vous pensez que c’est une exagération ? 

C’est pourtant exactement une idée défendue par David Olivier, importateur des idées de Peter Singer en France.

Un autre exemple ?

Vous souvenez vous du malheureux beluga perdu dans la Seine ? Sa mésaventure avait ému l’opinion public lors de l’été 2022. L’association Sea Shepherd était alors intervenue en lui jetant des truites vivantes en espérant qu’il s’alimente.  

La co-présidente du Parti animaliste de l’époque s’était alors insurgée, criant au spécisme, en voyant des dizaines d’individus sacrifiés pour en sauver un seul. 

On pourrait objecter que ces deux individus ne représentent que des petits courants de l’antispécisme. David Olivier est à l’origine des « cahiers antispécistes » et le parti animaliste est capable de réunir 500 000 électeurs, mais ça ne fait pas d’eux les représentants de l’antispécisme français dans son ensemble pour autant.

Pourtant, leurs idées sont bien des courants de l’antispécisme, même si d’autres antispécistes prétendent qu’ils sont minoritaires. Loin d’être en contradiction avec les principes fondamentaux de cette philosophie, ils vont même au bout de ce concept, le poussant dans ses retranchements. 

Conclusion

Voilà le gros problème de l’antispécisme : à l’inverse de l’écologie, il fait passer le bien-être des individus avant l’équilibre des populations.  

Les règles immuables de la nature entrent en conflit avec les lois de l’antispécisme. La protection de la biodiversité est une discipline basée sur une science, l’écologie : la morale antispéciste entre en contradiction avec ses principes, elle n’y a pas sa place. 

FE Fuel Cell de Hyundai

La voiture à hydrogène ne nous sauvera pas

Il y a quelques jours, France 5 a sorti son reportage sur les voitures à hydrogène, questionnant alors la production de ce carburant présenté comme propre ¹. La question qui dirigeait le reportage était la suivante : la voiture à hydrogène peut-elle nous sauver ? La réponse est malheureusement non, parce que la voiture qui « nous sauvera » c’est celle qui ne pollue pas. C’est donc une voiture qui n’existe pas, quoiqu’en disent les industriels en louant leurs carburants faussement propres.

Mieux que de ne pas polluer, la Hyundai Nexo est censée purifier l'air. Peut être peut elle aussi stopper la faim dans le monde ! (site internet de Hyundai)

Dans le monde et a fortiori en France, le secteur des transports représente une très grande part des émissions de CO₂. On ne cesse d’inventer de nouvelles voitures, toutes les plus vertes les unes que les autres, mais il ne faut pas penser qu’acheter une voiture à hydrogène règle tous nos soucis. Par exemple, entre se déplacer avec une telle voiture (ou même une voiture électrique) et se déplacer en train, c’est le train qui gagne haut la main ². Le problème reste bien évidemment le manque d’infrastructures et de volonté politique.

Néanmoins, comme le montre ce schéma du Shift (ci-dessous), la motorisation du véhicule n’est qu’une des composantes des émissions de CO₂ induites par la mobilité.

Schéma trouvé dans le rapport "« Guide pour une mobilité quotidienne bas carbone » : Le rapport du Shift pour les collectivités""

Malheureusement, diminuer les déplacements ou bien favoriser le vélo et la marche, ce n’est pas forcément ce qui excite le plus les industriels…

Ainsi, ce n’est plus seulement la voiture thermique qu’il faut abandonner, mais la voiture en tant que système (infrastructures, incitations, imaginaire, etc.). A la place doit s’implanter un mode de déplacement plus vertueux, basé sur la sobriété, le covoiturage et la proximité ³. Et c’est loin d’être une mince affaire tant la voiture est implantée dans l’imaginaire des individus, voire dans l’individu lui-même ⁴. La voiture est partout et son pouvoir est énorme, faute de sérieux concurrents…pour l’instant.

1 – France Télévisions. (s. d.). Sur le front La voiture à hydrogène peut-elle nous sauver ? [Vidéo]. France Télévisions.

2 – A ce sujet, nous vous conseillons fortement ce comparatif de l’Ademe intitulé « Calculer les émissions de carbone de vos trajets« .

3 – The Shift Project. (2020). Guide pour une mobilité quotidienne bas carbone : Vers un système cohérent d’alternatives à la voiture en solo dans les zones de moyenne densité.

4 – Lannoy, P., & Demoli, Y. (2019). Sociologie de l’automobile. Repères. https://doi.org/10.3917/dec.demol.2019.01

cda2022_actu_just_stop_oil_van_gogh_national_gallery_londres_tomate-tt-width-1200-height-630-fill-0-crop-1-bgcolor-ffffff

Touche pas à mon art !

Ou pourquoi les activistes « écolo » se trompent de cible 

Ils ont osé 

National Gallery, Londres. Vendredi 14 octobre. Des jeunes activistes du mouvement Just stop Oil balancent de la soupe à la tomate sur les Tournesols de Van Gogh.  En mai dernier, c’était la Joconde qui se voyait entartrée. Dans un musée australien, des militants se collent la main à un Picasso. Idem en Italie, où ce sera au tour de Boticelli. Hier encore, Monet a eu le droit à son lot de purée. A la clé, une énorme visibilité à peu de frais (judiciairement ça se discute), un phénomène qui se répand à coup de mimétisme, et la bonne volonté d’interpeller sur la crise environnementale. Alors haro sur l’art ! Pourtant, ni l’art , ni l’environnement n’en sortent véritablement gagnants, peut-être parce qu’ils sont beaucoup plus liés qu’on ne le pense. 

Après tout c’est pour la bonne cause… 

Bien sûr, ces militants ont tout un tas de circonstances atténuantes. L’écologie est trop souvent balayée sous le tapis de l’économie, du court terme. Parler de changement climatique, de raréfaction des ressources hydrocarburées, d’extinction de la biodiversité, c’est angoissant. Par peur, on préfère souvent détourner le regard, là où il faudrait anticiper pour l’avenir. Les activistes n’ont pas forcément tort car ils nous poussent à regarder ce qu’on ne veut plus voir. Encore faut-il ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. 

Quelles répercussions ? 

Protégée par une fine vitre, la peinture de Van Gogh n’a subi aucun dégât. Ça valait bien plus de 48 millions de vues sur twitter. Sauf que si on regarde plus attentivement on s’aperçoit : 

1 : Que l’événement a donné du grain à moudre à la machinerie climatojemenfoutiste

2 : Que le grand public semble avoir très moyennement apprécié (si l’on en croit la majorité des réactions sur les réseaux sociaux). 

3 : Que même parmi les écologistes, cette action a suscité un grand débat. Le tweet d’Hugo Clément à ce sujet était assez éloquent

L’art attaqué 

Certes, ce genre d’événements ramènent les questions climatiques au centre de l’actu. Mais on peut raisonnablement penser que ce n’est pas vraiment à bon escient. Pire, le symbole est désastreux. Certes, l’œuvre de Van Gogh n’a pas subi de dégât physique, certes, il n’y avait pas de mauvaise volonté (l’enfer est peuplé de bonnes intentions), pourtant, c’est sur l’art tout entier que cette soupe dégouline. Ou en tout cas sur une certaine vision de l’art. Un art qui transfigure l’idéal de beauté. 

Qu’est ce que le beau ? 

Peut-on vraiment distinguer les belles œuvres ? Mouillons nous un peu. Oui le beau existe, oui l’art devrait toujours poursuivre l’idéal de beauté, non, tout n’est pas une affaire “de goûts et de couleurs”.  Dans la Critique de la faculté de juger, Emmanuel Kant nous donne à penser que que la beauté est une satisfaction désintéressée : “est beau ce qui plaît universellement et sans concept”. Certes, la beauté est d’abord vécue dans l’expérience subjective, pourtant, tout se passe comme si ce que l’on trouve beau a une valeur universelle. C’est ce que Kant appelle l’universalité subjective. L’attrait pour les choses belles : voilà le bon goût. Sans pour autant être musicien, indistinctement de notre classe sociale, nous entendons les fausses notes, comme si nous avions déjà en nous le sens d’une harmonie préétablie.  Pour déployer cette intuition esthétique en nous, il ne manque plus que l’éducation aux belles choses. 

La beauté perdue 

Loin de vouloir classer tout ce qui est beau de tout ce qui est laid (d’autres le feraient mieux que nous), je pense que l’idéal de beauté marche de concert avec l’écologie. Blocs de béton, maisons préfabriquées, haies arrachées : les dégâts sont tout autant environnementaux que paysagers. Nous avons partiellement renoncé à la beauté. Le philosophe Jean Baudrillard porte une analyse assez intéressante à ce sujet : chassé d’un art toujours plus conceptuel, l’esthétisme s’est réfugié dans les objets de consommation : Publicité, design, mode… Le numérique est alors un allié tout trouvé : là s’y bâtissent des mondes virtuels souvent époustouflants. A coup de bombardements d’images éphémères, les réseaux sociaux se taillent aussi une part de lion. 

Retrouver la beauté de notre monde 

Si le numérique n’apportait que des malheurs, il y a bien longtemps que nous aurions quitté les réseaux sociaux. Toutefois, il est grand temps de reprendre prise sur un monde physique en péril. De quelle façon ? 1 : il faut agir. Mais 2, et on l’oublie trop souvent, nous devons retrouver notre capacité à nous émerveiller, à prendre conscience de la fragilité des choses. Il est grand temps de réapprendre à habiter notre monde , à y déceler les beautés qu’on voudra protéger. Et l’art en fait intégralement partie.

Conseil aux activistes 

Contempler une forêt, déambuler dans un musée, c’est, si l’on veut bien élever notre regard, accéder à une forme de transcendance. Prendre conscience de cette transcendance: c’est faire preuve d’humilité. Cette même humilité, qui nous remet au contact de la terre : le humus. N’en déplaise aux hors-sols. N’en déplaise aussi à ceux qui pensent que le bien-être matériel doit systématiquement passer avant toute préoccupation esthétique ou patrimoniale (certains s’indignaient par exemple que l’incendie de Notre Dame eût suscité un seul instant plus d’émotion que le coût de la vie en France). Oui, il y a des choses qui nous dépassent. Des choses qui nous obligent. 

veganman

Le régime végan est-il vraiment sain ?

Depuis plusieurs années, le mouvement sans viande est apparu, en conséquence directe du développement de l’industrie de l’élevage En Occident du moins, la proportion des personnes adoptant des régimes non carnés augmente de plus en plus. En 2020, en France, ils étaient 2,2% selon l’Ifop. Pourtant, l’on en parle abondamment, d’une part pour vanter les mérites écologiques et pour la santé, et d’autre part pour décrier ce régime qui serait anormal et qui ne répondrait pas à nos besoins.

Tout d’abord, l’alimentation des Français est diverse. Et si 74% se déclarent omnivores, il est évident que tous ne s’alimentent pas de la même manière. De plus, il faut bien cerner les différentes nomenclatures de tous ces régimes. Entre végétarien, végétalien, flexitariens et autre, on s’y perd facilement. En voici quelques-uns :

  • Régime omnivore : composé d’aliments d’origine animale et végétale.
  • Régime flexitarien : principalement végétarien, mais incluant occasionnellement de la viande ou du poisson (pas de définition universelle).
  • Régime végétarien : sans viande ni poisson. On retrouve toutefois des produits d’origine animale tel que du lait.

Régime végétalien (végan) : sans aliments issus de l’exploitation animale (y compris le lait et les œufs).

C’est ce dernier qui nous intéresse : est-il adapté à l’homme ? N’y a-t-il pas de risque de carence alimentaire ?

Le saviez vous ? Il y a seulement 0,3% de Français ayant adopté un régime végetalien (végan). Étude Végétariens et flexitariens en France en 2020, Ifop.

« Pas de risques a priori »

Pour la Professeur Irène Margaritis, chef de l’unité d’évaluation des risques liés à la nutrition à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses), « ce régime en lui-même ne présente a priori pas de risque s’il est bien pratiqué, mais cela nécessite une vigilance toute particulière et de se faire aider par un médecin nutritionniste ou un diététicien » Et d’ajouter qu’ « un régime végétalien suivi sans connaissances peut avoir des conséquences dramatiques ». L’alimentation est un savant calcul auquel peut aussi bien répondre l’omnivorisme que le végétalisme. Néanmoins, ce dernier est plus difficile à mettre en place à l’heure actuelle du fait d’un manque de connaissance, d’une production alimentaire dirigée vers la demande en viande ainsi que de la culture française où la viande est très représentée.

Dans sa vidéo YouTube "VEGAN PENDANT 1 MOIS : J'ARRÊTE TOUT ?!", Eric Flag (coach en développement physique et mental) change radicalement de régime et livre une conclusion plutôt favorable en insistant sur le fait de notamment adapter ses apports caloriques.

Selon Santé Publique France, le régime végétalien n’est « pas adapté pour tout le monde ». Ou plutôt, les carences s’accumulent chez les plus fragiles (femmes enceintes et enfants en bas âge). Des carences pouvant cependant tout à fait être comblées par des produits alternatifs ou des compléments alimentaires. En outre, le fer, le calcium, l’iode, les vitamines D et B12 ou même les protéines ne sont pas le monopole des produits carnés. Benjamin Allès, chargé de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), expliquait à Libération en 2018 : « Une première étude aux Etats-Unis rapporte que des individus qui consomment beaucoup de produits végétaux transformés et peu de produits bruts se retrouvent avec de plus forts risques de maladies cardiovasculaires tout comme les individus qui consomment beaucoup de produits animaux transformés » (ici, une étude de juillet 2017 penche en ce sens, peut-être est-ce celle que le chercheur a mentionnée). Ainsi, il n’y a pas de régime miraculeux. Tout dépend de son application.

« Plusieurs caractéristiques des aliments ultra-transformés conduisent à penser qu’ils pourraient avoir des effets négatifs sur la santé, comme le suggèrent une vingtaine d’études épidémiologiques publiées récemment en France et à travers le monde »

Tout est question d’équilibre

A l’heure où 59% des adultes et près d’un enfant sur trois sont aujourd’hui en surpoids (IMC>25) ou obèses (IMC>30), l’enjeu sanitaire est avant tout de manger plus équilibré, ce que n’assure aucun régime en lui-même. On imagine mal expliquer qu’un enfant nourri au Big Mac est en meilleure santé qu’un autre végétalien suivi par un nutritionniste (toutes choses égales par ailleurs, évidemment).

En Europe, 59% des adultes et près d'un enfant sur trois sont aujourd'hui obèses ou en surpoids.

En résumé, le régime végan est un régime difficile à s’approprier à l’heure actuelle. Celui qui s’en saisit doit impérativement connaitre ses besoins alimentaires par le biais – du moins temporaire – d’un professionnel de la santé. Néanmoins, le régime végétalien à un autre avantage inhérent à sa nature : il exclut la consommation de produits d’origine animale dont leur production est responsable d’importantes pollutions de l’environnement notamment par le biais de gaz à effets de serre (l’élevage est responsable de 15 % des émissions de GES dans le monde).

undefined

Les éoliennes représentent-elles un danger pour notre santé ?

Parfois désignées comme les grandes profanatrices de notre paysage, de notre faune et de notre souveraineté, les éoliennes seraient encore plus diaboliques et impacteraient notre santé. Sans renier que certaines installations sont plus impactantees que d’autres parmi un tas de facteurs objectifs pouvant détériorer notre santé, et que donc certaines luttes anti éolienne sont tout à fait légitimes, on peut remettre en cause les nouveaux dogmes farfelus d’une minorité d’anti éolien. Qu’en est-il réellement ?

Si vous habitez à la campagne, vous avez peut-être déjà vu, aux abords d’un bourg ou d’une rue passante, des panneaux protestant contre des projets éoliens qui poussent tel des champignons en France. Les éoliennes inquiètent. Concernant notre santé, deux de nos sens seraient particulièrement impactés selon certains : la vue et l’ouïe. En outre, les éoliennes, quand elles tournent (soit plus de 80% du temps selon EDF), interfèrent avec les rayons du soleil, ce qui produit un effet stroboscopique. De plus, elles émettraient des sons gênants, que ce soit par le bruit des pales qui brassent le vent ou par les infrasons qu’elles produisent.

Que prévoit la loi française ?

En premier lieu, il est nécessaire de préciser qu’un cadre législatif entoure la mise en place d’un parc éolien. La loi prévoit des études acoustique, paysagère et écologique. D’autres aspects peuvent également être étudiés, notamment la réception tv, la géologie ou les ombres portées. Aussi, doit être menée une « enquête publique avec affichage dans un rayon de 6 km autour du lieu envisagé pour l’implantation des éoliennes ». Cette consultation des riverains est une occasion d’user de son pouvoir citoyen et elle conduit souvent à la réalisation d’études supplémentaires. Néanmoins, les études sont très souvent contestées ; les habitants sont assez peu confiants quant à la justesse de ces dernières. Parfois, les résultats d’études non obligatoires ne sont d’ailleurs pas publiés.

De plus, il se pose la question de la légitimité des études. Par exemple, la géobiologie n’est pas reconnue comme étant une science (même si certains travaillent pour l’Etat). Cette technique pourrait servir à détecter les courants d’eau souterrains et palier aux risques de transmissions de courants électriques. C’est en tout cas ce qu’explique Olivier Ranchy, conseiller en géobiologie à la Chambre d’agriculture Pays de la Loire – on résume couramment son travail par l’appellation de « sourcier ». « Lorsqu’elles [les éoliennes] sont implantées dans une zone neutre sans faille ni cours d’eau, le risque est minime. En revanche, la construction d’une fondation avec 50 tonnes de ferraille et 100 toupies de béton (1 200 m3) peut entraîner des perturbations plus ou moins fortes si une veine d’eau court jusqu’au bâtiment d’élevage en transportant l’électricité », expliquait-il à Ouest France. Que l’on croit ou non à cette pseudo science, l’enjeu soulevé par le « sourcier » reste le même : mieux sonder le sous sol des projets éoliens afin de prévenir les risques liées à la santé des humains, mais aussi des animaux.

Hormis les doutes – parfois très peu fondés -, les études d’impacts et de dangers couvrent une bonne partie des effets potentiellement néfastes des éoliennes. Et pourtant, nombre de facteurs qui font l’objet de ces études continuent d’être pointés du doigt. En plus de ces études sur des cas particuliers, il faut ajouter les études et recherches à plus grande échelle. Mais, semble-t-il, qu’importe les articles scientifiques, les meta-analyses, l’humain semble plus sensible aux cas extrêmes, à fortiori s’ils sont partagés par des proches – pas plus spécialistes pour autant.

L’effet stroboscopique

Si l’effet stroboscopique produit par les éoliennes ne conduit pas directement à des problèmes de santé, il peut néanmoins être un vecteur de stress. Mais le poids de ce phénomène nous apparait bien diminué dès lors que l’on ajoute qu’il n’apparait qu’un temps réduit dans l’année du fait de la position du soleil par rapport à l’habitation. Selon le journal Le Monde, des flashs lumineux n’apparaitraient « qu’en moyenne 3/4 d’heure par jour 3 mois par an ». Soit autant que nombre d’activités gênantes, telles que sa sœur mettant de la Kpop dans la maison par exemple. On pourrait aussi ajouter qu’on s’y habitue, mais on s’habitue aussi aux défaites de Saint Étienne, sans pour autant qu’on s’en réjouisse. De plus, les pales des éoliennes devraient tourner 3 fois plus vite (et les bouts de ses pales atteindraient le mur du son !) pour que les effets stroboscopiques deviennent dangereux pour les épileptiques.

Ce phénomène est donc sur exagéré : il ne conduit pas à des problèmes de santé dont l’éolien serait novateur ou aurait l’exclusivité, sans toutefois qu’il soit un non-évènement et ne puisse pas être désagréable.

En même temps qu’elles tranchent la lumière d’Hélios, les pales des éoliennes se confrontent à une autre divinité grecque : Éole. Le lien qu’elles entretiennent avec lui est tout indiqué, puisque c’est ce dernier qui leur confère leur nom et l’énergie mécanique nécessaire à nos besoins – ou envies – électriques. Malheureusement, ce procédé est bruyant. Aux pieds d’une éolienne tournant à plein régime, les « woush » sont impressionnants (55 dB). Mais à 500m – soit la distance minimum légale entre une éolienne et une habitation – le bruit est bien moins audible (environ 35 dB ; sans compter que le volume varie en fonction de la topographie, de la végétation, etc.), et serait même moins fort qu’une conversation à voix basse selon l’Ademe. A noter que les éoliennes les plus récentes sont moins bruyantes car plus aérodynamiques. Le « problème sonore » tendrait donc à se réduire.

Ajoutons également que les chercheurs prennent très au sérieux l’installation des éoliennes et leurs conséquences sonores. J’en veux pour preuve le projet PIBE qui a pour objectif « d’améliorer les méthodes de prévision de l’impact sonore des éoliennes et d’étudier des solutions de réduction du bruit et leur efficacité, aussi bien en conditions maitrisées qu’en conditions réelles ».

Une sensibilité biologique et psychologique

Et ce n’est pas une mince affaire. En outre, nous ne sommes pas égaux face aux bruits : notre sensibilité n’est pas la même. De manière purement biologique – notre capacité à entendre – mais aussi de manière psychologique. Loin de dire que le bruit des éoliennes n’existe que dans l’imagination des riverains, il me parait probable (et des études citées plus bas le concluent de manière similaire) que plus on est soumis à un discours anti éolien, plus le bruit des éoliennes est amplifié, virtuellement. En réalité, ce n’est pas le bruit objectif qui nous gène mais notre perception de celui ci. Il pourrait même jouer le rôle de bouc émissaire ; on se plaindrait du bruit pour ne pas avoir à critiquer un autre aspect moins critiquable de l’éolienne.

La critique de l’éolien régulée selon le groupe

Critiquer le bruit est une interrogation légitime, socialement bien accueillie par tous, contrairement à la critique de l’éolienne selon l’émission de pseudos infrasons par exemple. Illustrons ce propos : imaginons qu’une personne vote régulièrement pour le FN, un parti qui se caractérise par une approche extrêmement critique des éoliennes et plus encore de la technologie éolienne elle-même. Un jour, cette personne apprend qu’un parc éolien est en projet à côté de chez elle. Il lui faut réagir, et il est bien plus tolérable d’arriver dans le débat avec l’argument du bruit ou de l’esthétique qu’avec celui, bien plus politique et radical, qui conviendrait à bannir tout projet éolien, où qu’il soit construit.

Pour continuer à débattre et donner son opinion entre pairs et ne pas paraitre trop éloigné, trop extrême, il est préférable de s’adapter et d’opter pour une réponse mieux acceptée – mais pas moins contestable. En somme, il existe une sorte de contrat implicite entre tous les membres du groupe qui définit les critiques acceptées. Mais nous nous éloignons quelque peu du sujet ; retenons ici que le bruit ou l’esthétique ne sont parfois pas les réelles inquiétudes des individus. Parfois, on peut pointer du doigts d’autres nuisances induites par les éoliennes, des nuisances qui font l’objet de bien peu – voire pas du tout – de reconnaissance scientifique.

Infrasons nocifs

Ce qui inquiète parfois davantage dans les chaumières, ce n’est pas ce qu’on entend, mais ce qu’on n’entend pas. Paradoxal ? Point du tout ! Il faut savoir que, comme de nombreux appareils de la vie courante (machines à air conditionné, frigos, voitures, subwoofer, …) et même à la manière de la nature (tonnerre, vagues, tornades, vent…), les éoliennes produisent des infrasons, des sons inférieurs à 20 hertz. Bien qu’inaudibles, nous pourrions en subir les conséquences. Mais comme le rappelait l’institut national de recherche et de sécurité (Inrs) en 2006, « les effets physiologiques des infrasons, comme ceux de tous les bruits, dépendent du niveau reçu ». C’est surtout le monde du travail – et plus précisément le milieu ouvrier, là où les usines contiennent de nombreuses machines émettrices d’infrasons – qui serait impacté. Les éoliennes sont loin d’avoir le monopole des infrasons ; dans un village de Saône-et-Loire, on ne sait même pas ce qui provoque les infrasons. Mais à la différence de l’océan ou des usines par exemple, les éoliennes touchent à un domaine plus sensible, celui du privé et de la campagne. D’ailleurs, c’est souvent un critère d’installation : la campagne est réputée pour être silencieuse en contraste avec la ville bruyante. Le moindre soupçon d’infrason est donc rendu intolérable, d’autant plus que l’éolienne « envahit », à contrario de la mer, du vent dans les arbres ou des machines dans les usines qui précèdent notre venue. De ce point de vue, l’éolien est davantage comparable à la voie express.

Néanmoins, avec l’avènement des éoliennes, on s’est légitimement demandé quelle conséquence les infrasons que ces dernières produisent pourraient avoir sur notre santé. On peut d’ailleurs préciser que si « éolienne » semblent être le terme le plus usité pour parler de ces installations, certains opposants préfèrent parler de « machines industrielles » afin de contraster avec l’image écologique et toute verte que l’on pourrait s’en faire. Oui, l’éolienne est une machine en plein air, mais leurs conséquences sont-elles similaires à celles que subissent les ouvriers par exemple ?

Le syndrome éolien

Des études ont donc été menées afin de déterminer si les éoliennes provoquaient des troubles physiologiques sur les habitants à proximité.

En 2009, le Docteur Nina Pierpont autopublia une étude aussi erronée que bouleversante intitulé Wind Turbine Syndrome: A Report on a Natural Experiment, lequel mettait en lumière 12 symptômes qui, regroupés, forment le syndrome éolien (ou Wind Turbine Syndrom, WTS). Si elle n’a jamais été publiée dans une revue scientifique et validée par d’autres scientifiques, cette étude a joui d’une importante popularité chez les anti-éoliens, qui brandissent l’ouvrage sans cacher leur joie de pouvoir citer un docteur. Le gros problème de cette étude est la méthodologie. L’étude s’est seulement concentrée sur 10 foyers, soit 38 individus qui ont été confrontés à des éoliennes. Il a été étudié leur situation avant, pendant et après leur exposition aux éoliennes. Dans ces familles, au moins une personne devait, entre autres, « être gravement affecté par le fait de vivre près des éoliennes et devaient avoir pris des mesures drastiques pour se protéger de l’exposition aux éoliennes ». Nina Pierpont a donc délibérément choisi des personnes convaincues de la responsabilité des éoliennes sur leur état de santé.

En plus d’être basée sur une méthodologie plus que douteuse donc, l’étude s’appuie sur une explication simpliste : les éoliennes sont nocives car quand les habitants partent de leur domicile, ils n’ont plus de symptômes. Mais en lisant l’article de L’Inrs cité plus haut, une phrase retient notre attention et viendrait casser le sophisme précédemment présenté : « La rémanence des symptômes a été notée, alors que la source est supprimée, les sensations de malaise peuvent perdurer quelque temps ». Autrement dit, les effets des infrasons peuvent durer dans le temps et ne disparaissent pas caricaturalement dès qu’on sortirait d’une soi-disant zone polluée. De plus, selon l’Académie nationale de médecine, ces fameux symptômes « ne semblent guère spécifiques et peuvent s’inscrire dans ce qu’il est convenu d’appeler les Intolérances Environnementales Idiopathiques [IEE] ». Ces dernières définissent en fait les « symptômes récidivants non spécifiques attribués à une faible exposition à différentes substances fréquentes dans l’environnement » et sont souvent liées à l’hypersensibilité aux champs électromagnétiques. Rien de spécifique aux éoliennes donc.

Pourtant, Nina Pierpont se permet de tourner en dérision ceux qui se moquent de son syndrome éolien, parce qu’ils ne sont ni scientifiques et qu’ils n’habitent pas « dans l’ombre d’éoliennes ». Selon sa logique donc, seuls les spécialistes auraient leur mot à dire ; ces mêmes spécialistes qui renient en masse son travail – quoiqu’en disent les commentaires positifs au début de son ouvrage.

Le 8 juillet 2021, le tribunal de Toulouse a même reconnu ce syndrome éolien, donnant raison aux plaignants qui se disaient en proie à des nausées, saignements de nez, et même à des pertes de connaissance. Cette décision provoqua un tollé, mais fut considérée comme une réelle victoire chez les anti-éoliens qui espèrent qu’elle fera jurisprudence.

Des études plus sérieuses

En réalité, la majorité des études un tant soit peu scientifiques sur le sujet conclut que les éoliennes sont inoffensives de par la faible puissance de leurs infrasons. La gêne proviendrait davantage de points de vues conscients ou inconscients, comme semblent le prouver de nombreuses études.

« Aucune association claire ou cohérente n’est établie entre les sons émis par les éoliennes et toute maladie ou tout autre indicateur d’effet néfaste sur la santé humaine »

Massachusetts Institute of Tecnology (MIT), 2014.

D’après deux études françaises récentes (2017) respectivement dirigées par l’Anses et l’Académie nationale de médecine, la question pâtit tout d’abord d’un manque de connaissance scientifique quant aux effets des infrasons éoliens, ce qui laisse le champ libre à divers élucubrateurs. Dans son rapport, l’Anses remarque en effet que « les sources secondaires [articles de presse, chroniques radio, livre, etc.] sont nombreuses alors que le nombre de sources primaires [étude scientifique, enquête, etc.] qu’elles sont censées synthétiser est limité. » Et d’expliquer que « cette particularité, ajoutée à la divergence très marquée des conclusions de ces revues, montre clairement l’existence d’une forte controverse publique sur cette thématique ». Les éoliennes inquiètent beaucoup alors que le sujet ne fait pas vraiment débat au sein de la communauté scientifique.

« [Les « symptômes éoliens »] correspondent cependant à un ensemble de manifestations pouvant être consécutives à un stress, à la perte de sommeil, qui peuvent devenir handicapantes pour le sujet qui les ressent. »

Rapport de l’Anses, 2017

Dans une étude allemande joliment dénommée Machbarkeitsstudie zur Wirkung von Infraschall (2014), l’Agence fédérale de l’environnement explique qu’« à ce jour, il n’existe pas de connaissances scientifiquement établies prouvant un impact négatif des infrasons en dessous du seuil de perception [100 dB(G)], même si de nombreux articles de recherche postulent des hypothèses en ce sens ». Ainsi, la pseudo nocivité des éoliennes tiendrait… en des hypothèses. Rien de prouvé donc.

Un effet nocebo

Les deux études françaises constatent également un effet nocebo : les habitants créent inconsciemment leurs symptômes à cause d’informations qu’ils pensent vraies. « En d’autres termes, la crainte de la nuisance sonore serait plus pathogène que la nuisance elle-même », conclut l’Académie nationale de médecine (page 11 du rapport de 2017 précédemment cité). Une étude australienne à grande échelle de 2013 explique par exemple qu’un individu vivant à moins de 5 km d’un parc éolien sur 250 s’est déjà plaint des éoliennes. Parmi ce faible pourcentage, 72% mettent en cause un parc éolien directement visé par des groupes anti éoliens. La plainte serait donc le fruit non pas de l’éolienne, mais du discours autour de cette dernière. De plus, une étude néozélandaise menée en double aveugle conclut très clairement que plus un individu s’attend à être impacté de manière négative par les infrasons, plus il le sera, alors même lorsque ces mêmes infrasons n’entrainent aucune gêne chez celui étant non conscient de la pseudo dangerosité des infrasons éoliens. Une autre étude menée par la même chercheuse, Fiona Crichton, psychologue de la santé à l’université d’Auckland, conclut que les symptômes dits « éoliens » peuvent être atténués voire supprimés une fois que l’individu atteint est au fait de l’effet nocebo ainsi que de la non-nocivité des éoliennes.

La France abrite également RIBEolH, un projet d’étude qui a récemment débuté et qui a pour but d’évaluer « les effets sur la santé du bruit audible, en particulier des sons basse fréquence (SBF), et des infrasons, émis par les éoliennes ».

La santé est multiforme

Fiou, vous voilà maintenant abreuvés d’études scientifiques. Et leur constat est quasiment unanime. Néanmoins, ces dernières n’ont d’yeux que pour les infrasons : aucune ne parle de gêne plus indirecte. Aucune ne mesure précisément la peine éprouvée par les riverains des éoliennes, une peine qui n’est pas forcément visible, pas nécessairement physique. On oublie trop vite que la santé est multiforme :

« La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. »

Définition de la santé de l’OMS.

Le bruit, les infrasons et l’effet stroboscopique ne sont pas les seules conséquences des éoliennes. Certes elles sont les conséquences les plus directes, mais il en existe de bien plus indirectes et sournoises. On peut penser, par exemple, à la dévalorisation du bien du fait de la proximité du domicile avec un parc éolien. Ou bien même du fait que l’éolienne nuise au paysage. Pour un riverain, il est clair qu’une perte d’argent accompagné par un paysage moins beau, ça ne peut pas être positif. Encore faut-il prouver cette pseudo baisse – alors qu’on parle plutôt d’impact « quasi nul » – et expliquer en quoi une éolienne rend la vue si moche, ce qui est un critère totalement subjectif…

Jusqu’au complotisme

Au bout d’un certain moment, la méfiance vis-à-vis des scientifiques et de leurs conclusions devient fatiguant, et cela peut même aller jusqu’à du complotisme. Il fallait bien mettre un mot là dessus. C’est sûr que l’organisation d’un complot expliquera bien des phénomènes inexpliqués : si la science dit que les éoliennes ne sont pas si nocives que ça, ce serait parce qu’ils mentent ou plutôt qu’« on » les fait mentir. D’accord, si on veut, mais le débat sort alors des sentiers battus : comment débattre sans d’autre preuves que les conclusions d’un pseudo scientifique dont la méthodologie est totalement foireuse ? Et bien on ne peut pas. La seule solution est de tester scientifiquement nos hypothèses. Si elles ressortent du bain méthodologique, alors tant mieux, sinon eh bien tant pis. Les résultats des études que je vous ai présentées ont tous résisté à la méthode scientifique. Et les enseignement de ces dernières indiquent entre autres une proéminence des discours sur les faits concernant le danger éolien.

Bien loin de moi toutefois l’idée de dire que, puisque dire du mal des éoliennes nous tourmente, il faut se bâillonner et prendre la pilule bleue. Au contraire, cet article a pour dessein de traiter la question sanitaire avec sérieux et honnêteté. C’est cette réflexion qui me mène à penser qu’en fin de compte, la vraie nocivité des éoliennes se terre dans un débat public houleux et non-scientifique plutôt que dans ses infrasons ou ses ombres. La plus grande menace que notre santé subirait serait-elle du fait des contestataires qui s’arment de concepts fallacieux ?

merkelcharbon

Allemagne : l’exemple d’une transition énergétique ratée ?

Vendredi 13 janvier, TotalEnergies annonçait la mise en place de son terminal d’import de gaz naturel liquéfié (GNL, aussi appelé gaz de schiste). La guerre en Ukraine a indéniablement levé le voile sur la dépendance européenne envers la Russie en matière d’énergie. Le recours au GNL, anciennement boudé par nos voisins outre-Rhin, en est une conséquence directe. Ce revirement est également très politique. En effet, il s’inscrit parfaitement dans la levée de boucliers occidentaux – et notamment européens – contre l’invasion russe.

Après avoir suspendu la mise en fonction de Nord Stream 2 (gazoduc reliant la Russie et l'Allemagne, carte ci-contre), les Allemands ont décidé d'investir 1,5 Md dans...le Gaz naturel liquéfié, et, qui plus est...du Qatar.

La guerre en Ukraine a bon dos

Mais en réalité, tout cela dépasse la guerre en Ukraine. La dépendance à la Russie n’est qu’une conséquence des politiques menées depuis 20 ans en Allemagne. Des politiques ayant pour fer de lance la transition énergétique amorcée sous Angela Merkel (2005-2021) dans l’optique de se diriger vers un mix électrique dompté par les énergies renouvelables (EnR). Pourtant, malgré une Allemagne devenue le modèle européen de l’électricité verte – 4O% (données 2021) de son électricité provient d’énergies renouvelables -, le pays affiche aujourd’hui l’une des plus haute empreinte carbone par habitant d’Europe (8,70 tonnes par habitant en 2017, 5ème plus importante d’Europe) et le prix de l’électricité le plus élevé (31 c/kWh).

Mais alors, à quoi ont servi les efforts de l’Allemagne ? Tout s’est-il passé comme prévu, ou est-ce un échec complet ? D’abord, observons l’évolution du mix électrique allemand pendant l’ère Merkel :

La part du renouvelable est passée de 11% en 2005 à 50% en 2020. Fabuleux, non ? Infographie Le Monde.

Halte là, il ne faut pas oublier de distinguer le mix énergétique du mix électrique. En outre, l’électricité n’est qu’une source de production d’énergie. D’autres, souvent fossiles, produisent directement de l’énergie, sans passer par la « case électricité » (exemples : essence, chauffage au gaz). Ainsi, en Allemagne, l’électricité compose environ 21% du mix énergétique, contre 36% pour le pétrole, 26% pour le gaz et 8% pour le renouvelable et les biocarburants (Le Monde, 2021). Ainsi, selon l’Agence Internationale de l’Énergie (IEA) la part des énergies bas carbone dans le mix énergétique allemand s’élève à environ 20%, dont 2% de nucléaire (voir graphique ci-dessous) . C’est moins que la France, dont le mix énergétique est composé à environ 50% d’énergies bas carbone dont 40% de nucléaire.

« L’Allemagne s’est concentrée sur l’électricité en négligeant les transports, première source d’émission de CO2. »

Cécile Maisonneuve, ancienne directrice du centre énergie de l’Institut français des Relations Internationales (IFRI). Le Monde, 2019.

L’énergie allemande reste donc majoritairement fossile. Est-ce un aveu d’échec ? Car l’objectif de toute transition énergétique est justement de mettre en place des énergies décarbonées et donc de diminuer l’importance des plus émettrices en GES. Or l’Allemagne n’a diminué la part de ces énergies que de 7 points de pourcentage environ, le nucléaire se faisant remplacer par des EnR, ne changeant quasiment pas les émissions globales de GES.

Répartition des types de productions d'énergies en Allemagne (1990-2020). Source : IEA.

Le mix électrique n’est rien de plus que le haut de l’iceberg du mix énergétique. Il est bien plus attrayant de voir que 55% d’énergies renouvelables alimentent l’électricité allemande que la dure réalité qui est celle d’un mix énergétique dominé à près de 80% par de polluantes énergies fossiles. Angela Merkel semblait l’avoir bien compris. Quelques jours après l’accident nucléaire de Fukushima de 2011, Mutti choisit de sortir progressivement de l’énergie nucléaire, acclamée par une partie du peuple allemand. Hourra ! L’Allemagne allait sortir du nucléaire afin de construire des milliers d’éoliennes et de panneaux solaires ! Oui mais voilà, ces derniers n’ont remplacé que la moitié du nucléaire allemand, qui représente encore 11% de la production électrique allemande. De plus, ces types de production renouvelable sont intermittents, et il est alors nécessaire de mettre en place des énergies pilotables, qui sont en grande partie fossiles – puisque le nucléaire n’est plus une possibilité.

Délaissement du nucléaire

Celle qu’on surnommait la chancelière du climat (Klima Kanzlerin) aurait peut-être dû compter sur l’énergie nucléaire comme un moyen de transition entre le fossile et le renouvelable, mais, hâtée par les écologistes allemands, son devoir d’incarner une figure protectrice et les élections qui approchaient, elle engagea un processus qu’on sait aujourd’hui dans une certaine mesure inefficace. Certes, la question se jouait à l’époque sur la sûreté nucléaire, et on lui aurait reproché de ne pas avoir fermé le parc nucléaire si un accident s’était produit, mais le nucléaire civil était (et est toujours) si stratégique – voire prometteur – que l’ex chancelière ne peut que remettre en question les politiques qu’elle a engagées. D’ailleurs, en 1995, alors ministre de l’environnement, Angela Merkel avait prophétiquement déclaré ceci : « sans l’énergie nucléaire, nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs en matière de réchauffement climatique ».

D’autant plus que la perte du nucléaire a rimé avec une forte dépendance, notamment envers la Russie. En outre, avant la crise énergétique actuelle, 34% du pétrole, 65% du gaz et 23% du charbon en provenait (Le Grand Continent, 2022).

« 10 ans de cette vie ont suffi à la changer en junkie. »

Telle une junkie donc, l’Allemagne doit combler ses besoins. Les relations qu’elle entretenait avec son dealeur – la Russie – étaient en train de se renforcer. Mais la Russie a voulu jouer sur un autre terrain propice à tout trafiquant, celui de la guerre de territoire. Par relation d’alliance (et non par souci démocratique au vu de son nouveau fournisseur), l’Allemagne se doit de changer de produit et de fournisseur. Quoi de plus naturel de se tourner alors vers le GNL et de se rediriger vers le Qatar !

« Manifestement la « transition » n’a pas les vertus décarbonantes que l’on peut voir mises en avant dans diverses publications institutionnelles – voire universitaires – allemandes… »

Jean-Marc Jancovici, ingénieur et fondateur de The Shift Project. (site personnel, 2013)

Une transition en double teinte

Une transition énergétique a pour but de tendre vers un modèle pérenne d’approvisionnement en énergie, autant indépendant et décarboné qu’économiquement convenable. En ce sens, l’on ne peut pas dire que l’Allemagne ait réussi sa transition. Néanmoins, ses efforts n’ont pas été vains. En effet, l’Allemagne a appris à manier la technologie du renouvelable, ce qui va inéluctablement aider le reste de l’Europe pour le développement de ces technologies. De plus, les puissances industrielles et les pouvoirs publics se concertent afin de trouver une solution commune. Ainsi, le BDI, la fédération de l’industrie allemande, a jugé possible l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050, à condition d’y mettre le prix : 2 300 milliards d’euros. (Le Monde, 2022)

« Entre 2010 et 2020, nous avons réduit les émissions de 15 millions de tonnes par an en moyenne. D’ici à 2030, nous devons les réduire de plus de 40 millions chaque année. »

Robert Habeck, ministre de l’Économie et du Climat lors de la présentation ambitieuse de son plan climat, le 11/01/2022