Une étude de l’ONG Parlons Climat révèle que le climatoscepticisme touche un Français sur trois, avec des profils variés et des motivations complexes. Loin des stéréotypes, ce doute, influencé par des facteurs sociaux et politiques, appelle à repenser les discours pour rendre la transition écologique plus inclusive et désirable.
L’ONG Parlons Climat, spécialisée dans la mobilisation de l’opinion sur la transition écologique, a publié une étude sur le climatoscepticisme en France. Avant de vouloir culpabiliser, l’association cherche à identifier différents profils et à comprendre leur motivation de ce rejet. Selon l’ONG, le climatoscepticisme désigne “la réfutation ou mise en doute de l’existence du changement climatique, ou de l’impact des activités humaines comme cause principale de celui-ci.”
Une absence de standard méthodologique
Le postulat de départ : dans le baromètre de l’ADEME, la part de climatosceptiques était contenue entre 18% et 22% entre 2020 et 2022, mais ce chiffre a bondi à 35% en 2023.
Là où de 2020 à 2022, les sondés n’avaient le choix qu’entre 3 réponses à la question posée (Oui, Oui mais, Ne sait pas), l’ajout d’une quatrième option (Non) permet d’affiner un peu plus les profils. On observe également cette tendance dans les études menées par d’autres instituts, avec à chaque fois 4 ou 5 options de réponse qui s’apparentent à la définition du climatoscepticisme donnée plus haut.
Il serait donc faux d’affirmer que le nombre de personnes réfutant le changement climatique ou son origine humaine est en augmentation étant donné qu’on ne peut pas comparer cette étude avec les précédentes. On peut toutefois noter qu’un tiers des français émet des doutes sur l’origine anthropique du réchauffement.
Les caractéristiques des sceptiques
Quatre variables différentes ont été étudiées pour dégager différents profils type.
Premièrement, on retrouve des dubitatifs dans tous les écarts d’âge, avec une légère majorité chez les plus de 65 ans (33% des interrogés). Pour autant, il y a tout de même 25% de personnes chez les moins de 25 ans qui doutent. En revanche, le sexe et le lieu d’habitation n’ont pas d’influence significative.
Deuxièmement, les climatosceptiques se retrouvent plus au sein des classes populaires, peu diplômées et disposant d’un faible revenu. On constate à l’inverse une moindre présence de climatosceptiques au sein des catégories les plus diplômées (ayant fait des études supérieures) et les mieux rémunérées (foyer disposant de plus de 5000€ par mois). Le facteur diplôme est plus fort que l’effet revenu mais il est à nuancer avec l’effet d’âge : les plus de 65 ans sont proportionnellement moins diplômés.
Troisièmement, si aucun parti et aucune tendance politique ne sont épargnés par le phénomène, on l’observe significativement plus chez les sondés s’identifiant comme de droite (31%) ou “très à droite” (42%), ou se signalant comme proche de LR ou du RN/FN (34 % chacun). Il est intéressant de noter que 12% des personnes se sentant proche des partis écologistes sont considérés comme sceptiques.
Quatrièmement, il existe une forte corrélation entre le fait de n’accorder que peu d’importance à la protection de l’environnement et le fait d’être climatosceptique. On note par ailleurs que plus les sondés expriment “ne pas avoir du tout de sympathie” pour les mouvements écologistes, plus ils sont susceptibles d’être climatosceptiques.
D’un climatoscepticisme mou au dénialisme : 1000 nuances de doutes
Après avoir mis en avant les caractéristiques communes des climatosceptiques, l’étude démontre qu’il existe un important niveau de nuances dans le spectre du climatoscepticisme, allant de l’ignorance à l’hésitation en passant par la déresponsabilisation, pour arriver au déni ou au complotisme (théorie de la géo-ingénierie). Il n’existe pas un unique climatoscepticisme mais plusieurs.
On peut quand même isoler deux blocs très différents, les climatosceptiques “mous” et les climatosceptiques “durs”.
Chez les premiers, le doute sur la part de responsabilité des activités humaines n’est pas associé à une perception négative du changement climatique, que ce soit ses conséquences ou ses solutions. Ils n’ont pas ou peu de doute, ni sur le consensus scientifique, ni sur les impacts réels. À l’inverse chez les seconds, ce sont tous les aspects de la cause climatique qui sont tenus à distance. Cela passe principalement par un fort questionnement des études scientifiques et des impacts du changement. Ainsi, on se retrouve avec des climatosceptiques qui peuvent être alliés de la cause climatique.
La crainte du changement comme principal moteur
Parmi les arguments qui reviennent fréquemment, on retrouve : le climat comme phénomène cyclique, la confusion entre la météo et le climat, le fait que les disciplines invoquées par les écologistes ne seraient pas des sciences exactes, le passage du “réchauffement climatique” au “changement climatique” ou encore une volonté de manipulation de la part des élites.
Dans la mesure où il met en lumière le rôle, néfaste, de l’humain par ses activités et plus globalement par son mode de vie, le changement climatique génère un sentiment de culpabilité, qui à son tour suscite une opposition plus ou moins forte à la lutte climatique. Ainsi, le climatoscepticisme est une réponse à ce qui est perçu comme une menace :
- l’écologie dominante / punitive / radicale
- la défiance et la polarisation de la société
- le sentiment d’impuissance face aux crises
- la remise en cause de nos modes de vie
Il est donc important de ne pas laisser le monopole de l’écologie à un petit nombre de “sachants” mais de multiplier les canaux pour à la fois informer, nourrir un débat et rendre l’écologie plus attirante et moins connotée politiquement.
Cette étude aura permis de mettre en lumière l’existence de profils multiples dans la catégorie des “climatosceptiques”. Elle permet également de relativiser un peu les chiffres que l’on entend ou lit à droite à gauche quant à une hausse soudaine des climatosceptiques.
Enfin, cette étude nous permet d’interroger les pratiques actuelles des médias, des partis, des activistes climatiques. Il est urgent d’adapter les discours pour embarquer le plus de monde possible dans le navire. Il est urgent de rendre le changement désirable pour la population. Enfin il est urgent de rassembler, de sortir des postures morales infantilisantes et culpabilisantes.