COP28illus

Ce que signifie le logo de la COP 28

Quand on réalise un logo pour un évènement d’ampleur internationale, chaque choix est mûrement réfléchi. De la couleur aux éléments qui le composent.

En m’intéressant au logo de la COP 28, j’ai été surpris de constater un logo aussi complexe, agrémenté d’un tas d’éléments. Si on fait l’historique des logos des COP, on s’aperçoit en effet que le logo de la 28ème qui se tient en ce moment à Dubaï se démarque nettement. A y regarder d’un peu plus, le logo n’est pas qu’un simple design apolitique mais renferme énormément de contenu au sens surprenant au regard des différents enjeux environnementaux et de la réalité économique et politique qui agit le monde et les Emirats Arabes Unis.

Protection de la nature

Une bonne partie du logo comporte des animaux et des plantes. On retrouve un dromadaire, plusieurs arbres, des algues, des fleurs, etc. Un choix somme toute logique : tout le monde veut sauver les bébés baleines et préserver son paysage. Il parait néanmoins ambitieux quand on sait que les Emiratis sont particulièrement friands d’animaux sauvages et font donc tourner le trafic illégal d’animaux. Ou bien quand on sait que les énergies fossiles dont les EAU raffolent contribuent à la diminution de la biodiversité.

Cependant, les Emirats sont aussi capables de protéger la nature, à l’image de Sir Bani Yas. Cette île autrefois désertique a été réhabilitée en savane africaine. Aujourd’hui, des milliers de gazelles ou bien de guépards y vivent et plusieurs centaines de villas y ont été installées. Peut-être que cette île est davantage protégée pour la rendre plus attrayante pour leurs riches touristes plutôt que par réel intérêt environnemental, mais il reste néanmoins que c’est une entreprise louable.

Mais instaurer des parcs nationaux, ce n’est pas assez. Guillaume Blanc, historien de l’environnement et théoricien du « colonialisme vert » expliquait récemment au journal L’Echo que l’on « croit qu’en préservant, on fait quelque chose de bénéfique pour la nature. Mais cette idéologie nous exonère des dégâts que l’on cause partout ailleurs et elle nous permet de faire perdurer notre mode de vie destructeur. »

Le prix de vivre au milieu du désert

Afin de réduire le plus possible les émissions de gaz à effets de serre (GES) et autres pollutions induites par les systèmes alimentaires (plus d’un tiers des émissions mondiales de GES), il faut consommer local en plus de consommer des produits qui consomment tout simplement moins d’énergie. Ça, les Emiratis n’arrivent pas vraiment à le concrétiser puisque leur nourriture est en très grande majorité importée. Et on les comprend étant donné qu’ils vivent tout bonnement au milieu d’un désert qui n’offre que peu d’opportunités alimentaires. Néanmoins, leur consommation alimentaire représente un anti-modèle. On finit par se demander pourquoi près de 10 millions d’humains vivent ici. On me souffle dans l’oreillette que ça aurait avoir avec un certain or noir ? Justement, je crois que l’émission Questions pour un champion a déjà abordé le sujet…

Les éoliennes qui tournent au pétrole

Top ! Je suis un des pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre par habitant, mon mix énergétique est composé en écrasante majorité par le pétrole et le gaz naturel, je suis le 5ème exportateur mondial de pétrole et comme source d’énergie fétiche pour la COP 28, je choisis, je choisis…

– Des panneaux solaires et des éoliennes ?

Ah oui oui oui ! C’est gagné !

Quoiqu’en dise France TV avec un surprenant – pour ne pas dire honteux – reportage mettant en lumière Dubaï comme étant une ville verte parsemée de panneaux solaires, les Emirats ne se dirigent pas vers un modèle énergétique soutenable. Leurs innovations économes en énergies ne sont permises que par leur exploitation sans vergogne du pétrole et du gaz. On remarquera aussi l’absence de l’atome dans le logo.

Dimanche 3 décembre, le président de la COP, aussi président de la compagnie pétrolière nationale, avait d’ailleurs montré un visage plus sombre lors d’un échange avec Mary Robinson, l’ancienne présidente irlandaise : « Aucune étude scientifique, aucun scénario, ne dit que la sortie des énergies fossiles nous permettra d’atteindre 1,5 °C. (…) Montrez-moi la feuille de route d’une sortie des énergies fossiles qui soit compatible avec le développement socio-économique, sans renvoyer le monde à l’âge des cavernes ». Le ton est donné. L’écologisme, c’est bien mais il ne faut quand même pas pousser le bouchon trop loin ; le PIB passe avant les GES.

En effet, je ne pense pas que les hommes des cavernes se déplaçaient en avion par exemple. En revanche, les Emiratis, eux, en raffolent.

Avions et voiliers

On ne l’attendait pas vraiment au rendez-vous, mais on aperçoit en effet un avion dans ce logo qui, décidément, continue de nous surprendre. Tel la courbe du PIB, l’avion doit continuer de s’envoler. L’avion qui, rappelons-le, est le moyen de déplacement le plus polluant au monde, le carburant propre n’étant pas pour aujourd’hui et assurément pour jamais. Peut-être l’avion est-il tout simplement un clin d’œil au moyen de transport favori des participants à la COP ? Plus bas dans le logo, on trouve un voilier et une barque qui contrastent fortement avec l’avion ? Une présence hors sol qui a tout l’air de vouloir camoufler la présence de l’avion.

Harmonie et prospérité

En un mot, le logo de la COP 28 montre qu’un modèle prospère et harmonieux est possible. Que, main dans la main, nous pouvons sereinement redresser le changement de climat. Fermez donc les yeux, nous nous en occupons. Ma démonstration vient remettre en cause cette logique. Qu’y-a-t-il donc de prospère dans le fait de continuer à extraire gaz et pétrole de manière frénétique ? Où sera l’harmonie dans nos sociétés inégalitaires alors même qu’on sait que ce sont les plus pauvres qui seront le plus durement touchés ? Où est l’harmonie toujours, chez les migrants qui sont obligés de quitter leur terre à cause de conséquences du réchauffement climatique ? Si le logo était séparé de la réalité, ce ne serait pas si grave. Seulement, il représente très bien ce discours hypocrite en arrière-fond qui nie les enjeux actuels et essaie de tout régler par la technologie. Il est essentiel de ne pas couper le dialogue avec les pays les plus pollueurs – dont le nôtre fait partie – afin de les convaincre, mais cela ne nous empêche de les critiquer et de pointer leur hypocrisie.

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