Le Bulk Cutter et sa fiche technique, un des trois robots proposés par Nautilus Minerals, qui a été construit en prototype en 2015.

En Norvège, le deep sea mining tombe à l’eau pour 2025

Le dimanche 1er décembre 2024, un cadeau de Noël d’avant l’heure a été tendu à l’écologie : à la suite de vives négociations entre le gouvernement centriste et le Parti socialiste de gauche sur le projet de loi des finances, le premier ministre norvégien a annoncé que son pays suspendait les autorisations d’exploitations minières dans ses eaux profondes et ce jusqu’à la fin de l’année 2025.

La nouvelle a réjoui non seulement la gauche norvégienne, mais également les ONG (Greenpeace, WWF, etc) et certains acteurs internationaux majeurs comme l’UE et le Royaume-Uni, qui s’étaient opposés à ces autorisations. Si cette décision n’est pas pour autant un moratoire, il est clair qu’utiliser la notion de « victoire écologique » est plus que légitime.  

Mais pourquoi donc ce débat ? Qu’est-ce que le deep sea mining ? Quel avenir pour ce dernier ? Réponses et éclairage sur ces questions dans cet article avec un seul mot d’ordre : lucidité !  

Une stratégie métallique

Dans un délire de croissance « verte » sur lequel il n’est même plus nécessaire de revenir, une partie des élites politiques et économiques de notre monde ont adhéré à des théories technosolutionnistes qui promettent de faire de l’avenir le plus bel qui soit par le biais de la transition énergétique et de la digitalisation. L’idée est simple : la prospérité que nous connaissons actuellement n’est pas un épiphénomène, mais le début d’un idéal pour lequel il est nécessaire de « progresser ». 

Cette grande marche en avant demande deux grandes évolutions dans nos modes de productions (j’ai bien dit productions… faudrait pas croire qu’on consommera différemment). La première est d’abandonner les énergies fossiles au profit du tout renouvelable, afin de permettre une économie électrifiée et complètement « décarbonée ». Dans ce scénario, l’éolien et le solaire mais aussi l’hydrogène et les batteries de stockages ont la première place. La seconde évolution est celle de l’optimisation par le numérique, autrement dit une gestion algorithmique de la production pour performer, le tout à grand renfort d’intelligence artificielle. En bref, une économie où la machine électrifiée travaillera toujours de symbiose avec un serveur.  

Cependant, aussi immatériel puisse-il paraître, ce monde bas carbone intelligent est un monde haut en consommation de matière et plus spécifiquement de métaux. En effet, les panneaux solaires, les éoliennes, les voitures électriques, les batteries, mais aussi les serveurs, les écrans ou encore les composants électroniques sont des technologies complexes dont les éléments principaux sont souvent des métaux (voir graphiques). 

Ces dernières années, d’importants investissements ont permis le déploiement massif de ces technologies gourmandes en ressources et énergie, à un point tel que, selon un rapport de l’OCDE (que l’on ne peut pas blâmer d’être décroissantiste), en 2060, le monde consommera 2,5 fois plus de matières premières qu’en 2011. En ce qui concerne uniquement les métaux, le chiffre est autant vertigineux : l’humanité va consommer dans les 30 prochaines années plus de métaux que tout ce qui a été extrait depuis 70’000 ans !  

Graphique représentant une projection de la production de panneaux solaires, d’éoliennes, de voitures électriques.
Graphique représentant une projection de la production de panneaux solaires, d’éoliennes, de voitures électriques ainsi que de la taille du réseau électrique à l’horizon 2040 selon 2 scénarios possibles : STEPS, scénario imaginé en fonction des politiques officiellement déclarées et SDS, qui se base sur les besoins nécessaires pour le développement durable selon l’AIE.
Graphique représentant les besoins métalliques moyens nécessaires à la production d’une voiture électrique, d’une voiture thermique ainsi que de différents modes d’énergie existants par Mégawatt produit.
Graphique représentant les besoins métalliques moyens nécessaires à la production d’une voiture électrique, d’une voiture thermique ainsi que de différents modes d’énergie existants par Mégawatt produit. IEA.

La mine : le sous-terrain des limites planétaires

Dans ce contexte d’explosion de la demande minérale, le secteur minier et les industriels qui y sont liés sont sous une contrainte double : extraire davantage dans des stocks qui s’amenuisent drastiquement. Pour appréhender cette problématique, il est important de comprendre les différents processus miniers qui permettent d’extraire de la terre le précieux métal, et ce en suivant l’exemple du cuivre. 

Le cuivre est l’un des métaux essentiels à nos sociétés industrielles, notamment pour ses propriétés conductrices qui le placent ainsi au centre de nos réseaux électriques et, par ruissellement, électroniques. La teneur d’exploitation moyenne du cuivre, c’est-à-dire la concentration de la substance recherchée dans une tonne excavée, est de seulement 0,6% soit 6kg pour tonne. De cette manière, nous pouvons comprendre que l’extraction de la matière ne représente qu’une petite partie de l’activité de l’industrie minière et que le gros du travail consiste en fait à séparer le métal du reste du minerai, ce qui se fait pour le cuivre (et la majorité des métaux) en 3 étapes majeures. 

La première étape est de séparer les chalcopyrites, qui sont des petits grains d’un mélange de cuivre, sulfures et fer, en broyant la roche des minerais aussi finement que de la farine avant d’extraire par traitement chimique les fameuses chalcopyrites. À cette partie du traitement, la teneur en cuivre du concentré est d’environ 30%. La seconde étape consiste à utiliser de la pyrométallurgie (que l’on représente schématiquement par un four) afin d’éliminer le fer et les sulfures du concentré. 

La matière obtenue, appelé Blaster, est composé à 98% environ de cuivre, mais reste pourtant inutilisable par l’industrie. La troisième et dernière étape, c’est l’affinage, qui va permettre de retirer les dernières impuretés et donner des cathodes de cuivres, composées à 99,99% de cuivre et qui, elles, sont enfin exploitables. Dans le courant de ces 3 étapes, il est nécessaire de considérer que l’immense majorité de la matière extraite est finalement des déchets (99,4% pour le cuivre), c’est donc sans surprise que l’industrie minière est le premier producteur industriel de déchets liquides, solides et gazeux. 

Bien souvent pollués, les déchets sont simplement stockés derrières de grosses digues de terres, créant ainsi des lacs artificiels de boue appelés « parc à résidus », dont l’impact est terrible pour l’environnement et les populations locales. L’association SystExt, référence majeure dans l’analyse du secteur minier, considère qu’il y a des dizaines de milliers d’ouvrages de stockages de ce type à travers le monde et que plusieurs centaines voient le jour chaque année (source).  

Avec ces quelques informations non-exhaustives, il est aisé de comprendre que l’accès aux métaux est un processus complexe qui connaît un immense écart entre les moyens employés ainsi que les impacts de ces mêmes moyens, et la masse totale de matière extraite. Un écart qui est appelé à s’élargir du fait de teneurs d’exploitations toujours plus faibles. En effet, au fur et à mesure que le temps passe et que nous extrayons des mines les précieux métaux, les stocks s’amenuisent et les teneurs d’exploitations diminuent. 

Cette tendance est remarquée statistiquement, avec des chiffres qui remontent parfois jusqu’au XIXème siècle, et qui s’appliquent sur l’ensemble des métaux, à des taux de réduction qui oscillent entre 25% et 65% (source). Loin d’être une bonne nouvelle, cette réalité inquiète le secteur, qui se doit de produire plus, notamment pour soutenir la future transition énergétique, mais aussi les experts environnementaux, car plus les teneurs d’exploitations sont faibles, plus la consommation d’eau, d’énergie et le rejet de gaz à effets de serre sont élevés, et ce de manière exponentielle ! 

Un rapport de la Banque Mondiale établissait une liaison dangereuse entre la transition énergétique, donc le besoin de ressources métalliques abondantes, et l’agrandissement en surface de la mine du fait de teneurs d’exploitations plus faibles. La conclusion de ce rapport lance un avertissement fort : « Les menaces que l’exploitation minière fait peser sur la biodiversité augmenteront au fur et à mesure que les mines cibleront des matériaux pour la production d’énergie renouvelable et, sans planification stratégique, ces nouvelles menaces pour la biodiversité pourraient dépasser celles évitées par l’atténuation du changement climatique. »1 (encart) 

C’est dans ce contexte de raréfaction des métaux combiné à l’impact de la mine terrestre que rentre en scène l’idée du deep sea mining, soit l’exploitation minière sous-marine en bon français dans le texte.  

Tableau des éléments métalliques et de leur teneur d’exploitation les plus fréquentes.
Tableau des éléments métalliques et de leur teneur d’exploitation les plus fréquentes. Source : Moins c'est mieux
Montage photographique représentant par une sphère la quantité de cuivre extraite de la mine de Palabora en Afrique du Sud. Face à l’emprise au sol et en profondeur de la mine, la boule de cuivre paraît insignifiante.
Montage photographique représentant par une sphère la quantité de cuivre extraite de la mine de Palabora en Afrique du Sud. Face à l’emprise au sol et en profondeur de la mine, la boule de cuivre paraît insignifiante.

Deep sea mining et le cas norvégien

Le Deep sea mining n’est pas un concept nouveau. Il s’inscrit en réalité dans l’imaginaire que l’Homme se fait de la mer, son immensité et ses fonds, car la mer est le seul milieu de notre planète qui nous est encore particulièrement hostile. L’austérité des ces contrées inexplorés font de leur exploitation un défi à relever, comme un nouvel espace à conquérir pour en extraire de précieux trésors naturels. Ce type de narratif a grandement influencé la littérature puis la science-fiction, avant de devenir un sujet d’étude scientifique sérieux avec les premières expéditions sous-marines dans la deuxième moitié du XXème siècle.  

Si au premier chef, c’est une biodiversité immensément riche que l’on a découvert, avec des espèces aux caractéristiques épatantes que l’on n’aurait soupçonné capable de vivre dans de telles conditions, la question de la possible exploitation des ressources localisées à des milliers de mètres de profondeur s’est rapidement posée et plusieurs recherches ont été lancées pour assurer la faisabilité de ces projets. Les matières visées sont des hydrocarbures, du gaz, des minéraux industriels mais aussi des métaux. C’est sur ces derniers que nous allons nous attarder et plus spécifiquement dans le cas Norvégien.  

Début janvier 2024, le parlement norvégien votait par une écrasante majorité « oui » à l’autorisation des prospections minières dans une zone grande comme le Royaume-Uni. Premier pays à faire le pas, la Norvège voyait dans cette décision le moyen d’offrir à son économie et à l’Europe un accès facilité à des ressources critiques pour les nouvelles technologies et la transition énergétique, notamment du cuivre et du zinc, concentrés dans des nodules polymétalliques et des sulfures hydrothermaux, qui sont deux des trois types de gisements miniers marins connus à ce jour. 

Les sulfures hydrothermaux sont le fruit d’un panache volcanique qui crée de petits évents, sortes de cheminées de roches chargées en métaux. Les nodules polymétalliques, quant-à-eux, proviennent d’un phénomène de concrétion très complexe qui forme une agrégation de particules en aspirant les métaux présents dans l’eau et la vase, créant ainsi de petits cailloux circulaires de 1 à 12 centimètres de largeur. Ces pures merveilles de la géologie prennent place sur le temps long, voire très long : l’on parle de plusieurs dizaines de milliers d’années pour les gisements de sulfures et quelques dizaines de millimètres concrétionnés par million d’années pour les nodules.  

Un des arguments amené à maintes reprises par les partisans et industriels des projets miniers sous-marins est celui de la taille des gisements : selon eux, l’étendu des zones minables sont si grandes que la masse de métal y est colossale.  Si le volume total de nodules ou sulfures disponibles peut-être un indicatif intéressant, il n’est pas pour autant pertinent si l’optique est de savoir combien de tonnes de métal seront accessibles. 

Dans ce cas, il faut avant tout se référer aux teneurs d’exploitation moyennes qui se trouvent dans ces zones. Si aucune donnée précise n’est trouvable dans le cas de la Norvège, une étude détaillée faite par un groupe de géologues américains et livrée au groupe Elsevier a analysé la teneur de nombreux gisement de la zone de Clarion-Clipperton, une surface immense de nodules grande comme trois fois l’Inde entre le Mexique et Hawaï. Les résultats de cette étude sont pour le moins étonnants : les métaux d’intérêts (or, argent, cuivre, zinc, cobalt, terres rares, lithium) ont des teneurs généralement plus faibles ou équivalentes à celles présentes dans les mines terrestres. On parle par exemple de 0,25% de terres rares par tonnes dans les nodules, alors que la moyenne des mines terrestres se situe entre 5 et 10%. Même analyse au niveau du cobalt présent dans les sulfures, alors que les teneurs terrestres vont jusqu’à 1%, la moyenne marine ne monte pas au-delà de 0,67%. Les teneurs n’étant donc pas les sources d’intérêt principales, il faudra compenser cette faiblesse par des exploitations à grandes échelles. 

Mais a-t-on seulement la technologie nécessaire et les moyens ? Les méthodes d’extractions existent en théorie, mais plusieurs limites, également théoriques, permettent de considérer que la mise en place d’une chaîne d’extraction complète est un défi de taille. Pour comprendre cela, il est nécessaire de visualiser les techniques imaginées et réfléchies pour l’extraction du précieux minerai.  

Fiche technique : miner, extraire, détruire et polluer sous la mer 

En premier lieu, des machines récoltent à la manière d’une moissonneuse la roche et les sédiments des fonds marins à plus de 3000 mètres de profondeurs. Ces machines sont de gros robots, d’une puissance oscillant entre 1,8 et 2,5 Mégawatt de puissance pour 180 à 280 tonnes et 17 mètres de longs. Véritables broyeurs de roches, ils n’ont rien à envier aux géants tombereaux des mines terrestres. 

Une fois le minerai fragmenté et ramassé, il est envoyé au navire de soutien à la production par une sorte de conduite aspirateur. Un pré-triage y est alors effectué et les sédiments, résidus marins, matériaux indésirables, sont ensuite reversés à la mer. Le reste du minerai est chargé sur des navires en direction des côtes. Toutes ces étapes sont d’une  grande complexité d’un point de vue logistique, étant donné qu’elles seraient effectuées, dans le cas norvégien, à plus de 2000 kilomètres des côtes. L’entièreté des équipements nécessaires au processus sont également très énergivores. Une demande énergétique qui ne se comblera malheureusement pas avec quelques belles éoliennes offshores, mais qui nécessitera d’être biberonnée aux fossiles.  

Zone prévue (en jaune) pour le projet de deep sea mining norvégien.
Zone prévue (en jaune) pour le projet de deep sea mining norvégien.
Schéma du mode de fonctionnement théorique du deep sea mining par l’entreprise Nautilus Minerals, ancien industriel canadien du secteur qui a fait faillite en 2019.
Schéma du mode de fonctionnement théorique du deep sea mining par l’entreprise Nautilus Minerals, ancien industriel canadien du secteur qui a fait faillite en 2019. Gceocean

Les différentes étapes décrites ci-dessus ont été inscrites et pensées dans des scénarios, nécessaires à l’obtention d’une autorisation de prospection minière, mais une étape majeure est passée sous silence : comment extraire les particules métalliques présentes dans ces nodules et sulfures ? La réponse pourtant simple, explique ce silence : on ne sait pas faire. Les métaux présents dans ces minerais sont à des tailles nanométriques (millionième de millimètre) qui ne connaissent aucun équivalent terrestre et donc aucune technique n’est suffisamment avancée pour répondre à ce besoin, et encore moins pour être mise en place à une échelle industrielle. À date, uniquement le monde scientifique a abordé cette problématique, dans des articles complexes et difficilement accessibles au grand public, mais dans le monde politique, industriel et journalistique, le silence sur cette problématique est absolu.

Le Bulk Cutter et sa fiche technique, un des trois robots proposés par Nautilus Minerals, qui a été construit en prototype en 2015.
Le Bulk Cutter et sa fiche technique, un des trois robots proposés par Nautilus Minerals, qui a été construit en prototype en 2015.

Si les méthodes d’exploitation appropriées sont encore un point d’interrogation, les effets de ces activités minières sur la vie marine et la biodiversité sont, à l’inverse, aisément prévisibles. Actuellement, la majorité des biologistes marins tirent la sonnette d’alarme, avertissant que si de tels projets voient le jour, ce n’est pas uniquement le biotope des abysses qui en serait affecté, mais tout le reste de la vie marine. Le deep sea mining entend tout de même racler, au sens propre du therme, le fond des mers, des espaces si profonds qu’ils n’ont pratiquement jamais été perturbés par quelconques phénomènes externes et qui, préservés grâce à leur inaccessibilité, sont particulièrement fragiles. Labourer ces zones d’habitations d’espèces encore inconnues avant d’y déverser des tonnes de déchets miniers ne s’apparente pas exactement à la meilleure méthode de préservation. À croire qu’en considérant comme nécessaire l’idée d’exploiter les ressources de ces fonds marins symboliquement préservés de tous nos abus, l’être humain, après avoir creusé sa propre tombe sur la terre ferme, s’est décidé à déplacer son cimetière à 4000 mille mètres de profondeur.  

Ce n’est qu’un refus temporaire !  

La décision prise par la Norvège n’est que temporaire et est, en réalité, d’avantage le résultat d’un calcul politique que d’une prise de conscience réelle de la part des élites norvégiennes sur la myriade de problématiques liées aux projets de deep sea mining. Les mots du premier ministre Jonas Gahr Støre vont d’ailleurs dans ce sens, quand il parle « d’un simple report de la question à 2026 », si ce n’est plus tôt au vu du risque d’élections anticipées et de l’arrivée au pouvoir des conservateurs. Il faut avouer que le contexte politique et économique n’est pas des plus opportunes pour prendre ce type de décision. La situation international est particulièrement tendu et l’Europe, sous menace, notamment de l’administration Trump, peine à se réindustrialiser. Se passer de cette ressource que l’on nous vend comme abandonnante pourrait être perçu comme un suicide par la population qui, malheureusement, semble être également accrochée à cet idéal du monde bas-carbone intelligent.  

Seulement, les limites sont bel et bien là. Le monde minier peinera bientôt à alimenter nos modes de vies hyper-métallisés et si le paradigme ne change pas, après la terre, les mers payeront pour nous le coût exorbitant de notre besoin en métaux. Mais de quel besoin parlons-nous ? Là est tout l’enjeu. La mine est de ces activités industrielles essentielles dont on ne peut se passer mais qui, malheureusement, auront toujours un impact destructeur et laisseront leurs lots de dommages. Si cette fin est inéluctable, la question est de savoir combien sommes-nous prêts à payer et pour quelle utilisations. Ce cadre, ce modèle de besoin métallique que nous nous fixons place la mine dans un certain contexte et définit son impact. Si notre désir est de rouler à bord d’un SUV électrique de 2 tonnes, d’illuminer à la LED chaque mètre carré de nos villes et de placarder à tous les coins de rue des panneaux informationnels tactiles, alors il faudra accepter les eaux polluées, les tonnes de déchets, les forêts rasées, les gaz à effet de serre, les villages déplacés de force, le travail d’enfants, les fonds des océans broyés et tous les autres phénomènes directement liés à ce monde minier qui, pour être rentable, se doit d’extraire toujours plus.

On aurait pu penser que le deep sea mining était le fond du problème, force est de constater qu’il n’en est qu’un de plus à la surface.

Capture d’écran (294)

L’EPR de Flamanville, le nucléaire au vert !

L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a donné, mardi 7 mai 2024 son feu vert à la mise en service future de l’EPR de Flamanville. Cet événement historique est une grande nouvelle pour la filière nucléaire française qui peut se garnir du réacteur nucléaire le plus puissant au monde.

L’EPR de Flamanville, le joyau du fleuron nucléaire français

Tout d’abord, ce qu’on appelle un EPR (« European Pressurized Reactor », devenu « Evolutionary Power Reactor ») est un système de production d’électricité dégageant environ 1 660 mégawatts de puissance nette. Ce réacteur nucléaire utilise ce qu’on appelle la fission nucléaire, un phénomène par lequel le noyau d’un atome lourd instable (uranium, plutonium) se désintègre en plusieurs noyaux plus légers en éjectant un neutron avec un dégagement d’énergie très important et de l’eau mise sous pression pour produire son énergie. Le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) classe l’EPR comme un réacteur de troisième génération. Il est présenté comme un réacteur évolutionnaire de génération 3+ par son constructeur, l’industriel français Framatome. Il existe à l’heure actuelle 3 réacteurs EPR en service dans le monde. Deux d’entre eux se trouvent en Chine (à Taishan) et un en Finlande (à Olkiluoto). Ludovic Dupin, journaliste économique et scientifique, évoque l’importance de la mise en place de ce réacteur dans l’armature nucléaire française. Selon ce dernier, l’EPR est le réacteur nucléaire le plus puissant au monde. Il dégage une puissance de 1650 mégawatts et il n’y a pas d’équivalent aujourd’hui sur la planète (1550 mégawatts pour l’EPR de Taishan).

Un réacteur sûr et protégé

En effet, l’EPR de Flamanville dispose de qualités remarquables. Ce réacteur apporte un meilleur rendement que les réacteurs actuels (réacteurs de deuxième génération à eau sous pression appelés REP). Pour bien comprendre, le parc nucléaire français (56 réacteurs) produit aujourd’hui 350 térawattheures. Un EPR comme celui de Flamanville développe au maximum 14 térawattheures. De plus, quatre systèmes redondants contrôlent la sûreté du

système et notamment du réacteur. Un seul suffit à empêcher des dérives potentiellement dommageables. Les probabilités d’un accident grave ont ainsi été réduites considérablement au point d’être dix fois plus fiables par rapport au dernier modèle (palier N4) des réacteurs construits en France, déjà considéré comme très sécurisé. Une double enceinte protectrice de béton de 2,6 mètres d’épaisseur protège le réacteur et confine toute la matière nucléaire à l’intérieur. Cette protection conçue pour résister à des accidents internes protège aussi le réacteur de toutes les atteintes extérieures, telles que des chutes d’avions.

l’EPR de Flamanville, un chef d’oeuvre de technologie inespéré

La conception de L’EPR de Flamanville a été décidée pour accroître la compétitivité de l’électricité nucléaire française et remplacer les réacteurs de deuxième génération vieillissants. La durée de vie attendue de l’EPR est longue (60 ans) et sa conception est fondée sur des technologies éprouvées et d’ores et déjà disponibles. Par kWh produit, l’EPR consomme de 7 à 15 % d’uranium en moins que les réacteurs de seconde génération. De plus, il peut employer du combustible MOX recyclé à hauteur de 100 %. Cela engendre une réduction d’approximativement 10 % de la quantité de déchets à vie longue (éléments radioactifs à vie longue) produite par kWh (3). Toutefois, tout n’a pas été parfait. EDF, en charge de la maîtrise d’œuvre de la construction de l’EPR de Flamanville, a connu des complications multiples et coûteuses. En effet, la finalisation de cette EPR dernière génération devait avoir lieu il y a près de 12 ans. De nombreux défauts mécaniques, humains, matériels et de conception ont déjoué les pronostics, provoquant un coût total de 19 milliards selon un rapport de la Cour des comptes.

Un réacteur nucléaire à la pointe de la technologie !

L’heure est à la joie pour le nucléaire français ! Christine Goubet-Milhau, présidente de l’Union française de l’électricité (UFE) évoque l’importance de la mise en place de l’EPR de Flamanville pour la souveraineté énergétique française. Ce choix s’inscrit dans le cadre de l’objectif national de développement d’un mix énergétique bas carbone qui repose sur plusieurs technologies, à savoir le nucléaire, l’hydraulique et le renouvelable. Selon elle, le raccordement est le « début d’une série pour préparer la période 2035-2050 puisque notre parc nucléaire mérite d’être renouvelé ». En outre, le réacteur de 1 600 mégawatts permettra d’alimenter près de trois millions de ménages.

EPR 2 : l’avenir du nucléaire français ?

Le réacteur de modèle EPR 2 est une version moderne de l’EPR de Flamanville. Doté de la même puissance, il est présenté comme un réacteur nucléaire EPR « classique » mais disposant d’un renforcement dans l’optimisation de sa conception et dans son développement. Il est moins cher et plus facilement opérationnel Emmanuel Macron vise à créer 6 nouveaux EPR d’ici 2050 sur le territoire national, assurant ainsi une souveraineté énergétique pour les siècles à venir. Selon EDF, L’EPR 2 utilise toute la la technologie EPR, tout en prenant en considération les avancées technologiques en la matière via le retour d’expérience accumulé sur les chantiers et l’exploitation des EPR dans le monde (Flamanville 3, Taishan et Hinkley Point C) et l’exploitation du parc nucléaire français.

biodiv

Pourquoi défendre la biodiversité ?

Il est encourageant de voir que les questions environnementales sont devenues beaucoup plus communes dans les médias de notre pays. 

Il y a  toutefois une sérieuse ombre au tableau : les principaux ensembles de  problématiques sont loin d’avoir le même poids médiatique. En effet, si les  questions d’émissions de carbone et de dérèglement climatique ont vu leur  représentation médiatique exploser ces dernières années, les questions de  biodiversité restent globalement boudées. C’est pourtant un sujet d’une  importance cruciale sur bien des aspects.

Biodiversité : de quoi s'agit-il ?

Comme pour toute chose, il est préférable de commencer par définir ce  dont nous allons parler. Mais définir la biodiversité n’est pas une tâche si aisée,  en raison de la multitude de définitions sérieuses différentes. Celle qui fait, en  général dans le monde biologiste, le plus consensus est celle de Lebreton de  1998 : “quantité et qualité de l’information contenue dans tout biosystème, de l’ADN aux paysages en passant par les espèces, les peuplements et les  écosystèmes”.

Vous l’aurez compris, la biodiversité est étudiée sous toutes ses formes,  qui sont très diverses et variées.

Pour y voir plus clair, les écologistes ont collectivement décidé de se concentrer sur trois niveaux de biodiversité, plus pertinents que les autres :  génétique, taxonomique et écosystémique. Il s’agit respectivement de la  diversité et de la distribution de l’information génétique (gènes, allèles…), des  taxons (espèces, genres…) et des écosystèmes (habitats, niches écologiques…). 

Il existe également de nombreux aspects plus secondaires très étudiés :  biodiversité paysagère, morpho-anatomique, saisonnière, etc.

Une richesse fragile

La biodiversité est régie par différentes forces et liens d’influences. Qu’il  s’agisse des réseaux trophiques (chaînes alimentaires), des relations de parasitisme ou de symbiose, chaque population d’être vivant dépend de populations d’autres êtres vivants. C’est un maillage très dense et complexe  dans lequel tous les liens n’ont pas la même importance.

En effet, il est possible d’altérer un écosystème, de le perturber, sans  mettre en danger son existence. Mais c’est un jeu très dangereux, un genre de  roulette russe. Car si vous coupez le mauvais fil, c’est tout l’écosystème qui  s’effondre comme un château de carte avant même que vous ayez pu vous en  apercevoir. Cela demande donc une grande connaissance de chaque  écosystème, et nous en sommes encore loin.

La biodiversité : un enjeu capital

Certains impacts de la biodiversité sur nos vies sont évidents. Nos  ressources alimentaires reposent (directement ou indirectement) sur une  biodiversité riche. La pêche en est un exemple très parlant. 3,3 milliards  d’êtres humains ont pour source de protéine animal principale le poisson. Ils  dépendent tous directement de la pêche, et donc d’une biodiversité marine  stable. La perte de biodiversité marine est donc un problème de ressources  alimentaires pour de nombreux pays.

L’alimentation n’est pas le seul enjeu humain autour de la biodiversité :  c’est également un problème de santé publique. En effet, la baisse globale de  biodiversité affecte également les pathogènes. Les virus et les bactéries sont  aussi concernés par les extinctions. Or, ces disparitions sont une aubaine pour  d’autres espèces, qui voient le champ de bataille débarrassé de la concurrence.  Ils peuvent alors se reproduire et coloniser plus d’organismes que d’ordinaire.  Ajoutons à cela la prolifération d’espèces vectrices de maladies et nous  obtenons le terreau fertile pour de grandes pandémies.

On pourrait citer encore beaucoup de domaines affectés par la baisse de  biodiversité (culture, santé mentale, climat, etc). 

Contentons-nous de conclure  que nous dépendons beaucoup de notre environnement, duquel nous tirons  toutes les ressources qui font vivre nos civilisations. Nous devons protéger la  biodiversité pour la simple et bonne raison que nous en faisons partie. Si nous  ne la protégeons pas pour la beauté du geste ou simplement parce que c’est  juste, protégeons la au moins pour nous et notre postérité.

IMAGE ECOLUCIDE

Mine de Lithium en France : on touche le fond ou au but ?

Mine de Lithium en France : On touche le fond ou au but ?

La mine de Lithium à Echassières : nouvel Allier de l’écologie?

À Echassières, dans l’Allier, un important gisement de lithium a été découvert il y deux ans.  En 2028, un grand projet d’exploitation minière devrait démarrer à l’initiative de la société française Imérys. Ce projet, à plus d’1 milliard d’euros d’investissements, devrait créer plus de 1600 emplois dans la région.

L’objectif de l’entreprise est clair : rendre la France souveraine et indépendante en ressources énergétiques. En effet, les 1600 emplois créés sur une trentaine d’années sont une aubaine pour ce département qui fait partie des plus pauvres de France. Selon l’insee, 15,5 % de ses habitants vivant sous le seuil de pauvreté fin 2011. L’augmentation de cette précarité touche  surtout les jeunes, qui peinent à entrer sur le marché du travail, et les familles, notamment monoparentales.

Le développement de la plus grosse mine de lithium d’Europe : objectif stratégique majeur ?

Le lithium est utilisé aujourd’hui pour construire des batteries qui font fonctionner nos téléphones et nos voitures électriques.  97% de la production de lithium est assurée par des pays hors Union Européenne. Les premiers pays exportateurs de lithium sont notamment l’Australie avec plus de 30% de la production mondiale, suivi de près par la Chine (environ 25%). Cette dépendance est accrue en raison que le seul pays exportateur de lithium en Europe, le Portugal, peine à  répondre aux commandes urgentes des pays européens comme la France ou l’Allemagne. L’interdiction de la construction de voiture à essence d’ici 2035 au sein de la zone de l’Union Européenne crée de nombreuses tensions géopolitiques et économiques.

Un projet en dents de scies

Le projet se présente comme exemplaire avec la mise en place d’une mine en souterrain pour limiter les nuisances sonores et les poussières. Il met toutefois en péril la biodiversité du département de l’Allier. En effet, le Département de l’Allier se caractérise par une diversité exceptionnelle . Il compte ainsi de nombreuses espèces d’intérêts, protégées sur le plan national et européen, avec par exemple la loutre, le castor, le saumon, Son plus grand représentant, la rosalie des Alpes, une espèce d’insecte coléoptère vivant exclusivement dans ses bois, est directement menacé par les travaux de la société française. La destruction de plusieurs centaines d’arbres met en péril l’habitat naturel de cet animal en voie de disparition.

Un désastre écologique assumé ?

Pour faire des économies d’eau, l’entreprise a déclaré se servir d’une partie des eaux usées avec l’aide de la station d’épuration de Montluçon. En effet, l’entreprise promet toutefois de limiter les quantités totales d’eau nécessaires grâce à son procédé de recyclage qui garantirait de réutiliser 90% des volumes puisés. «On ne prétend pas que la mine n’aura pas d’impact sur l’environnement, résume Alan Parte. En outre, la boite française prévoit de consommer 1,2 million de mètres cubes par an, essentiellement en s’alimentant dans la Sioule, la rivière voisine.

L’arsenic : un danger sous-estimé ?

La grande concentration de métaux lourds comme l’arsenic dans les sous sols de la région serait susceptible de présenter un «risque très significatif pour la santé humaine et l’environnement». En effet, la présence d’arsenic à proximité de la future mine de lithium pourrait modifier l’écoulement des nappes souterraines. L’eau risque d’être pollué par les résidus de métaux toxiques jusqu’ici emprisonnés dans la roche. Ainsi, l’extraction du lithium dans la mine pourrait dissiper des particules d’arsenic dans l’atmosphère, favorisant les risques de cancer de la peau.

Une autre solution est-t-elle possible ?

Le lithium n’est peut-être pas la solution ! Pour preuve, Tiamat, une start-up amiénoise issue du CNRS, développe des batteries à base de sodium, nettement plus abondant. Le sodium est en effet le sixième élément le plus abondant dans l’écorce terrestre. En outre, la facilité à trouver des matières premières dans la nature notamment par ses faibles coûts d’extraction et une utilisation limitée d’énergie, fait du sodium un élément à faible impact environnemental. Néanmoins, l’un des principaux inconvénients des batteries au sodium est leur faible densité énergétique. Les batteries au sodium ont encore une densité assez faible, entre 140 Wh/Kg et 160 Wh/kg, par rapport à 180 Wh/Kg – 250 Wh/Kg pour les batteries lithium-ion.

Finalement, un projet qui fait grise mine ?

Aujourd’hui, le sujet reste au cœur des préoccupations. En effet, la loi prévoit que la Commission nationale du débat public (CNDP) soit saisie dès lors qu’un projet dépasse 600 millions d’euros d’investissement. Concernant la rentabilité du projet, les coûts de production de l’hydroxyde de lithium français devraient se situe entre 7 et 9 euros le kilo. Le prix de vente du lithium est actuellement autour de 70 euros le kilo. Sur ces niveaux de prix, le chiffre d’affaire annuel généré par cette seule mine devrait approcher 2,4 milliards d’euros. Le projet devrait donc être très rentable, en dépit de l’amortissement de l’investissement. Toutefois, ce projet reste en suspense en raisons des nombreuses contestations des écologistes sur ce « désastre écologique programmé ». Quoiqu’il en soit, l’avenir de ce projet semble être une magnifique opportunité pour pouvoir enfin rendre la France indépendante et souveraine concernant ses besoins énergétiques.

site-internet-ecologie-ordinateur-nature-ecologique-980x735

Le débit internet n’a jamais été aussi fort, mais à quel prix ?

Il n’y a pas si longtemps, le débit internet à la campagne était de quelques méga octets par seconde. Aujourd’hui, la fibre se déploie de manière tentaculaire et permettra bientôt aux Français les plus reculés d’atteindre des débits de plusieurs centaines de mégaoctets par seconde. Nous sommes désormais capables de télécharger des sagas entières le temps de faire un thé.

Malgré mon jeune âge j’ai été témoin de ce changement. Je fais partie de ceux qui mettaient un week-end à télécharger un jeu vidéo, et lorsque ma mère a installé la fibre, mon expérience a été profondément modifiée. Je pouvais alors tester des jeux de plusieurs dizaines de gigas, les désinstaller puis en installer de nouveaux, et ceci à l’infini. C’étaient alors des centaines de gigas qui venaient à moi en quelques dizaines de minutes. J’étais époustouflé, comme si j’étais devant un banquet de tous les mets du monde. En plus, la fibre optique est bien moins consommatrice d’électricité que les autres câbles en cuivre. Mais étrangement, ce sentiment d’accessibilité et de surpuissance me laissait un goût amer dans la bouche.

A la même période, j’étais plongé dans la mythologie nordique par God Of War. Assez tôt dans le jeu, nous faisons la rencontre de Mimir, le dieu de la sagesse qui permit à Odin de goûter à son puits de la sagesse et de l’intelligence (Mimisbrunn). En échange Odin a sacrifié un de son œil. Il devint alors le roi borgne, celui qui voit tout mais d’une seule perspective. Aujourd’hui je me rends compte que le goût amer que je ressentais était du doute. Cet accès rapide à l’information, à la culture n’a-t-il aucune contrepartie ? Vais-je garder mon œil ?

Le numérique, un secteur polluant en vogue

Loin d’être immatériel, le numérique représente aujourd’hui 4% des émissions mondiales de gaz à effets de serre et pourrait même représenter 8% en 2025. Le débit internet fait partie de la partie utilisation du numérique, soit 55% de la consommation énergétique (The Shift Project, 2019). Le découplage est-il possible ? Peut-on continuer de regarder des vidéos en streaming, de télécharger des fichiers et d’écouter de la musique (consommation) tout en réduisant notre empreinte sur la planète ? La technologie nous sauvera-t-elle ?

Rien n’est moins sûr. A l’image de la fibre optique, une nouvelle technologie de transfert de données qui remplace progressivement le câble en cuivre. Selon l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), la fibre est 4 fois moins énergivore que le cuivre. Mais il faut aussi prendre en compte le fait que le débit internet a considérablement augmenté. « Le monde est passé de 100 gigabits par seconde (Gb/s) circulant dans les réseaux informatiques en 2001 à 26 000 Gb/s en 2016 », explique Jean-Marc Pierson, chercheur en sciences informatiques au CNRS (citant Morley, Widdicks, Hazas, 2018).

Du côté des data centers c’est encore plus impressionnant. La quantité de données gérées évolue de manière exponentielle. Même si des travaux de recherche sont actuellement menés dans le but de baisser l’impact du numérique (un exemple ici), il faut bien l’avouer : non, en dernière analyse, la technologie ne nous sauvera pas. Le gain en énergie de la fibre est écrasé par le caractère de plus en plus énergivore du numérique. C’est ce qu’on appelle l’effet rebond (pour un sujet plus précis concernant le numérique, voir cet article).

Le prix du numérique

Alors même que l’accessibilité à la connaissance s’est considérablement démocratisée, en France du moins, le prix à payer est fort. Le pire, c’est que personne n’annonce l’addition. Tellement ancré dans notre vie, le numérique est intouchable. La preuve, j’écris ces lignes sur un ordinateur connecté à internet et j’allumerai bientôt ma console pour lancer un Fifa. Dans le puits du numérique nous avons plongé, toujours plus avides d’immédiateté.

Cela me rappelle un mythe grec ; celui du supplice de Tantale. Ce dernier ayant défié les Dieux de l’Olympe fut enfermé dans le Tartare, le pire endroit du royaume d’Hadès. Sa pénitence est singulière puisqu’il se retrouve enfermé pour l’éternité dans un lieu rempli de fruits et où coule une eau des plus pures. Le hic, c’est que dès qu’il tente de décrocher un fruit, la branche s’écarte et quand il se baisse pour prendre de l’eau, celle-ci lui glisse des mains en une fraction de seconde. Il est donc condamné à ne pas pouvoir consommer ce qu’il veut le plus au monde, comme coincé à l’état de souffrance de Schopenhauer. Aujourd’hui, c’est l’inverse : une flopée de différentes envies est contentée quelques minutes. Mais est-ce vraiment une situation plus désirable ?

image_2023-11-18_185150930

La méthanisation, vraiment si avantageuse ?

Fonctionnement

Pour faire simple, la méthanisation utilise le processus de dégradation des matières organiques pour produire du biogaz. Des déchets organiques comme du fumier ou du lisier sont ainsi introduits dans un digesteur dans lequel a lieu la fermentation de ces déchets.

Le biogaz produit est ensuite utilisé soit par cogénération (recours au biogaz pour produire de l’électricité renouvelable redistribuée ensuite sur un réseau public) ou injection (production de biométhane avec le biogaz qui sera ensuite injecté dans les tuyaux de gaz urbains).

Le méthaniseur produit également des résidus tel que le digestat qui a des propriétés d’amendement et pouvant remplacer les engrais minéraux.

Source d’énergie vertueuse ?

On relève de nombreux avantages à la méthanisation :

Premièrement, celle-ci semble être une solution locale amenant à des démarches d’économie circulaire. Elle apparaît également comme étant un très bon complément de revenus aux agriculteurs. La méthanisation permet également de valoriser des déchets et l’énergie produite est dans sa globalité « verte » et 100% renouvelable.

Enfin, cela permet aussi de gagner en indépendance et autonomie énergétique.

Des limites existantes

Il existe en effet un certain nombre de dérives quant à l’utilisation des unités de méthanisation. La plus parlante concerne les propriétaires de méthaniseurs qui souhaitent alimenter leurs installations au maximum de leurs capacités en produisant notamment des végétaux (souvent du maïs) injecté directement dans le digesteur. La conséquence de cette activité est l’augmentation du prix du foncier autour des méthaniseurs car les terres sont achetées à des prix élevés et ne servent qu’à produire pour le méthaniseur. Ces terres ne sont donc plus accessibles aux éleveurs.

Se pose également la question éthique de la production de nourriturre ayant pour seule utilité l’alimentation d’un méthaniseur pour produire plus d’énergie.

Des accidents sont aussi possibles, en témoigne le cas de l’incident de la centrale biogaz de Kastellin qui a privé 180 000 personnes d’eau potable à cause d’un déversement de digestat dans une rivière. Des incidents avec risque d’explosion ont aussi été recensés.

Que faire de la méthanisation ?

Il convient donc évidemment de changer notre manière d’utiliser ce processus afin d’en faire la source d’énergie la plus propre possible.

Ce qui compte, c’est surtout la manière dont est employée la méthanisation et donc les usages que l’on en fait. Cette manière de produire de l’énergie se situe dans un cadre de complémentarité aux autres sources d’énergie et ne doit en aucun cas s’extraire de celui-ci (Le biogaz représente aujourd’hui 3% de la consommation nationale de gaz).

La première marche vers une meilleure utilisation serait déjà gravie si la production de nourriture ayant pour seule utilité le fait d’alimenter un méthaniseur était interdite.

santéillus

Je vous présente les récents travaux du Shift à propos de la santé

Le 18 avril 2023, le Shift Project, l’association présidée par Jean Marc Jancovici, a présenté ses travaux inédits concernant le domaine de la santé. Ce rapport de 2023 est la deuxième édition et s’inscrit dans le Plan de transformation de l’économie française (PTEF).

Un secteur indispensable

Quand on discute écologie, on ne pense pas tout de suite au domaine sanitaire. On parle de nos modes de déplacement, de notre agriculture ou bien encore de l’isolation de nos bâtiments. La santé est pour ainsi dire invisible : comment prendre un doliprane pourrait-il être polluant ? Pourtant, ce secteur est loin d’être négligeable. Selon les récents travaux du Shift, la part de la santé dans l’empreinte carbone de la France serait de 8%.

Plusieurs secteurs composent la santé :

  • Les établissements hospitaliers

  • La médecine de ville

  • Les services et établissements pour personnes âgées

  • Les services et établissements pour enfants et adultes handicapés

  • L’administration publique et les complémentaires santé

Ces secteurs emploient 9% de la population française active et sont plus ou moins émetteurs en gaz à effets de serre (GES). A part l’administration publique et les complémentaires santé, les autres secteurs ont tous une contribution significative ; tous gravitent autour de 20%.

87% d’émissions indirectes

Non Célestin, ça ne veut pas dire que ce sont des émissions rediffusées, mais que ce n’est pas le secteur en lui-même qui émet des GES. Par exemple, les émissions liées aux déplacements de particuliers, c’est indirect. Tout comme la production de médicaments et leur acheminement. C’est peut-être pour cette raison que l’enjeu environnemental autour de la santé est souvent occulté.

Une des conclusions les plus intéressantes est à nos yeux l’identification des principales clés de décarbonation. Selon le Shift, la moitié des émissions liées à la santé provient des achats de médicaments et de dispositifs médicaux (DM ; ex : seringues, masques, IRM…).

Et s’il existe en effet un lien de corrélation positive entre les émissions de GES et la qualité du système de santé, de nombreux gaspillages d’énergie sont à déplorer. Chez chacun d’entre nous, la boite à pharmacie est remplie de médicaments prescrits qui ne seront jamais utilisés, du moins en entier. Moins polluer ne veut donc pas forcément dire moins bien soigner.

Que faire alors ?

Dit simplement, aujourd’hui se soigner, c’est polluer. Il faut donc diminuer les émissions de GES en diminuant la quantité de soins et en les rendant tout simplement moins émetteurs. Le Shift a proposé une projection de possibles réductions d’émissions de GES par secteur. Voici le scénario qu’ils présentent comme le plus atteignable :

Sur ce graphique, c'est le scénario de réduction du Facteur d'Emission (FE) de 60%. Plus il diminue, plus la réduction portée par la PPJS augmente.

Malgré les réductions portées par les mesures chiffrées et celles portées par les industriels, il resterait 9 mégatonnes de CO2 avant atteindre l’objectif de neutralité carbone fixé par les Accords de Paris et la SNBC (soit une baisse de 80% entre 2020 et 2050).

C’est là qu’intervient la PPJS (Prévention, promotion de la santé et juste soin). Derrière ces mots se trouve un changement de paradigme : passer du soin au prendre soin. Prévenir pollue moins que soigner. Cela passe aussi par une responsabilisation accrue des individus, c’est-à-dire pour chacun d’entre nous. Aux politiques également de mettre de la pression aux industries pharmaceutiques afin qu’elles proposent des produits qui ont peu émis de GES. Une tâche qui s’annonce très laborieuse…voire impossible.

planète terre électrique

Pourquoi il est nécessaire de diversifier le mix électrique

Dans le grand débat du mix énergétique, on entend souvent la même prérogative : il faudrait diversifier le mix électrique. Cela fait même partie des « deux grands leviers » du gouvernement, avec celui de baisser sa consommation. Mais pourquoi diversifier exactement ? La diversification de nos moyens de production d’énergie n’aide pas en soi à une diminution de nos émissions de gaz à effets de serre. Diversifier pour diversifier, ça ne sert à rien.

Le ministère de la transition écologique explique très simplement l’enjeu : « la diversification du mix électrique est essentielle, car elle vise à rendre le système électrique français plus résilient face à de possibles aléas. » Une explication synthétique et efficace, mais que l’on voit bien trop peu dans le débat public. On préfère fustiger les éoliennes ou crier haro sur l’atome. Pourtant, en diversifiant, on évite tout black-out et on maitrise finalement mieux notre consommation électrique.

Le mix électrique de la France métropolitaine est dominé par le nucléaire. Connaissances des énergies, d’après RTE.

Chaque moyen de production d’énergie a des inconvénients relatifs à une diversité d’aléas. Tout l’enjeu est donc de minimiser voire de supprimer les conséquences de ces aléas. Diversifier le mix électrique est une solution.

Les centrales à gaz, au pétrole et au charbon sont de toute évidence les premiers moyens de production électrique à écarter. Afin de réduire notre vulnérabilité, on pourrait très bien chercher un fournisseur fiable, mais au vu de l’instabilité géopolitique des fournisseurs mondiaux – on l’a très bien vu avec la guerre en Ukraine – et surtout au regard de leur bilan carbone, il n’y a pas de raison de continuer à utiliser ces sources d’électricité. En France, seul 10% de notre production électrique est concernée par ces moyens à haute émission de GES, un chiffre qui stagne tout de même depuis plus de 30 ans et qui ne dit pas grand-chose de notre consommation énergétique.

Concernant les centrales nucléaires à fission, on observe des problèmes – non négligeables mais souvent négligés – résultant d’approvisionnement en uranium (saviez-vous par exemple, que la France importe une grosse partie de son uranium à la Russie ?), mais aussi de fuites et de refroidissement à l’aide de sources d’eau qui tendent à monter en température et à diminuer. Le risque est de paralyser le parc nucléaire avec des maintenances à répétition et donc des pertes d’énergie de plus en plus importantes. Néanmoins, les conséquences sont plutôt bien connues et les solutions aussi, à savoir construire les centrales davantage près de la mer en circuit ouvert ou bien près d’une importante source d’eau et avec des tours aéroréfrigérantes. De plus, il faudra veiller à ce que les centrales ne soient pas installées dans des zones inondables – là aussi, ce n’est pas insolvable.

Energies renouvelables

Du côté des énergies renouvelables, on retrouve les fameux panneaux photovoltaïques ainsi que les éoliennes. Le problème est connu puisqu’il s’agit encore une fois de leur intermittence : quand le vent ne souffle plus et que les nuages couvrent le ciel, la production d’électricité est à son plus bas. Si on se penche sur les barrages hydroélectriques, on aperçoit également que le réchauffement climatique risque de fortement impacter le niveau des bassins en amont qui actionnent les turbines (et irriguent plusieurs champs – le problème n’est ici pas exclusivement électrique). En vérité certaines conséquences sont déjà visibles. Par exemple, au Brésil, plusieurs barrages récents font face à un manque de pluie, ce qui a pour conséquence de baisser considérablement la production électrique.

Diversifier le mix électrique conduit donc à minimiser les risques d’une impossibilité de production : le vent ne tourne pas ? Pas grave, on a du nucléaire (variante allemande : « Pas grave, on a du charbon »). D’un autre côté, un niveau conséquent d’éoliennes terrestres et de panneaux solaire peut laisser le champ libre aux maintenances des sites nucléaires par exemple. L’important est de diversifier intelligemment avec des moyens de production complémentaires tout en ayant en tête que le changement climatique va altérer notre production électrique. Une production qui tend malheureusement à augmenter dans le mix énergétique (voitures électriques, chauffage par pompe à chaleur, etc.) dans une logique d’émancipation vis-à-vis des énergies fossiles polluantes. Mais attention, il n’y a pas de mix magique. Tous les pays ne sont pas capables de se doter en nucléaire ni en barrages hydroélectriques par exemple.

Le nucléaire indispensable ?

Dans sa synthèse des Futurs énergétiques 2050, RTE a imaginé six scénarios de mix électrique, allant du 100% renouvelable au mi-nucléaire mi-renouvelable. Si vous avez bien compris les enjeux, vous devriez vous demander comment un mix sans nucléaire et sans centrale thermique polluante est réaliste. Toujours selon RTE, la solution principale reposerait sur les centrales thermiques utilisant des stocks de gaz décarbonés et sur les stations de transfert d’énergie par pompage (STEP). Ce sont elles qui vont pouvoir sécuriser le système électrique à grande échelle, par exemple dans les cas où le soleil est caché et le vent souffle peu. De manière quotidienne, des batteries seront également mises en place. Les panneaux solaires les rechargeraient la journée, et on dépenserait l’énergie accumulée du soir au matin. Au-delà de ces solutions techniques de back-up et de batterie, RTE prévoit d’accroitre la flexibilité. Il faudra gérer intelligemment notre consommation d’électricité en fonction de la production : recharger sa voiture le jour, chauffer le soir, etc. Enfin, dans les scénarios les plus renouvelables, l’interconnexion (et donc l’interdépendance) entre pays européens sera logiquement accrue afin de palier le mieux possible la demande électrique.

Ce qu’il faut retenir, c’est d’abord qu’il faut bannir tous les discours radicalement pour un seul type d’énergie. Ceux fustigeant les énergies renouvelables tout en prônant le nucléaire, eh bien ceux-là se prennent 7%. Blague à part, c’est une récurrence dans un certain discours énergétique de droite qu’il faudrait abandonner. Aussi, il ne faut pas oublier que le mix électrique n’est que l’arbre qui cache la forêt : c’est notre consommation d’énergie permanente qui doit être questionnée, pas seulement notre consommation électrique.