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L’Europe peut-elle supporter un embargo sur le pétrole russe ?

La question de le dépendance énergétique est un sujet majeur en cette période de guerre. L’Union Européenne essaie tant bien que mal de se parer d’une pseudo indépendance énergétique. Du moins, elle serait capable d’atteindre ce niveau. Or, comme nous le rappelions dans un article précèdent, l’Europe est indéniablement dépendante de la Russie.

Dépendance énergétique russe en Europe par rapport à la consommation intérieure brute. Carte : Le Grand Continent.

Le « taux de dépendance »

Premièrement, il parait utile de rappeler le lien entre les importations et la consommation d’un pays. En outre, les pays qui apparaissent les plus dépendants sur la plupart des cartes partagées par les médias ne le sont pas toujours de la façon dont on l’entend. L’on parle souvent de la part des importations russes par rapport aux importations totales. L’on en voit bien vite la limite lorsque l’on étudie le cas de l’Estonie. Si ce pays importe 100% de gaz et de charbon russe, les importations de ces deux sources d’énergie ne représentent qu’1,7 % de leur Consommation Intérieure Brute (CIB). Si l’on prend seulement en compte les importations, on oublie qu’un pays peut aussi produire localement et par d’autres moyens sur lesquels la Russie a peu d’influence, tels que la plupart des énergies bas carbone. C’est d’ailleurs le cas en Estonie où la majorité de l’énergie produite par charbon provient d’entre ses frontières.

La réelle dépendance énergétique est donc mise à jour par la part des importations de sources d’énergie russes par rapport à la CIB laquelle est concrétisée par un certain « taux de dépendance » énergétique.

Le patrole en ligne de mire

Toujours est-il qu’après avoir déclenché un embargo sur le charbon russe le mois dernier – plutôt symbolique car peu d’États européens en dépendent fortement – Ursula von der Leyen cible maintenant le pétrole. Le 4 mai dernier, la présidente de la Commission européenne expliquait : « L’UE devrait renoncer aux livraisons de [pétrole] brut dans les six mois et de produits raffinés d’ici la fin de l’année ». Et d’ajouter une volonté de réduire « au minimum les dommages collatéraux pour nous et nos partenaires ».

Les conséquences pourraient effectivement être énormes dans certains pays de l’Union Européenne, qu’elles soient au niveau socio-économique ou géopolitique.

Une ligne rouge franchie

Viktor Orban, le premier ministre de la Hongrie, a déjà fait savoir que Bruxelles allait trop loin : « nous avons clairement signifié dès le début qu’il y avait une ligne rouge : l’embargo sur l’énergie. Ils ont franchi cette ligne (…), il y a un moment où il faut dire stop ». En outre, 14% de leur CIB provient du pétrole russe (le charbon ne représentait que 0,3%). La Hongrie craint alors que les difficultés s’accumulent, d’autant plus que l’embargo sur le pétrole ouvre la voie à celui sur le gaz, dont les membres européens dépendent encore plus.

« Lorsque nous imposons des sanctions, nous devons le faire de manière à maximiser la pression sur la Russie tout en minimisant les dommages collatéraux pour nous-mêmes. »

– Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne, au Times le 25 avril.

A court terme du moins, les 27 ne peuvent pas tous s’affranchir de l’or noir russe, ce qui met à mal la mise en place de l’embargo prévu par la Commission Européenne qui nécessite un accord unanime. Les États concernés cherchent donc à déroger à la règle, afin qu’ils ne bloquent pas la décision des membres les moins dépendants. Ainsi, la Hongrie menace d’utiliser son veto au cas où elle ne serait pas totalement exemptée. La Slovaquie (taux de dépendance : 16%) et la Bulgarie (14%) demandent, quant à elles, des dérogations moins radicales et d’autres États tels que la Grèce, Chypre et Malte, ont témoigné, lundi 9 mai, de la difficulté que pourrait représenter cette contre-attaque.

Le G7 gonfle les pecs

Au total, huit pays européens sont dépendant à plus de 10% du pétrole russe. Dans le même temps, Bruxelles assure faire en sorte que l’embargo soit progressif et adapté. Le 8 mai, les pays du G7 ont déjà fait savoir leur volonté d’arrêter progressivement d’importer du pétrole russe afin de « priver [Poutine] des revenus dont il a besoin pour financer sa guerre. » Néanmoins, ces pays membres, à savoir l’Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, la France, l’Italie, le Japon et le Royaume-Uni, sont peu dépendants (excepté l’Allemagne) du pétrole russe. Cette décision ressemble alors davantage à l’embargo européen concernant le charbon russe : elle est symbolique.

Mais les pays les plus dépendants peuvent-ils se le permettre ? L’UE trouvera-t-elle de nouveaux approvisionnements en énergie ? Comment va-t-elle se sortir de cette crise ?

L’OPEP + timide

La Russie fournit près de 25 % du pétrole consommé dans l’Union européenne. Le Venezuela, le Moyen-Orient, les Etats Unis ou même la Norvège auraient pu être des solutions, seulement pour des raisons logistiques, ils ne peuvent nous soulager de notre dépendance russe.

Que dit l’OPEP+ dans tout cela ? Le cartel amélioré (dont fait partie la Russie) se montre bien frileux : la guerre en Ukraine n’étant pas source d’inquiétude pour le marché, elle ne sera pas la solution. Elle promet seulement d’augmenter sa production de 432 000 barils par jour pour le mois de juin. Un geste bien léger, témoignant d’une épée de Damoclès russe qui pèse au-dessus de l’organisation régulatrice.

L'OPEP+ nait en 2016. Aux 14 membres de l'OPEP s'ajoute 10 exportateurs de pétrole dont la Russie est le plus important.

Lorsqu’on ne veut plus dépendre du pétrole russe, il existe une autre solution si simple qu’on l’oublierait presque : baisser sa consommation de pétrole. En outre, si l’UE consommait un quart moins de pétrole, nous n’aurions plus besoin de la Russie. Évidemment, si l’on demandait à gégène de se déplacer à l’usine en vélo, il nous répondrait surement « vous voulez pas plutôt que j’y aille à cloche pied avec un bouquet de fleurs dans le derche ? ». Et il toucherait un point sensible : certains – et par extension, certains États – sont plus en difficulté face au défi de la sobriété.

– 2,7 millions de barils par jour

L’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) a notamment publié un rapport de 21 pages expliquant par 10 actions comment réduire la consommation de pétrole en particulier dans les pays développés. A la suite du constat sur notre dépendance et sur les mauvais augures planant sur le marché pétrolier, l’agence préconise de diminuer la demande de pétrole par des « actions gouvernementales et citoyennes » et « de viser en priorité les populations les plus pauvres, ainsi que ceux dont l’activité économique dépend en partie de la voiture » afin de pouvoir les accompagner au mieux. Le secteur des transports étant essentiel pour le marché du pétrole, l’AEI s’est concentrée sur ce secteur. Parmi les 10 mesures, l’on retrouve, l’abaissement des limites de vitesse sur l’autoroute, l’augmentations des voitures électriques ainsi que l’utilisation des transports en commun. La sobriété se révèlerait-elle comme une arme géopolitique en plus d’être une arme écologique ?

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