Nusantara

L’intrigant projet Nusantara

Au cours de l’été, dans la ferveur des JO et dans l’attente désespérée d’un nouveau gouvernement, une nouvelle intrigante est quelque peu passée inaperçue. Le président indonésien a inauguré en grande pompe la nouvelle capitale Nusantara le 17 août dernier. D’après la communication du gouvernement cette ville moderne sera neutre en carbone à l’horizon 2045 et s’érigera comme un modèle d’urbanisme durable. Mais qu’en est-il en réalité ? Ecolucide a mené l’enquête pour vous.

 

La genèse ne fut qu’un ténébreux orage

 

Ce n’est pas commun de voir un pays annoncer la création d’une nouvelle capitale. L’ancienne capitale Jakarta, située sur l’île de Java, a connu un développement urbain très rapide dans les années 2010. Elle accueille près dix millions d’habitants à l’intérieur de ses limites administratives, un nombre qui triple lorsque l’on considère tous les habitants de l’aire urbaine.

La métropole javanaise est engorgée et très polluée, comme beaucoup de villes qui se sont développées rapidement. De plus, la demande accrue en eau nécessite un prélèvement massif dans les nappes phréatiques, l’imperméabilisation du sol complique l’infiltration et le ruissellement des eaux de pluies. Enfin, le poids des gratte-ciel accroît les charges pesant sur le sol de Jakarta. Du fait de tous ces facteurs, la ville s’enfonce environ de vingt-cinq centimètres par an. Si l’on combine cela avec la montée des eaux dûe au changement climatique, une partie de l’espace urbain se trouve désormais sous le niveau de la mer.

Un rapport de Greenpeace datant de 2021 mettait en garde contre des crues pouvant submerger Jakarta dès 2030. D’autres experts affirmaient quant à eux qu’un tiers de l’île abritant Jakarta serait submergée d’ici 2050.

Face à cet état de fait, le président indonésien Joko Widodo décide en 2019 de déplacer la capitale, suite à l’approbation du projet par 8 des 9 partis politiques siégeant au Conseil représentatif du peuple. C’est l’est de la partie indonésienne de l’île de Bornéo (Kalimantan) qui est retenue pour accueillir cette ville-nouvelle, notamment pour sa proximité avec le centre géographique de l’archipel. Le projet est alors évalué à 35 milliards de dollars américains, financé à 80 % par des investisseurs privés.

Le président met également en avant la volonté de réduire les inégalités territoriales du pays. En effet, l’île de Bornéo ne contribue qu’à 8% du PIB contre plus de 55% pour l’île de Java.

 

Il faut savoir que contrairement à l’île de Java, Bornéo est encore très vierge et relativement préservée des activités humaines. On y trouve encore une faune et flore sauvage luxuriante. Le gouvernement conscient de cette richesse et ayant à cœur (ou pas?) de ne pas répéter les mêmes erreurs qu’avec le développement de Jakarta. 

Le projet est ambitieux, il prévoit 70% d’espaces végétaux dans l’ensemble de l’aire urbaine pour un minimum de 50% dans les limites administratives. L’idée est de conserver au maximum la perméabilité des sols, en construisant la ville sous la forme d’un petit archipel. La part-belle est faite aux mobilités douces et les constructions sont annoncées comme étant écologiques. 

Pourtant différents spécialistes de l’urbanisme qui ont pu se rendre sur place relevaient que les maisons déjà debout “ne se présentent pas comme des modèles de maisons écologiques ». Ce qui est appuyé par une forte utilisation de béton, une faible ventilation naturelle et donc un fort recours à l’air conditionné. De plus, l’Indonésie est un des plus gros producteurs et utilisateurs de charbon, énergie fossile de loin la plus polluante. On peut donc raisonnablement supposer que l’impact environnemental lié à la construction est négligé dans les annonces de neutralité carbone.

 

Un projet ambitieux sur le papier 

Il faut savoir que contrairement à l’île de Java, Bornéo est encore très vierge et relativement préservée des activités humaines. On y trouve encore une faune et flore sauvage luxuriante. Le gouvernement conscient de cette richesse et ayant à cœur (ou pas?) de ne pas répéter les mêmes erreurs qu’avec le développement de Jakarta. 

Le projet est ambitieux, il prévoit 70% d’espaces végétaux dans l’ensemble de l’aire urbaine pour un minimum de 50% dans les limites administratives. L’idée est de conserver au maximum la perméabilité des sols, en construisant la ville sous la forme d’un petit archipel. La part-belle est faite aux mobilités douces et les constructions sont annoncées comme étant écologiques. 

Pourtant différents spécialistes de l’urbanisme qui ont pu se rendre sur place relevaient que les maisons déjà debout “ne se présentent pas comme des modèles de maisons écologiques ». Ce qui est appuyé par une forte utilisation de béton, une faible ventilation naturelle et donc un fort recours à l’air conditionné. De plus, l’Indonésie est un des plus gros producteurs et utilisateurs de charbon, énergie fossile de loin la plus polluante. On peut donc raisonnablement supposer que l’impact environnemental lié à la construction est négligé dans les annonces de neutralité carbone.

Carte du projet Nusantara

La forêt impactée 

L’ONG Forest Watch souligne qu’entre 2018 et 2021, ce sont près de 18 000 hectares de forêts primaires qui ont été déboisés. Toutefois près de 14 000, l’aurait été pour des projets de plantations de palmiers à huile (pour la fameuse huile de palme) et des concessions minières. Les “seulement” 4 000 ha restants permettent aux promoteurs du projet de se défendre de nuire à la forêt primaire. Cependant, comme nous l’indiquions dans le paragraphe précédent, l’ONG de défense de l’environnement fait valoir que le projet met en danger le fragile équilibre dans les écosystèmes qui jouxtent le chantier. De plus, une zone voisine de la ville n’est autre qu’une forêt protégée car elle abrite les derniers orang-outangs de Bornéo.

Un tas d’aménagement à prévoir

La ville étant sortie de terre au milieu de nulle part, de nombreux aménagements alentour sont à prévoir comme la construction d’autoroutes, d’aéroports et d’autres infrastructures qui ne sont pas automatiquement pris en compte dans les études d’impact. Ce sont notamment près de 1 663 hectares qui ont été déforestés ces 2 dernières années pour permettre la construction d’une autoroute reliant l’aéroport en périphérie au centre de la ville. Si cet aménagement permet de réduire drastiquement les temps de trajet des humains, mais détériore les couloirs naturels empruntés par d’autres espèces.

De plus, les quelques 2 millions d’habitants prévue pour l’horizon 2045, ne feront que renforcer les besoins en aménagements ce qui provoquera naturellement un effet rebond. Et l’annonce du journal L’Equipe au lendemain des JO de Paris d’un potentiel intérêt de Nusantara pour accueillir une édition dans les années 2040 n’est pas rassurant sur l’impact réel qu’aura le projet.


Des locaux non consultés 

Bien qu’étant non urbanisée, l’île de Bornéo abrite malgré tout une communauté autochtone importante qui se retrouve fortement impactée par ce projet. Certaines terres ont déjà été redistribuées à des entités commerciales sans aucune concertation et les compensations financières apparaissent comme bien maigres. Outre la menace d’expropriation qui plane à plus ou moins long terme, la construction de cette ville en pleine forêt vierge nécessite des aménagements titanesques ce qui a des conséquences importantes sur les écosystèmes en place. Par exemple, la construction d’un barrage permettant d’alimenter la future ville en eau, a modifié le niveau des rivières ce qui provoque d’une part des inondations dans les villages alentours, et un impact sur l’abondance de la faune aquatique essentielle pour la population. La communauté autochtone dayak balik a ainsi déjà perdu l’accès à ses deux rivières en raison de la construction du barrage. Les Balik doivent désormais acheter des litres d’eau en bonbonne ou attendre la distribution par un camion-citerne appartenant à la société même qui construit le barrage. 

L’excavation pour le minage de nickel et l’arasement des collines engendrent des dépôts de poussières conséquents sur les villages au bord des routes ce qui n’est pas sans poser des problèmes sanitaires. Certaines parcelles sont réquisitionnées pour simplement stocker de la terre car cela coûte moins cher que de l’évacuer en dehors de la zone. Ce sont ainsi des zones de chasses et de culture qui sont rendues inutilisables.


Restauration envisagée 

On peut noter pour une fois l’existence d’un plan de gestion de la biodiversité de la part de l’entreprise promotrice d’IKN (autre nom de Nusantara). Celle-ci propose une stratégie à long terme pour restaurer ces écosystèmes détruits par des décennies de déforestation, ainsi que par son propre chantier. Toutefois rien ne garantit la réalisation fidèle et complète de ce plan. Il est souvent plus compliqué de restaurer des écosystèmes souvent centenaires voir millénaires en quelques décennies.

A travers l’intrigant projet de cette ville-nouvelle de Nusantara, nous souhaitions mettre en avant l’importance de ne pas considérer que le carbone dans les transitions en cours. En effet, nous avons vu que Nusantara sera peut-être neutre en carbone à plus ou moins long terme, mais le chantier n’est pas anodin et questionne sur le réel bien-fondé de cette adaptation au changement climatique.

Il est donc important de sortir de ce tunnel du carbone pour considérer l’impact de chaque projet de façon systémique sur chaque limite planétaires. 

 

Sources : 

paulwatson

Mais qui est Paul Watson ?

Depuis 2 mois Paul Watson est enfermé au Groenland attendant de savoir s’il sera extradé au Japon. Mais qui est ce capitaine mystérieux qui figurait prétendument sur la liste rouge d’Interpol?  Serait-ce le Capitaine Haddock devenu écolo?

Un militant Greenpeace

Paul Watson est né en 1950 au Canada. Il s’engage d’abord en tant que garde-côte. En octobre 1971 avec le Sierra Club (une des premières associations écologistes fondée en 1892) il se rend dans les îles Aléoutiennes en Alaska afin de protester contre les essais nucléaires. Ce petit groupe devient la même année Greenpeace. Son implication dans la fondation de Greenpeace est l’objet de controverses: le principal intéressé clame être un des fondateurs tandis que l’ONG dément, sans nier pour autant son implication importante lors des débuts de celle-ci. 

Paul Watson jeune

Un départ forcé

Rapidement Paul Watson se fait une place dans l’ONG devenant l’un des 12 membres du Conseil d’administration. Durant 6 ans, il participe à de nombreuses actions en mer. Paul Watson est convaincu qu’il faut mener des actions directes. Greenpeace ne l’entend pas de cette oreille. Les divergences entre Paul Watson et la philosophie non violente de Greenpeace deviennent si importante qu’il se fait virer du Conseil d’administration en 1977 (11 voix pour contre 1, la sienne). Il fonde la même année Sea Shepherd, l’ONG au logo qui rappelle un pavillon pirate. 

Sea Shepherd est très actif. Ici une action menée à La Rochelle en février 2022

Sea Shepherd

Depuis les années 80, Paul Watson et la flotte  de Sea Shepherd sillonnent les mers afin de défendre leurs causes, entre autres: l’arrêt de la pêche aux cétacés, la protection des requins, des tortues marines,… Les actions du capitaine et de sa flotte leur valent de nombreux ennuis juridiques à travers le monde (USA, Canada, Norvège, Japon)Entre destruction de navire, assaut contre des braconniers la liste est longue. En 2012 le Costa Rica émet un mandat d’arrêt international contre Paul Watson. Il est retrouvé en Allemagne par Interpol, mais avec l’aide d’un déguisement et de complice il arrive à s’échapper d’abord aux Etats-Unis. Par la suite il s’installe en France grâce à l’aide notamment de Brigitte Bardot, connue pour son engagement en faveur de la protection des animaux.

Cependant depuis 2022, les dirigeants de Sea Shepherd USA préfèrent tourner le dos aux actions violentes préférant la recherche scientifique de préservation des écosystèmes marins, ce qu’il ne cautionne pas. Une scission se crée au sein des différentes antennes de l’ONG et il crée Sea Shepherd Origins avec l’antenne française l’une de ses principaux soutiens pour continuer l’activisme.

Une arrestation controversée

Depuis juillet 2024 Paul Watson est enfermé au Groenland, il attend la décision du tribunal de Nuuk afin de savoir si oui ou non il sera extradé au Japon. En effet, le Japon est à sa recherche depuis 2008 après l’attaque d’un baleinier Japonais. Mais son arrestation est vivement critiquée à travers le monde. En effet selon lui et de nombreux activistes, son arrestation est abusive car il n’aurait commis aucun des crimes qui lui sont reprochés et que sa vie serait menacée au Japon au vu des conditions d’incarcération niponne. Et à ce jour, le destin de Paul Watson est entre les mains des juges de Nuuk au Groenland.

Paul Watson est un personnage controversé au sein du militantisme écologique, tantôt décrié par les militants écolos ou tantôt adulé par les plus radicaux. On ne peut nier l’impact de Paul Watson dans la défense de la vie marine. Pour certain Paul Watson est un héros pour d’autres un dangereux terroriste avide des médias. Mais le plus important est que son activisme soulève une question essentielle: l’usage de la violence ou du moins de l’action directe est elle nécessaire pour faire avancer ses idées ?

Volunteers and firefighters combat the fires that went out of control during the burning of forests and pastures for agricultural purposes around the touristic small town of Rurrunabaque, Beni Department, Bolivia, on October 26, 2023. The dense smoke that affects Bolivia's main cities is due to the burning of forests and pastures, a common practice that usually starts in the middle of the year. The aim is to expand the agricultural frontier, even though the government says it is prohibited by law. (Photo by CRISTIAN CASTRO / AFP)

Leur maison brûle et nous regardons ailleurs

Mercredi dernier, l’activiste écologiste Camille Etienne relayait sur son compte Instagram l’appel à l’aide de Romain Jaunay, français engagé pour Ambue Ari, une organisation de protection de la faune sauvage en Bolivie. Les images sont impressionnantes et choquantes. Pourtant nous avons eu du mal à rédiger cet article tant le sujet est peu traité en France par les médias.

Depuis plusieurs années, sur la période de juillet à décembre, la Bolivie subit une déferlante de feux que l’on qualifie maintenant de “saison des incendies”. Cette année, ce sont déjà près de 4 millions d’hectares qui sont partis en fumée, ce qui a poussé le gouvernement bolivien à finalement décréter l’État d’Urgence. L’exemple de la Bolivie est assez démonstratif de l’impact de l’Homme sur le changement climatique et sur les conséquences désastreuses que cela a sur des pays entiers.

Un pays sans accès direct à l’eau

Pour commencer, il est important de souligner que la Bolivie est un pays à la géographie particulière car c’est l’unique pays d’Amérique du Sud à ne pas avoir de façade maritime ni de fleuve qui le traverse. Depuis plusieurs années déjà l’accès à l’eau des boliviens est un enjeu majeur et est source de tensions avec ses voisins.

L’agriculture intensive comme modèle de développement

Le pays accueille une parcelle non négligeable de l’Amazonie, et comme son voisin brésilien est un acteur majeur de la déforestation. 

Les gouvernements ont fait le choix depuis plusieurs années de miser sur les exportations de soja et de viande et le développement des agro-carburants pour assurer son développement économique. Depuis 2015 la déforestation a explosé et ne cesse d’augmenter chaque année. En 2023 ce ne sont pas moins d’un demi million d’hectares de forêt primaire qui ont disparu.

Pourquoi cette année, les incendies sont encore plus critiques ? Il y a d’une part l’intensification du courant El Niño, et d’autre part les conséquences directes du changement climatique (voir l’étude parue en 2024 dans Nature). Ainsi, le pays fait face à une sécheresse historique : il n’a quasiment pas plu depuis un an. 

Malgré des conditions climatiques critiques, il n’y a pas réellement de plan de lutte contre le départ et la propagation d’incendie mis en place par le gouvernement. 

Pour pouvoir augmenter les rendements agricoles, de nombreux boliviens pratiquent le “chaqueo”, c’est-à-dire la mise à feu des parcelles. Cela a des conséquences dramatiques car les feux deviennent régulièrement incontrôlables. 

Le gouvernement a fini par réagir en ce mois de septembre en déclarant l’urgence nationale pour faciliter l’aide internationale mais l’opposition déplore l’absence de mesure structurelle durable pour endiguer ces pratiques. La Bolivie s’est d’ailleurs fait remarquer comme étant le mauvais élèves au sommet pour l’Amazonie à Bélem (Brésil) en août 2023 en s’opposant aux objectifs chiffrés de réduction de la déforestation. Ces mesures ont pourtant été acceptées par la Colombie et le Brésil.

Un nouveau modèle de développement à promouvoir ?

En plus de la perte de biodiversité et de la destruction de puits de carbone, les incendies causent de graves problèmes de santé publique. De nombreuses villes se retrouvent asphyxiées par les fumées et les cendres ce qui augmente drastiquement le nombre de pathologies respiratoires. De plus, les particules rejetées lors des incendies participent à un assèchement de l’atmosphère et diminuent la durée et l’intensité de la saison des pluies.

Le cas bolivien est un cas d’école de développement non durable, de la recherche de profit rapide au détriment du temps longs et des générations futures. Toutefois nous devons faire preuve d’humilité dans nos constats : la Bolivie ne souhaitant rien d’autre que de suivre le modèle de développement qui a fait des Occidentaux les peuples les plus riches au monde.

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Kamala Harris vs Donald Trump, qui est le moins pire pour l’écologie ?

Si le choix du président des Etats-Unis n’est pas encore établi dans le cœur des américains, le sort du climat reste le parent pauvre de la campagne électorale américaine. Pour rappel, les américains restent la première nation productrice de pétrole avec en 2023, près de 13 millions de barils vendus par jour ! 

C’est également la seconde nation qui émet le plus de gaz à effet de serre dans le monde avec pas loin de 4,9 milliards d’émissions de gaz à effet de serre par an (seule la Chine fait pire avec 9.8 milliards).  Une élection qui va, par définition, changer la facette de notre monde.

TRUMP : climatosceptique assumé ?

“Dry baby dry”. Vous l’avez reconnu, on parle bien évidemment de Donald Trump. Trump, c’est le président américain du “America First”, portant à une augmentation significative de la production  et de la consommation de pétrole américain. Il est également le régicide de l’accord de Paris lors de son mandat. Cet accord international signé par 196 pays en 2015, avait pour objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de limiter l’augmentation des températures globales de deux degrés.  En 2022, seulement 22% des républicains estimaient que le réchauffement climatique était lié aux activités humaines, contre 76% pour les démocrates Ce chiffre alarmant indique une certaine tendance du programme écologique du candidat à la présidence américaine. Si Trump veut vendre le rêve américain à son électorat, issu généralement d’une Amérique marginalisée et isolée des grandes métropoles, il le fait en sacrifiant l’écologie sous l’autel du climat

TRUMP : un programme écologique inexistant ?

Sans surprise, le programme est le même pour ne pas dire pire. Il n’existe aucune page sur le site de campagne indiquant le moindre programme écologique. Selon les déclarations du candidat présidentiel, son objectif premier serait de sortir à nouveau des accords de Paris et de rompre immédiatement avec les projets de transition énergétique lancés par Joe Biden.

Toutefois, sans évoquer une proposition de loi à ce sujet, Donald Trump a évoqué lors de son débat présidentiel face à Kamala Harris, la volonté de vouloir développer les énergies solaires pour renforcer l’industrie américaine. 

Harris : un nouvel espoir…

Kamala Harris, nouvelle candidate à la présidentielle avec l’échec lamentable de Joe Biden et son retrait forcé, s’inscrit dans la continuité de ce dernier en matière écologique. Elle s’appuie notamment sur la loi “Inflation Reduction Act qui tend à réduire de près de 40% les émissions de carbone d’ici 2040.) Elle reste attachée aux énergies renouvelables telles que l’éolien et l’énergie hydraulique auxquelles elle fonde des espoirs sincères. 

et un programme écologique ambiguë

Kamala Harris est une grande défenseuse du “Green New Deal”. A l’instar du pacte vert européen, chargé de stabiliser la croissance économique européenne en la dotant d’une industrie compétitive sans émission de gaz à effet de serre, cet accord a pour but de réduire les émissions américaines d’ici 2050. Sa volonté d’offrir à l’Amérique une énergie de plus en plus décarbonée, offre un espoir nouveau dans la lutte contre la décarbonation de nos énergies. 

Toutefois, compte tenu sa position en dent de scie face à une élection américaine de plus en plus indécise, elle se dit favorable à l’augmentation de la production de pétrole américain. Elle est revenue sur sa position concernant le “fraking”, une technique de fracturation hydraulique permettant de récolter des ressources en profondeur. Elle se dit optimiste dans la prolifération des usines automobiles américaines en encourageant la création de nouvelles usines de voitures à essence dans le pays.

L’écologie et la politique : Jill Stein (parti vert)

Cette ancienne médecin diplômée d’Harvard s’est lancé l’ambitieux projet de mettre en corrélation l’écologie et la santé lors de sa campagne pour l’élection américaine. Cette militante du climat s’est notamment illustrée en luttant contre la prolifération des centrales à charbon dans son pays. Bien qu’elle n’ait aucune chance de remporter l’élection, ses idées, soudées autour d’une Amérique compétitive et respectueuse de l’environnement, montrent que certains Américains ne sont pas insensibles aux enjeux climatiques à venir. 

La Mongolie: Quand Attila passe l’herbe trépasse

La Mongolie: Quand Attila passe l’herbe trépasse

Selon le Monde depuis le début de l’hiver 2023-2024 les éleveurs mongoles font face à un hiver très rude avec des températures se rapprochant de -50°.Entre 3 et 6 millions de bêtes n’ont pas passé l’hiver, certaines familles ont perdu l’intégralité de leurs troupeaux. Les éleveurs nomment ce phénomène, de plus en plus fréquent, le dzud (désastre en Mongole).

Des phénomènes météorologiques de plus en plus extrêmes

Les éleveurs nomades Mongoles ont toujours dû faire face à des conditions de vie difficile, or depuis quelques années les températures moyennes annuelles ont augmenté de 2° et les précipitations sont plus courtes et plus intenses selon l’OMM. De plus en 80 ans les cheptels Mongols ont doublé ne permettant pas avec ces températures extrêmes, oscillant entre 40° l’été à -40° l’hiver, de renouveler les pâturages accentuant dans le sud du pays une désertification intense.

Un exode rural massif

Face à ces difficultés de nombreux éleveurs nomades décident de quitter leur mode de vie traditionnel afin de se rendre en ville pour une meilleure vie. Chaque année environ 20 000 personnes partent des steppes vers la capitale Oulan Bator. Aujourd’hui la capitale Mongole compte 1,5 millions d’habitants pour un pays d’environ 3,3 millions d’habitants. Le gouvernement est dépassé, la ville déborde et les nomades s’entassent avec leurs yourtes dans des bidonvilles. Entre 2017 et 2020 le Grand Khoural d’Etat (parlement) à interdit l’immigration interne au sein du pays.

Une capitale qui étouffe

Les migrants nomades venus à Oulan Bator ont apporté avec eux leurs yourtes dans lesquelles ils vivent. Ces habitats traditionnels ne sont pas des mieux isolés et pour faire face aux grands froids les Mongols y installent des poils à charbons pour se réchauffer. Or à Oulan Bator ce regroupement massif de yourtes entraîne l’hiver une pollution atmosphérique gigantesque faisant d’elle la seconde ville la plus polluée au monde, avec des seuils de pollution 14x plus élevés que les seuils recommandés par l’OMS.

Un équilibre difficile entre économie et environnement

Alors que l’on pensait que la Mongolie, jouissant d’importantes réserves minières, allait suivre un développement similaire à celui des quatres dragons asiatiques, celle-ci n’a jamais réussi à se hisser et stagne toujours avec un PIB par habitant de 5000 dollars par an. Son enclavement entre la Chine et la Russie a rendu le pays dépendant de ses voisins. L’exploitation des mines par des entreprises Russes et Chinoises entraîne beaucoup de pollution dans les cours d’eau devenant de plus en plus rare. De ce fait le gouvernement Mongole recherche un 3ème partenaire qui pourrait avoir les capacités de limiter son impact écologique sur le pays.

Le cas de la Mongolie est révélateur de la crise environnementale, la hausse des températures et les phénomènes météorologiques de plus en plus extrêmes entraînent de nombreux habitants à fuir leurs lieux de vie vers un autre entraînant une hausse de la pollution notamment à Oulan Bator. C’est le serpent qui se mord la queue. Les pays en développement sont en première ligne du dérèglement climatique, ce sont des peuples, leurs modes de vie et leurs cultures qui sont en danger.

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Sortie de l’Union Européenne du traité sur la Charte de l’énergie

C’est une petite victoire qui a été offerte à l’environnement le mercredi 24 avril. En effet, les eurodéputés ont approuvé le retrait coordonné de l’Union européenne du traité international sur la charte de l’énergie (TCE), un traité dont la France n’était déjà plus membre depuis le 8 décembre 2023.

Mais c’est quoi le TCE ?

Le TCE est un accord international signé en 1994 et qui vise à promouvoir la coopération entre pays, protéger les investissements dans le domaine de l’énergie, mais qui vise également à régler les différends. Initialement, il devait donc permettre une coopération énergétique facilitée entre les pays d’Europe de l’Est et d’ex-URSS. Avant le vote du 24 avril, ce traité réunissait l’UE et 50 autres Etats.

Mais ce qui est le plus important concernant ce traité et qui a poussé ce retrait de l’UE, ce sont ses nombreuses dispositions permettant la protection des investissements et les mesures de règlement des contentieux qui permettent par exemple à des entreprises s’estimant lésées d’obtenir un règlement devant un tribunal international privé. Cela permet donc de protéger les investisseurs en cas de changement législatif concernant l’énergie. 

Le début des problèmes…

Eh bien oui, en accordant une protection juridique aux industriels de l’énergie fossile, cela leur permet de réclamer toute sorte de dédommagements financiers face à des Etats qui auraient eu la terrible audace de s’adonner à des politiques en faveur du climat et de l’environnement qui contraignent donc de facto ces entreprises fossiles. Cet outil est même tellement puissant qu’il suffit parfois aux entreprises de menacer d’employer le recours à l’arbitrage international pour faire plier les gouvernements. La chercheuse Yamina Saheb qui a travaillé pour le secrétariat du traité a dénoncé l’impact négatif de celui-ci sur la marge de manoeuvre des Etats dans leur action en faveur de l’environnement : « Si vous changez une virgule dans une loi, et que cela peut affecter un investisseur dans l’énergie, l’entreprise privée peut réclamer des milliards de l’Etat. Or la décarbonation oblige à changer beaucoup de textes. »

Les Etats ayant un semblant d’ambition en faveur du climat sont donc limités par les entreprises privées qui peuvent réclamer des milliards s’ils estiment qu’une politique publique pourra affecter leur rentabilité. 

Plusieurs exemples d’abus :

Cette clause d’arbitrage du traité a donc amené à des nombreux cas absurdes de poursuites d’Etats ayant défavorisé des entreprises fossiles et en voici une liste non exhaustive :

  • Condamnation de l’Italie à verser une compensation d’environ 200 millions d’euros à la compagnie pétrolière britannique Rockhopper pour un refus de permis de forage offshore.
  • Multiples condamnations de l’Espagne qui a par exemple dû verser 290 millions à la compagnie américaine NextEra Energy ou bien 32 millions à l’entreprise Renergy
  • L’UE attaquée pour sa taxation des superprofits de l’énergie.
  • Les Pays-Bas ont été attaqués pour avoir annoncé leur sortie du charbon en 2030 par les compagnies allemandes RWE et Uniper. Malgré l’arrêt des poursuites, la procédure judiciaire a coûté plus de 5 millions de frais d’arbitrage selon l’ONG Somo.
  • L’affaire Ioukos avec la Russie condamnée à verser 50 milliards même si la décision de justice a finalement été annulée en 2021 par un tribunal néerlandais.
  • La France poursuivie pour la première fois dans le cadre du TCE par Encavis AG ou bien les pressions de la part du pétrolier Canadien Vermilion lors de l’élaboration de la loi Hulot sur la fin de l’exploitation des hydrocarbures en France qui ont débouché sur une loi moins ambitieuse.

L’ensemble de ces exemples montrent à quel point le TCE n’était absolument pas en accord avec notre temps concernant les engagements internationaux climatiques en favorisant les intérêts privés dans le domaine fossile au travers d’un abus délibéré de la clause d’arbitrage. Le TCE est par ailleurs l’accord sur le commerce et l’investissement qui aurait déclenché le plus de poursuites entre les Etats et les investisseurs devant un tribunal d’arbitrage avec plus de 150 plaintes au titre du traité, touchant majoritairement les Etats d’Europe occidentale concernés dans 98 de ces plaintes.

Les tentatives de réforme

C’est donc pour l’ensemble de ces raisons que les Etats ont cherché à réformer ce traité à partir de 2017 en tentant par exemple d’ajouter l’exclusion de la protection des investissements dans les énergies fossiles sur les territoires des parties contractantes qui le souhaitent ou la réaffirmation du droit des États signataires à mettre en place des mesures législatives selon leurs objectifs de politiques publiques. Mais ces négociations terminées en 2022 n’ont pas abouti à quelque chose de véritablement intéressant pour justifier un non retrait du traité.

Un rapport du Haut Conseil sur le climat (HCC) qui est un organisme indépendant placé auprès du Premier ministre avait par ailleurs souligné le fait que « le TCE, y compris dans une forme modernisée, n’est pas compatible avec le rythme de décarbonation du secteur de l’énergie et l’intensité des efforts de réduction d’émissions nécessaires pour le secteur à l’horizon 2030 » et a ajouté que les risques de contentieux permis par le mécanisme de règlement des différends du TCE ne pouvaient que entraver les Etats cherchant à mettre en place des politiques de décarbonation.

Pour en finir avec le TCE

C’est donc une excellente nouvelle de voir un retrait groupé de l’UE de ce traité liberticide et favorisant les intérêts des entreprises fossiles.

Mais tout n’est pas encore gagné car l’article 47-3 du TCE prévoit une «clause de survie» qui permet de continuer la protection des investissements fossiles 20 ans après le retrait d’un pays signataire, il va donc falloir encore attendre encore un peu pour être libérés des menaces des industriels du fossile, l’Italie ayant justement été condamnée alors qu’elle avait quitté le traité plusieurs années auparavant. Cependant, le député européen Renew Christophe Grudler affirme que cette sortie du traité peut contribuer à dissuader les poursuites au sein de l’UE, à voir… 

En tout cas, ce mouvement est à imiter sur d’autres traités aux conséquences tragiques avec par exemple le CETA au hasard  ; ) 

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Le Sahel Sous l’Étau d’une Vague de chaleur mortelle

CLIMAT

Une récente étude du réseau World Weather Attribution (WWA) a révélé que la vague de chaleur meurtrière qui a frappé le Sahel début avril est directement liée au changement climatique d’origine humaine. Du 1er au 5 avril 2024, le Mali et le Burkina Faso ont été témoins d’une vague de chaleur sans précédent, avec des températures dépassant les 45 °C, provoquant un nombre considérable de décès dans ces régions.

Les scientifiques du WWA ont déterminé que des températures aussi extrêmes auraient été impossibles sans un réchauffement global de 1,2 °C, principalement causé par l’activité humaine, notamment la combustion d’énergies fossiles. De plus, ils ont souligné que ce type d’événement ne se produit en principe qu’une fois tous les 200 ans, soulignant l’exceptionnalité de cette vague de chaleur.

Si les émissions de gaz à effet de serre continuent au rythme actuel, cette étude prédit que de telles vagues de chaleur pourraient devenir jusqu’à 10 fois plus fréquentes dans un futur où le réchauffement atteindrait 2 °C. Cette perspective inquiétante soulève des préoccupations majeures quant à l’adaptation des populations à ces conditions climatiques extrêmes.

L’impact de cette vague de chaleur a été dévastateur, avec une augmentation significative des décès et des hospitalisations enregistrés. Bien que les habitants du Mali et du Burkina Faso soient habitués à des températures élevées, la durée et l’intensité de cet événement ont dépassé les normes habituelles, mettant en lumière les vulnérabilités croissantes face aux changements climatiques.

Des facteurs tels que les coupures de courant on exacerbés les conséquences de cette chaleur, qui ont limité l’accès aux dispositifs de refroidissement et affecté les services de santé. Au Mali, où les coupures de courant sont fréquentes en raison de problèmes d’infrastructures et de gestion énergétique, la situation a été particulièrement critique.

En outre, cette vague de chaleur est survenue à un moment sensible, pendant le jeûne du Ramadan, rendant les conditions encore plus difficiles pour de nombreuses personnes. Ce phénomène a particulièrement touché les personnes âgées et les jeunes enfants. Ceci souligne encore une fois que les vagues de chaleur sont parmi les catastrophes naturelles les plus meurtrières et qu’elles exacerbent les inégalités existantes.

Il est impératif que des mesures urgentes soient prises pour atténuer ses effets et renforcer la résilience des communautés vulnérables. Cela nécessite des actions concertées à l’échelle mondiale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et s’adapter aux réalités d’un climat en évolution rapide.

Sources:
https://www.ouest-france.fr/environnement/rechauffement-climatique/la-vague-de-chaleur-meurtriere-au-sahel-est-d-origine-humaine-selon-les-scientifiques-e72e066e-fd73-11ee-9b3d-44ca7a681769

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Our Ocean, un coup de nageoire en eau trouble

La Grèce pourrait bien être le premier pays Européen à interdire la pêche au chalutage. Pendant ce temps, la France continue à noyer le poisson ! On vous explique :

La semaine dernière s’est tenue pour la 9e fois, la conférence Our Ocean (Notre Océan en bon français), à Athènes en Grèce. L’océan représentant 50% de l’apport en oxygène de la planète, il devient un enjeu majeur des années à venir. Cet événement permet de rassembler des représentants d’états, des ONG mais aussi des acteurs de l’industrie maritime autour de notions comme les zones marines protégées, la pollution marine, la pêche durable ou plus généralement, le changement climatique.

Une nouvelle a particulièrement retenu l’attention. La Grèce, le pays organisateur, a annoncé vouloir interdire d’ici 2 ans la pêche au chalutage à l’intérieur de ses zones protégées (30% de la superficie des eaux grecques). La pêche au chalut, c’est une industrie qui utilise d’énormes engins dont les filets ratissent les fonds marins jusqu’à 15 mètres de profondeur. En plus d’être un réel désastre environnemental, ces gros bâteaux de pêches relâcheraient chaque année plus de 370 millions de tonnes de CO2 dans l’atmosphère.

Bien que rien n’oblige réellement la Grèce à mener son projet jusqu’au bout, nous pouvons espérer que cette décision incite les autres pays européens, et notamment de la France, à amorcer des politiques en faveur de la préservation de l’océan mais surtout de nos zones marines dites “protégées”.

Si plus de 30% de notre surface maritime est couverte par des zones protégées, seules 4% le sont strictement. Lorsque l’on se rappelle que nous sommes la seconde puissance maritime mondiale, il y a de quoi s’inquiéter. Et le pire dans tout ça, c’est que les chaluts sont dans nos aires protégées et aux yeux du gouvernement, comme des poissons dans l’eau. Le secrétaire d’Etat chargé de la mer et de la biodiversité Hervé Berville avait lui-même annoncé en 2023 être contre l’interdiction du chalutage, sous peine de mettre en péril notre souveraineté alimentaire.

A l’aube de la 3e conférence sur l’Océan des Nations Unies qui aura lieu à Nice en juin 2025, ne serait-il pas temps d’entamer une pêche plus raisonnée et durable ?