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Fret SNCF : one more Train to Rob

À partir du 11 décembre 2024 les cheminots feront grève dans l’ensemble du pays pour protester contre la privatisation de Fret SNCF. Même si la SNCF a assuré que les 4800 emplois seront conservés, rien n’est sûr. Avec cette privatisation de Fret SNCF organisée par la France et l’Union Européenne, ne serions nous pas en train d’assister à la plus grande attaque de train, digne des films de western des années 70 ?

Le Bon

SNCF Marchandises est une ancienne branche de la Société Nationale des Chemins de fer Français (SNCF) qui gérait le transport de marchandises par rail. Avec l’ouverture à la concurrence et l’évolution des marchés, cette entité est devenue Fret SNCF en 1989. Fret SNCF joue un rôle clé dans la logistique en France et en Europe, en offrant une alternative plus écologique et efficace au transport routier pour les marchandises lourdes ou volumineuses. 

Cependant depuis les années 2000, le déclin de Fret SNCF était inévitable avec l’ouverture à la concurrence et le développement du transport routier. En 2023, le transport ferroviaire ne représentait plus que 8,9 % du transport intérieur terrestre de marchandises en France, contre environ 17 % en 2000. Par ailleurs, entre 2000 et 2020, le tonnage transporté par voie ferroviaire a chuté de 44% selon l’Autorité des Transports. Fret SNCF, en particulier, a été confronté à une diminution continue de ses flux stratégiques, aggravée par une désindustrialisation générale de l’économie française.

La Brute

Dans cet assassinat  de Fret SNCF, la France a fait preuve d’une grande intelligence comme à son habitude. Les politiques publiques françaises ont favorisé le développement des infrastructures routières et l’abaissement des coûts pour les transporteurs routiers. Des pratiques de « dumping social » et le manque d’intégration du coût environnemental des routes ont amplifié cette concurrence. Ce choix s’est souvent fait au détriment des investissements dans le fret ferroviaire, qui a vu ses parts de marché diminuer drastiquement. L’ouverture à la concurrence en 2006 aurait pu permettre une modernisation du fret ferroviaire.

Cependant, Fret SNCF n’a pas su s’adapter rapidement en raison d’une organisation rigide et de coûts élevés. Les gouvernements successifs n’ont pas mis en place de plan ambitieux pour repositionner le ferroviaire comme un acteur central du transport des marchandises. Ils ont privilégié des solutions temporaires (comme des subventions) au lieu de réformes structurelles nécessaires. Cela a maintenu Fret SNCF sous perfusion, retardant sa transformation. Par ailleurs, le manque d’investissement dans le réseau ferroviaire, que vous pouvez retrouver dans  cet article, a été le dernier clou sur le cercueil de Fret SNCF.

Le Truand

L’Union Européenne a imposé la disparition de Fret SNCF, principalement en raison de subventions jugées illégales versées par l’État français entre 2005 et 2019, estimées à 5 milliards d’euros. Ces aides ont été considérées comme une altération de la concurrence dans le cadre du marché unique européen, où le fret ferroviaire est ouvert à la concurrence depuis 2006. Face à cette situation, la France avait deux options : demander le remboursement des aides, ce qui aurait entraîné une faillite immédiate, ou négocier un plan de discontinuité avec la Commission européenne.

La France a opté pour cette dernière solution afin d’éviter des sanctions plus lourdes. Ce plan prévoit la disparition de Fret SNCF d’ici 2025 et son remplacement par deux entités : Hexafret, pour le transport de marchandises, et Technis, pour la maintenance. Cette restructuration implique des réductions d’activité (abandon de 20 % du chiffre d’affaires et de 30 % des flux), ainsi que des suppressions de postes, bien que la SNCF promette des reclassements pour les cheminots concernés.

Court termisme

La décision de supprimer Fret SNCF reflète d’un choix politique court termiste : respecter les règles européennes pour éviter des sanctions financières tout en tentant de maintenir une activité ferroviaire sous une forme restructurée. Cependant, cette décision est critiquée comme une capitulation face aux exigences européennes, notamment par la CGT Cheminots, Sud Rail et certains élus locaux, qui soulignent l’impact écologique et social de la destruction de Fret SNCF.

Le sac du patrimoine industriel Français, à travers la disparition au 1er janvier 2025 de Fret SNCF, illustre une série de choix politiques incohérents, amplifiés par une pression européenne croissante et des priorités nationales centrées sur la compétitivité à court terme plutôt que sur la durabilité à long terme.

watts

Fermeture de Watts Picardie : le mirage de la réindustrialisation

L’usine Watts de Picardie jette ses employés comme de “vulgaires Kleenex”, pour reprendre l’expression de Xavier Bertrand (LDR). Le groupe a en effet annoncé la fermeture par mail cette semaine du site de Hauvillers-Ouville, dans la quasi indifférence des médias et politiques nationaux. Nous allons voir dans cet article que c’est malheureusement une démonstration de l’échec de la politique de réindustrialisation du pays et un coup dur pour la transition énergétique.

Proposition 1

Écolucide a quatre ans

Merci 

Ecolucide a 4 ans et vous êtes toujours là. 

Un immense merci à notre belle communauté. 

 

Quand j’ai créé Ecolucide, je ne savais pas encore dans quoi l’on s’embarquait. C’était l’époque du confinement, je voulais rejoindre une rédaction étudiante. 

Je voulais mieux comprendre l’un des plus grands défis de notre temps : la transition écologique.

 

2020, une année bascule pour beaucoup. Un Covid mal digéré, les confinements éprouvants, nombre d’activités au placard. Ce maudit confinement était l’occasion toute trouvée pour prendre du recul. Pour lire aussi. En 2020, Jancovici commençait enfin à devenir prophète en son pays, mais un pays toujours plus fracturé. L’écologie ou du moins l’écologisme, aurait pu jouer ce rôle de force réconciliatrice : qui ne veut pas d’une terre plus préservée ? 

 

Pourtant, je dois dire que j’étais assez déçu de l’écologie politique. Certes, les activistes ne manquaient pas de défendre de nobles causes, mais tombaient trop souvent dans les clichés d’une gauche très sectaire. Il y avait bien les scientifiques, mais leur voix était trop peu portée. A droite, l’écologie était trop souvent mise sur le bas côté, avec ça et là quelques saillies médiatiques sur le nucléaire, ou pour expliquer que l’écologie était de leur côté. 

 

C’est dans ce paysage qu’est né Écolucide. Avec la volonté de penser une écologie ambitieuse, qui s’adresserait à tous sans mépris. Un laboratoire d’idées de tous bords : écologie intégrale, état stratège, enracinement, justice sociale, souveraineté, pragmatisme, sobriété… Une écologie engagée mais nuancée, sans doute pas neutre mais que je souhaite honnête, sourcée et un brin taquine. 

 

Aujourd’hui, alors qu’Ecolucide souffle sa quatrième bougie, je suis fier du chemin parcouru. Écolucide est devenu une équipe de rédacteurs, de graphistes, de monteurs. Un membre de notre communauté a accepté de créer notre site web en janvier 2024. Notre marque est déposée, nous avons même pu créer un premier événement et être invités à des conférences. 

 

En cet anniversaire, le chemin parcouru est beau et stimulant, mais les défis sont nombreux : structuration financière et juridique, organisation, gestion des arrivées et des départs, trouver le bon rythme de publication, concilier Écolucide à une vie professionnelle, et surtout garder de la hauteur. Tout cela ne sera possible que grâce à vous, la vraie force de motivation qui permet l’enclenchement de l’engrenage. Alors, merci à vous qui nous suivez, et si vous vous retrouvez dans ces quelques lignes, partagez notre travail et aidez nous à grandir. 

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Touche pas à mon art !

Ou pourquoi les activistes « écolo » se trompent de cible 

Ils ont osé 

National Gallery, Londres. Vendredi 14 octobre. Des jeunes activistes du mouvement Just stop Oil balancent de la soupe à la tomate sur les Tournesols de Van Gogh.  En mai dernier, c’était la Joconde qui se voyait entartrée. Dans un musée australien, des militants se collent la main à un Picasso. Idem en Italie, où ce sera au tour de Boticelli. Hier encore, Monet a eu le droit à son lot de purée. A la clé, une énorme visibilité à peu de frais (judiciairement ça se discute), un phénomène qui se répand à coup de mimétisme, et la bonne volonté d’interpeller sur la crise environnementale. Alors haro sur l’art ! Pourtant, ni l’art , ni l’environnement n’en sortent véritablement gagnants, peut-être parce qu’ils sont beaucoup plus liés qu’on ne le pense. 

Après tout c’est pour la bonne cause… 

Bien sûr, ces militants ont tout un tas de circonstances atténuantes. L’écologie est trop souvent balayée sous le tapis de l’économie, du court terme. Parler de changement climatique, de raréfaction des ressources hydrocarburées, d’extinction de la biodiversité, c’est angoissant. Par peur, on préfère souvent détourner le regard, là où il faudrait anticiper pour l’avenir. Les activistes n’ont pas forcément tort car ils nous poussent à regarder ce qu’on ne veut plus voir. Encore faut-il ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. 

Quelles répercussions ? 

Protégée par une fine vitre, la peinture de Van Gogh n’a subi aucun dégât. Ça valait bien plus de 48 millions de vues sur twitter. Sauf que si on regarde plus attentivement on s’aperçoit : 

1 : Que l’événement a donné du grain à moudre à la machinerie climatojemenfoutiste

2 : Que le grand public semble avoir très moyennement apprécié (si l’on en croit la majorité des réactions sur les réseaux sociaux). 

3 : Que même parmi les écologistes, cette action a suscité un grand débat. Le tweet d’Hugo Clément à ce sujet était assez éloquent

L’art attaqué 

Certes, ce genre d’événements ramènent les questions climatiques au centre de l’actu. Mais on peut raisonnablement penser que ce n’est pas vraiment à bon escient. Pire, le symbole est désastreux. Certes, l’œuvre de Van Gogh n’a pas subi de dégât physique, certes, il n’y avait pas de mauvaise volonté (l’enfer est peuplé de bonnes intentions), pourtant, c’est sur l’art tout entier que cette soupe dégouline. Ou en tout cas sur une certaine vision de l’art. Un art qui transfigure l’idéal de beauté. 

Qu’est ce que le beau ? 

Peut-on vraiment distinguer les belles œuvres ? Mouillons nous un peu. Oui le beau existe, oui l’art devrait toujours poursuivre l’idéal de beauté, non, tout n’est pas une affaire “de goûts et de couleurs”.  Dans la Critique de la faculté de juger, Emmanuel Kant nous donne à penser que que la beauté est une satisfaction désintéressée : “est beau ce qui plaît universellement et sans concept”. Certes, la beauté est d’abord vécue dans l’expérience subjective, pourtant, tout se passe comme si ce que l’on trouve beau a une valeur universelle. C’est ce que Kant appelle l’universalité subjective. L’attrait pour les choses belles : voilà le bon goût. Sans pour autant être musicien, indistinctement de notre classe sociale, nous entendons les fausses notes, comme si nous avions déjà en nous le sens d’une harmonie préétablie.  Pour déployer cette intuition esthétique en nous, il ne manque plus que l’éducation aux belles choses. 

La beauté perdue 

Loin de vouloir classer tout ce qui est beau de tout ce qui est laid (d’autres le feraient mieux que nous), je pense que l’idéal de beauté marche de concert avec l’écologie. Blocs de béton, maisons préfabriquées, haies arrachées : les dégâts sont tout autant environnementaux que paysagers. Nous avons partiellement renoncé à la beauté. Le philosophe Jean Baudrillard porte une analyse assez intéressante à ce sujet : chassé d’un art toujours plus conceptuel, l’esthétisme s’est réfugié dans les objets de consommation : Publicité, design, mode… Le numérique est alors un allié tout trouvé : là s’y bâtissent des mondes virtuels souvent époustouflants. A coup de bombardements d’images éphémères, les réseaux sociaux se taillent aussi une part de lion. 

Retrouver la beauté de notre monde 

Si le numérique n’apportait que des malheurs, il y a bien longtemps que nous aurions quitté les réseaux sociaux. Toutefois, il est grand temps de reprendre prise sur un monde physique en péril. De quelle façon ? 1 : il faut agir. Mais 2, et on l’oublie trop souvent, nous devons retrouver notre capacité à nous émerveiller, à prendre conscience de la fragilité des choses. Il est grand temps de réapprendre à habiter notre monde , à y déceler les beautés qu’on voudra protéger. Et l’art en fait intégralement partie.

Conseil aux activistes 

Contempler une forêt, déambuler dans un musée, c’est, si l’on veut bien élever notre regard, accéder à une forme de transcendance. Prendre conscience de cette transcendance: c’est faire preuve d’humilité. Cette même humilité, qui nous remet au contact de la terre : le humus. N’en déplaise aux hors-sols. N’en déplaise aussi à ceux qui pensent que le bien-être matériel doit systématiquement passer avant toute préoccupation esthétique ou patrimoniale (certains s’indignaient par exemple que l’incendie de Notre Dame eût suscité un seul instant plus d’émotion que le coût de la vie en France). Oui, il y a des choses qui nous dépassent. Des choses qui nous obligent.