L’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur cristallise la colère des agriculteurs français, dénonçant une concurrence déloyale et un danger pour la souveraineté alimentaire, dans un contexte où leur profession est déjà en crise.
Depuis le début de la semaine, de nombreuses manifestations sont organisées par les syndicats agricoles sur l’ensemble du territoire national. Ces manifestations arrivent moins d’un an après la mobilisation extraordinaire du secteur agricole pour obtenir de meilleures considérations salariales, et surviennent dans un climat de tension avec le gouvernement. Protestant contre le retard dans la mise en œuvre de certains des 70 engagements pris en décembre dernier par le gouvernement de Gabriel Attal (ancien premier ministre) afin d’apaiser leur colère, les agriculteurs français se sont rassemblés dans les différents départements de France pour rappeler leur mécontentement.
Le Mercosur, un accord de libre-échange entre deux continents agricoles
Le Mercosur est une alliance économique créée le 26 mars 1991 entre les pays d’Amérique du Sud afin d’accroître la compétitivité économique des principales puissances continentales par la mise en place d’un marché commun. Par le traité d’Asuncion, le Marché commun du Sud est composé de grands pays d’Amérique du Sud comme le Brésil, L’Argentine, L’Uruguay, le Paraguay ou encore la Bolivie en 2023. En 2019, un traité a été conclu entre l’Union Européenne et les pays signataires du Mercosur, visant à mettre en place un accord d’association commercial et politique. L’objectif est d’établir une zone de libre-échange économique entre les deux continents, favorisant ainsi les exportations européennes et américaines. Selon un article rédigé par un confrère de Vie Publique, le Mercosur, qui représente plus de 80% du PIB de l’Amérique du Sud, est le quatrième bloc économique de libre-échange au monde, après le Partenariat économique régional global (RCEP) en Asie (la Chine et 14 pays de la région Asie-Pacifique), l’ALENA (les États-Unis, le Canada et le Mexique) et l’Union européenne (UE).
Le Mercosur, un accord d’intérêt mutuel ?
Au gré de cet accord, c’est la baisse des droits de douane de 91 % concernant l’exportation de biens par les entreprises de l’Union Européenne vers les pays du Mercosur qui est mise en avant par les défenseurs de l’industrie européenne comme Patrick Martin, président du Medef. A l’instar de l’Union Européenne, l’accord propose une libre circulation des biens et des marchandises et une coopération économique d’exportation de biens et marchandises plus étroite entre les pays signataires, favorisant les exportations pour les entreprises européennes et américaines. On remarque que les entreprises automobiles et du textile seront les grandes gagnantes d’un tel accord où elles verront leur taxe douanière sur leurs exportations en Amérique du Sud fondre de 35% à 0%. Aujourd’hui, avec ses 800 millions de consommateurs et des échanges commerciaux entre l’Union Européenne et l’Amérique du Sud estimés entre 40 et 45 milliards d’euros d’exportations de biens européens, les enjeux économiques d’un tel accord sont faramineux, tant pour les dirigeants européens que pour les dirigeants d’Amérique du Sud.
La négociation du Mercosur avec les pays de l’Union Européenne, un point de rupture avec le monde agricole
Du point de vue des syndicats français, ratifier l’accord sur le Mercosur dans les conditions présentées par le texte serait la mise à mort de l’agriculture européenne en échange d’une agriculture intensive américaine. Ces conditions sont qualifiées de concurrence jugée déloyale par une majorité d’entre eux, en raison du fait que l’industrie agroalimentaire sud-américaine ne dispose pas des mêmes normes environnementales que nous. Toutefois, faut-il être défavorable à l’accord avec le Mercosur pour autant ? Avec l’importation de viandes bovines extra-européennes, c’est les agriculteurs européens qui sont directement menacés. L’accord prévoit dans un premier temps l’importation en Europe de « seulement » 99 000 tonnes de viande bovine par an, soit 1,6 % de la production européenne actuelle. Concrètement, c’est l’équivalent d’un steak haché américain par an par foyer. Est-ce suffisant pour s’opposer au traité du Mercosur ?
La misère agricole, le vrai combat pour préserver notre agriculture française
La réponse dans l’état des choses est bien évidemment oui. Rien ne doit entraver notre production agricole et mettre en péril le travail de milliers d’agriculteurs qui se lèvent chaque matin pour faire vivre nos terroirs et nos traditions agricoles. Si l’Etat accepte de faire entrer dans le marché des français 1,6% de viandes provenant de l’Amérique du Sud, qu’en sera-t-il demain ? L’agriculture française est en berne, pourquoi vouloir abattre l’industrie bovine française pour du gibier américain ? Avant tout, le Mercosur est un danger pour la souveraineté alimentaire française, en plus de considérablement augmenter les exportations par cargos de marchandises de plus en plus polluantes. Il risque également de baisser la compétitivité des agriculteurs français alors que leurs revenus sont au plus bas. Alors oui, le secteur viticole français en sortira gagnant, de même pour l’industrie pharmaceutique, mais à quel prix ? Il faut se poser les bonnes questions.
L’agro-alimentaire : le véritable ennemi des agriculteurs
Que dire d’un pays qui a confié la défense de son agriculture à des sociétés comme Mcdonald, premier employeur de France et fervent défenseur de l’agriculture depuis 30 ans ?
Les réponses se cachent dans les détails. Aujourd’hui, les éleveurs bovins se font éplucher leurs revenus pour répondre à l’avarice des sociétés d’agroalimentaires et des syndicats alliés du gouvernement (FNSEA). Ces derniers, par manque de courage et de volonté politique ne parviennent pas à trouver un accord décent afin de payer convenablement les agriculteurs pour leurs récoltes. 20%, c’est la marge moyenne d’une société d’agroalimentaire en France, contre 5% pour nos agriculteurs français. Des journées à 70h par semaine, 26% sous le seuil de pauvreté et le taux le plus élévé de suicide parmi les professions professionnels, le malaise est palpable entre le L’Etat administrateur et ses paysans administrés de normes et d’anti dépresseur.
Ainsi, le Mercosur est un feu de paille qui permet d’évincer les véritables revendications des agriculteurs français. Aujourd’hui, selon les chiffres de l’Insee, un éleveur d’ovins, de caprins ou d’équidés (de moutons, de chèvres ou de chevaux) a gagné en moyenne en 2021 680 euros par mois. Un éleveur bovin un peu moins de 1.480 euros mensuels. En 2019, 26% des agriculteurs vivaient sous le seuil de pauvreté. Autrement dit, plus d’un agriculteur sur quatre touchait moins de 1.102 euros, le seuil de pauvreté de l’époque. Affligeant. Le Mercosur est un risque de voir l’agriculture européenne disparaître pour répondre à des marchés où tout le monde se retrouve, consommateur comme agriculteurs, perdants.
Consommez mieux, consommez français
Il n’y a pas de secrets, les paysans vivent grâce à nous, grâce à vous. Nous sommes devenus des consommateurs impulsifs, séduits davantage par le prix que par la qualité du produit acheté. Il est facile de critiquer les salaires les plus modestes de manger de la viande espagnole, italienne ou polonaise mais il est encore plus simpliste de ne jamais remettre en question nos modes de consommation par simple confort intellectuel. C’est un fait, nous devons manger mieux, pour nous, pour eux, pour que l’agriculture française ait de nouveau un sens. Défendre un agriculteur, c’est défendre une tradition, une histoire, un environnement, un climat, un terroir et c’est défendre par-dessus tout, la France. Les Français ne l’oublieront pas, et vous ?