La Mongolie: Quand Attila passe l’herbe trépasse

La Mongolie: Quand Attila passe l’herbe trépasse

Selon le Monde depuis le début de l’hiver 2023-2024 les éleveurs mongoles font face à un hiver très rude avec des températures se rapprochant de -50°.Entre 3 et 6 millions de bêtes n’ont pas passé l’hiver, certaines familles ont perdu l’intégralité de leurs troupeaux. Les éleveurs nomment ce phénomène, de plus en plus fréquent, le dzud (désastre en Mongole).

Des phénomènes météorologiques de plus en plus extrêmes

Les éleveurs nomades Mongoles ont toujours dû faire face à des conditions de vie difficile, or depuis quelques années les températures moyennes annuelles ont augmenté de 2° et les précipitations sont plus courtes et plus intenses selon l’OMM. De plus en 80 ans les cheptels Mongols ont doublé ne permettant pas avec ces températures extrêmes, oscillant entre 40° l’été à -40° l’hiver, de renouveler les pâturages accentuant dans le sud du pays une désertification intense.

Un exode rural massif

Face à ces difficultés de nombreux éleveurs nomades décident de quitter leur mode de vie traditionnel afin de se rendre en ville pour une meilleure vie. Chaque année environ 20 000 personnes partent des steppes vers la capitale Oulan Bator. Aujourd’hui la capitale Mongole compte 1,5 millions d’habitants pour un pays d’environ 3,3 millions d’habitants. Le gouvernement est dépassé, la ville déborde et les nomades s’entassent avec leurs yourtes dans des bidonvilles. Entre 2017 et 2020 le Grand Khoural d’Etat (parlement) à interdit l’immigration interne au sein du pays.

Une capitale qui étouffe

Les migrants nomades venus à Oulan Bator ont apporté avec eux leurs yourtes dans lesquelles ils vivent. Ces habitats traditionnels ne sont pas des mieux isolés et pour faire face aux grands froids les Mongols y installent des poils à charbons pour se réchauffer. Or à Oulan Bator ce regroupement massif de yourtes entraîne l’hiver une pollution atmosphérique gigantesque faisant d’elle la seconde ville la plus polluée au monde, avec des seuils de pollution 14x plus élevés que les seuils recommandés par l’OMS.

Un équilibre difficile entre économie et environnement

Alors que l’on pensait que la Mongolie, jouissant d’importantes réserves minières, allait suivre un développement similaire à celui des quatres dragons asiatiques, celle-ci n’a jamais réussi à se hisser et stagne toujours avec un PIB par habitant de 5000 dollars par an. Son enclavement entre la Chine et la Russie a rendu le pays dépendant de ses voisins. L’exploitation des mines par des entreprises Russes et Chinoises entraîne beaucoup de pollution dans les cours d’eau devenant de plus en plus rare. De ce fait le gouvernement Mongole recherche un 3ème partenaire qui pourrait avoir les capacités de limiter son impact écologique sur le pays.

Le cas de la Mongolie est révélateur de la crise environnementale, la hausse des températures et les phénomènes météorologiques de plus en plus extrêmes entraînent de nombreux habitants à fuir leurs lieux de vie vers un autre entraînant une hausse de la pollution notamment à Oulan Bator. C’est le serpent qui se mord la queue. Les pays en développement sont en première ligne du dérèglement climatique, ce sont des peuples, leurs modes de vie et leurs cultures qui sont en danger.

melange

Loi Fast Fashion : de la poudre de perlimpinpin

Mode jetable, la faible victoire 

Jeudi 14 mars, l’Assemblée Nationale a pris des mesures pour pénaliser la Fast Fashion. Sauf que tout ça n’est qu’un nuage de fumée. De la poudre de perlimpinpin. Ecolucide vous explique pourquoi . A première vue, cette loi est une excellente nouvelle : la France devient le premier pays à prendre des mesures contre ce qu’on appelle la « fast fashion ». Réjouissant. Cocorico ! Mais ne sommes nous pas juste en train de crier victoire sur un tas de fumier ?  Arrêtons toute hypocrisie et faux semblant : cette loi ne changera rien. Ecolucide rabat joie ? Peut être, mais avant de nous traiter de vieux réac, examinons cette loi. Que nous dit elle ?

 

Des critères très flous pour définir la fast fashion 

La proposition de loi définit la « fast fashion » avec des critères fondés sur les volumes produits et la vitesse de renouvellement. Sauf… que la loi ne définit rien, pas de seuil de référence (censé être fixé par décret),  ce qui rend le texte plus fragile en cas de recours. A priori, ce sont les enseignes proposant plus de 1000 références par jour qui seront visées, une enseigne comme Shein en propose plus de 7000 quotidiennement. A côté de ça, Zara joue dans la petite catégorie : 7000 nouveaux produits… par an. C’est dire qu’une loi était plus qu’urgente face à une telle aberration. 

 

Cependant 

Et bien oui cependant : car si on se penche sur le contenu de cette loi, c’est encore bien trop bon pour ce que nous coûte écologiquement toute cette camelote. La loi ne fixe pas le montant précis de pénalité par article vendu. Tout au plus prévoit t elle d’être progressive, avec une pénalité maximale de 10 euros par article en 2030. De quoi fortement limiter l’attractivité de ce magnifique t-shirt.  Les montants de ces pénalités seraient reversées aux enseignes durables (mais lesquelles ?) 

 

Blague à part 

Toute mesure qui peut mettre un frein à cette folie consumériste est en soi une bonne chose. Par ailleurs, la loi prévoit l’interdiction de contenu publicitaire lié aux « collections et accessoires à renouvellement très rapides ». Et il faut avouer qu’il ne serait pas déplaisant de voir un débouché supplémentaire se fermer pour nos influenceurs gavés d’or et de cheikhs cadeau. Néanmoins, en admettant que Shein ou que Temu ne vendent plus que 999 nouveaux articles chaque jour, croit on que tout s’arrangera par miracle ? Que les petits esclaves chinois seront soudain libérés ? Que l’industrie textile française rayonnera de nouveau ? 

 

In fine 

Pimkie, Camaïeu, San Marina, Kookaï, Kaporal…, les Français tombent au champ d’honneur.  Tandis qu’ici et d’ailleurs, Zara, H&M, Uniqlo ou Primark triomphent, l’on s’y rue frénétiquement et l’on se rachète une bonne conscience en achetant de temps en temps sur Vinted. Se contenter de cette loi, c’est croire qu’une chiquenaude renversera les montagnes. Alors à nous, à vous nos chères écolucioles, de proposer une véritable sortie à cette impasse. Sans quoi le coq chantera effectivement sur son tas de fumier. 

Sources 

https://rmc.bfmtv.com/actualites/economie/loi-sur-la-fast-fashion-les-consommateurs-seront-les-premiers-impactes-previent-shein-france_AV-202403140325.html

https://www.presse-citron.net/plus-fort-que-zara-et-hm-4-chiffres-fous-sur-shein/

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/2129/CION-DVP/CD54.pdf

https://www.lefigaro.fr/conso/shein-temu-des-mesures-pour-penaliser-la-fast-fashion-adoptees-par-l-assemblee-20240314

 
EP Plenary session - Formal sitting with William RUTO, President of the Republic of Kenya

Accord UE, Chili, Kenya

Accord UE, Chili, Kenya, cessez le (libre) échangisme

En dépit de la crise agricole qui sévit en France et dans plusieurs pays européens, le Parlement européen a ratifié deux accords de libre-échange avec le Chili et le Kenya le 29 février en attente de la réponse du Conseil de l’Union Européenne. Ces accords, bien que favorables au commerce, soulèvent des préoccupations écologiques majeures et exacerbent les tensions socio-économiques déjà existantes.

Le premier accord concerne le partenariat économique entre l’UE et le Kenya. Il prévoit la suppression des droits de douane pour les produits kényans entrant sur le marché européen, tout en exigeant une ouverture progressive du marché kényan aux importations européennes. Cette libéralisation accrue des échanges commerciaux risque non seulement d’accroître le trafic maritime et les émissions de CO2, mais également de compromettre la sécurité alimentaire du Kenya en favorisant l’importation de produits laitiers bon marché, mettant ainsi en péril les moyens de subsistance des agriculteurs locaux.

De même, l’accord-cadre avec le Chili, approuvé par une majorité de députés européens, entraînera la suppression de la plupart des droits de douane sur les exportations de l’UE vers le Chili, notamment sur des produits agricoles. Cependant, cela pourrait accentuer la crise agricole en France en exposant les agriculteurs européens à une concurrence déloyale et à des normes de production moins strictes. D’un autre côté, cet accord permet l’importation de lithium et de cuivre dont l’extraction, bien que polluante, est essentielle à la transition énergétique. 

 

Il est paradoxal que ces accords soient soutenus alors même que le gouvernement français s’oppose à un accord similaire avec le Mercosur, arguant des préoccupations environnementales et de la protection des agriculteurs. Cette incohérence souligne les tensions entre les priorités économiques et environnementales au sein de l’UE. Bien que d’un point de vue commercial, ces accords nous connectent plus à d’autres pays, elle met à risque l’indépendance européenne que l’UE dit vouloir atteindre. En effet, cela ne rime à rien de faire des accords de libre-échange avec des pays si lointains géographiquement alors que ceux-ci sont supposés nous souder dans notre continent.

Il est urgent que l’UE reconsidère sa politique commerciale et accorde une plus grande importance à la justice sociale et à la préservation de l’environnement. L’approbation de ces accords de libre-échange en pleine crise agricole et climatique témoigne d’une approche à courte vue qui met en péril les intérêts à long terme des citoyens européens et de la planète dans son ensemble.

 

sources:

https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/libre-echange-le-parlement-europeen-approuve-les-accords-commerciaux-avec-le-kenya-et-le-chili/

https://www.greenpeace.fr/espace-presse/accords-de-libre-echange-et-mercosur-lhypocrisie-du-parti-demmanuel-macron-en-pleine-crise-agricole/

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De l’air pur à l’air taxé : comprendre la taxe carbone

« Une taxe ? Encore un obscur impôt pour renflouer les caisses de l’État ? Mouais à d’autre… »

Non, aujourd’hui, j’aimerais parler d’un outil au service de l’écologie qui gagne progressivement du terrain en Europe et qui pourrait réellement changer la donne !

La taxe carbone est un outil de gouvernance économique visant à intégrer les conséquences environnementales de nos activités industrielles. Son principe est assez simple en apparence : établir un prix pour chaque tonne de carbone émise, avec obligation pour l’émetteur de verser cette somme à l’État, ce qui se répercute ensuite sur le prix des produits et services commercialisés.

Dans une société où nous prenons désormais conscience que l’inaction face au changement climatique coûte bien plus cher que les investissements dans la transition écologique [1], l’introduction d’une telle taxe permet de réduire l’utilisation de produits ayant des conséquences néfastes pour l’environnement.

Cette taxe existe déjà dans la plupart des pays. C’est ce qu’on appelle une taxe pigouvienne, un mécanisme similaire à celui utilisé actuellement avec la cigarette, par exemple. L’efficacité de cet outil est largement soutenue, notamment par le Groupe 3 du GIEC, comme en témoigne leur dernier rapport [2], qui souligne son rôle crucial dans la réduction de nos émissions. Plusieurs organismes tels que l’ADEME [3] proposent des trajectoires de prix du carbone.

« Eh, mais attends, ça me dit quelque chose cette histoire de taxe… Ah oui les gilets jaunes, c’était pour ça ! Ouais ben franchement non merci… »

En effet, la taxe carbone est une taxe dégressive, elle affecte proportionnellement plus lourdement les ménages à faibles revenus que les plus aisés. Cette réalité a été l’une des causes de l’injustice sociale qui a alimenté la crise des gilets jaunes lorsque la France a tenté d’augmenter la taxe carbone. Mais pas de panique, il existe des solutions pour rendre cette taxe équitable.

Aujourd’hui, la tarification carbone est intégrée au budget général de l’État. Cela peut susciter des interrogations quant à l’affectation des recettes et faire passer l’écologie pour prétexte de l’État afin de s’enrichir.

La question de la justice sociale est étroitement liée à cet aspect de la taxe. La principale mesure pour aborder cet enjeu majeur est la redistribution des recettes.

Les deux stratégies les plus populaires sont les suivantes :

  1. L’allocation ciblée
  2. Le revenu climatique universel

L’allocation ciblée consiste à cibler spécifiquement les personnes bénéficiaires.

Bien qu’elle soit efficace, sa mise en place est complexe en raison du problème du non-recours [4] : certaines personnes éligibles pourraient ne pas effectuer les démarches nécessaires, maintenant ainsi les inégalités.

Cet aspect rend la deuxième mesure plus populaire.

Le revenu climatique universel consiste à redistribuer les recettes de la taxe équitablement entre chaque citoyen.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette mesure n’atténue pas l’incitation positive de la taxe carbone. Elle favorise la consommation écoresponsable tout en compensant les pertes subies par les ménages les moins aisés, contribuant ainsi à réduire les inégalités tout en encourageant la transition écologique.

Les termes « quota carbone » et « taxe carbone » sont souvent mentionnés de paire. Pourquoi ces deux approches de gouvernance ? En réalité, elles sont complémentaires et représentent deux aspects d’une même idée.

La taxe carbone implique que l’État fixe un prix pour les émissions de carbone, qu’il peut ajuster en fonction de la conjoncture économique. Elle s’applique à tous les acteurs économiques.

Pour les quotas carbone (ETS), les entreprises reçoivent un droit d’émettre une certaine quantité de carbone. Si une entreprise dépasse ses quotas, elle doit en acheter des supplémentaires sur le marché, à un prix fixé par l’Europe.

En fait, la taxe carbone et les ETS ne s’appliquent pas aux mêmes secteurs. Les quotas carbone sont destinés aux sites industriels (tels que les raffineries, les centrales, etc) qui ont une puissance supérieure à 20 MW. Les secteurs du transport, de l’agriculture et du bâtiment sont exclus du système de quotas. Le montant des ETS est fixé au niveau européen. En ce qui concerne la taxe carbone, elle cible exclusivement la consommation d’énergie fossile et est imputée lors de l’achat de ces ressources. Elle couvre donc théoriquement 2/3 des émissions humaines. Le montant de la taxe carbone est fixé au niveau national.

Les quotas carbone et la taxe carbone ont le même objectif : réduire les émissions de gaz à effet de serre. Alors, pourquoi utiliser ces deux outils plutôt qu’un seul ?

D’abord, car les quotas carbone découlent d’une logique difficile à appliquer aux particuliers.

Il serait par exemple compliqué de gérer un système de rechargement de carte de débit carbone.

Ensuite, leur utilisation est souvent influencée par des considérations politiques. Si l’on caricature, les partis de droite préféreront un marché du carbone, alors que les partis de gauche privilégieront généralement le principe de la taxe.

Malgré ses nombreux aspects bénéfiques pour l’environnement, la tarification carbone n’est pas une solution miracle, elle comporte des limites théoriques : Le signal prix ne résout pas toutes nos mauvaises habitudes de consommations. C’est une politique universelle qui doit être modifiée selon ses contextes d’application. La tarification carbone incite davantage à l’optimisation d’un système plus qu’à sa transformation totale [5]. Elle est difficile à mettre en place dans un contexte économique concurrentiel comme celui de nos sociétés capitalistes. Mais aussi des limites dans sa mise en application :

L’Europe distribue massivement des quotas carbone gratuit pour éviter le phénomène de « Carbon leakage » (fuite de carbone) : c’est-à-dire une délocalisation des entreprises pour maintenir un avantage compétitif. Heureusement, le MACF (taxe frontalière), prévu pour 2026, vise à résoudre ce problème majeur. Enfin, pour mesurer l’impact réel d’une tarification carbone il faut également comptabiliser les subventions accordées aux énergies fossiles par les différents États (voir la section suivante).

Aujourd’hui, les politiques de fiscalité vertes de la France sont en retard par rapport à d’autres pays européens.

  • En France :
    • Prix de la tonne de CO2 : 45 €
    • ETS : 92 € Subvention énergies fossiles : 3,4 Mds €
    • Tarification carbone x Périmètre couvert – Subvention énergies fossiles [6] : environ 10 €
  • En Europe :
    • Prix de la tonne moyen : 87 €
    • Pourcentage d’émissions couvertes : 38 %

Paradoxalement, malgré les nombreux avantages qu’elle présente : incitation positive à la préservation du climat, valeur tutélaire pour la prise de décisions, ou encore le financement de la transition écologique, la taxe carbone reste curieusement peu abordée et relayée dans les sphères militantes écologistes ainsi que dans le débat public. Pourtant, il est plus que jamais essentiel de se conformer aux trajectoires de prix préconisées par de nombreux économistes. L’intégration du coût du carbone dans nos activités économiques est à notre portée et pourrait véritablement changer la donne dans la crise que nous traversons.

[1] Climat : l’inaction coûte plus cher que des mesures fortes, Les Echos, 30/03/21

[2] Rapport du GIEC 2022, chapitre 18

[3] Avis de l’ADEME – La Contribution Climat Solidarité – Avril 2019

[4] Les effets redistributifs de la fiscalité carbone en France, Douenne, 2018

[5] Rosenbloom, D., Markard, J., Geels, F. W., & Fuenfschilling, L. (2020). Why carbon pricing is not sufficient to mitigate climate change—and how “sustainability transition policy” can help.

[6] FossilFuelSubsidyTracker.org

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Je vous présente les récents travaux du Shift à propos de la santé

Le 18 avril 2023, le Shift Project, l’association présidée par Jean Marc Jancovici, a présenté ses travaux inédits concernant le domaine de la santé. Ce rapport de 2023 est la deuxième édition et s’inscrit dans le Plan de transformation de l’économie française (PTEF).

Un secteur indispensable

Quand on discute écologie, on ne pense pas tout de suite au domaine sanitaire. On parle de nos modes de déplacement, de notre agriculture ou bien encore de l’isolation de nos bâtiments. La santé est pour ainsi dire invisible : comment prendre un doliprane pourrait-il être polluant ? Pourtant, ce secteur est loin d’être négligeable. Selon les récents travaux du Shift, la part de la santé dans l’empreinte carbone de la France serait de 8%.

Plusieurs secteurs composent la santé :

  • Les établissements hospitaliers

  • La médecine de ville

  • Les services et établissements pour personnes âgées

  • Les services et établissements pour enfants et adultes handicapés

  • L’administration publique et les complémentaires santé

Ces secteurs emploient 9% de la population française active et sont plus ou moins émetteurs en gaz à effets de serre (GES). A part l’administration publique et les complémentaires santé, les autres secteurs ont tous une contribution significative ; tous gravitent autour de 20%.

87% d’émissions indirectes

Non Célestin, ça ne veut pas dire que ce sont des émissions rediffusées, mais que ce n’est pas le secteur en lui-même qui émet des GES. Par exemple, les émissions liées aux déplacements de particuliers, c’est indirect. Tout comme la production de médicaments et leur acheminement. C’est peut-être pour cette raison que l’enjeu environnemental autour de la santé est souvent occulté.

Une des conclusions les plus intéressantes est à nos yeux l’identification des principales clés de décarbonation. Selon le Shift, la moitié des émissions liées à la santé provient des achats de médicaments et de dispositifs médicaux (DM ; ex : seringues, masques, IRM…).

Et s’il existe en effet un lien de corrélation positive entre les émissions de GES et la qualité du système de santé, de nombreux gaspillages d’énergie sont à déplorer. Chez chacun d’entre nous, la boite à pharmacie est remplie de médicaments prescrits qui ne seront jamais utilisés, du moins en entier. Moins polluer ne veut donc pas forcément dire moins bien soigner.

Que faire alors ?

Dit simplement, aujourd’hui se soigner, c’est polluer. Il faut donc diminuer les émissions de GES en diminuant la quantité de soins et en les rendant tout simplement moins émetteurs. Le Shift a proposé une projection de possibles réductions d’émissions de GES par secteur. Voici le scénario qu’ils présentent comme le plus atteignable :

Sur ce graphique, c'est le scénario de réduction du Facteur d'Emission (FE) de 60%. Plus il diminue, plus la réduction portée par la PPJS augmente.

Malgré les réductions portées par les mesures chiffrées et celles portées par les industriels, il resterait 9 mégatonnes de CO2 avant atteindre l’objectif de neutralité carbone fixé par les Accords de Paris et la SNBC (soit une baisse de 80% entre 2020 et 2050).

C’est là qu’intervient la PPJS (Prévention, promotion de la santé et juste soin). Derrière ces mots se trouve un changement de paradigme : passer du soin au prendre soin. Prévenir pollue moins que soigner. Cela passe aussi par une responsabilisation accrue des individus, c’est-à-dire pour chacun d’entre nous. Aux politiques également de mettre de la pression aux industries pharmaceutiques afin qu’elles proposent des produits qui ont peu émis de GES. Une tâche qui s’annonce très laborieuse…voire impossible.

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L’Europe peut-elle supporter un embargo sur le pétrole russe ?

La question de le dépendance énergétique est un sujet majeur en cette période de guerre. L’Union Européenne essaie tant bien que mal de se parer d’une pseudo indépendance énergétique. Du moins, elle serait capable d’atteindre ce niveau. Or, comme nous le rappelions dans un article précèdent, l’Europe est indéniablement dépendante de la Russie.

Dépendance énergétique russe en Europe par rapport à la consommation intérieure brute. Carte : Le Grand Continent.

Le « taux de dépendance »

Premièrement, il parait utile de rappeler le lien entre les importations et la consommation d’un pays. En outre, les pays qui apparaissent les plus dépendants sur la plupart des cartes partagées par les médias ne le sont pas toujours de la façon dont on l’entend. L’on parle souvent de la part des importations russes par rapport aux importations totales. L’on en voit bien vite la limite lorsque l’on étudie le cas de l’Estonie. Si ce pays importe 100% de gaz et de charbon russe, les importations de ces deux sources d’énergie ne représentent qu’1,7 % de leur Consommation Intérieure Brute (CIB). Si l’on prend seulement en compte les importations, on oublie qu’un pays peut aussi produire localement et par d’autres moyens sur lesquels la Russie a peu d’influence, tels que la plupart des énergies bas carbone. C’est d’ailleurs le cas en Estonie où la majorité de l’énergie produite par charbon provient d’entre ses frontières.

La réelle dépendance énergétique est donc mise à jour par la part des importations de sources d’énergie russes par rapport à la CIB laquelle est concrétisée par un certain « taux de dépendance » énergétique.

Le patrole en ligne de mire

Toujours est-il qu’après avoir déclenché un embargo sur le charbon russe le mois dernier – plutôt symbolique car peu d’États européens en dépendent fortement – Ursula von der Leyen cible maintenant le pétrole. Le 4 mai dernier, la présidente de la Commission européenne expliquait : « L’UE devrait renoncer aux livraisons de [pétrole] brut dans les six mois et de produits raffinés d’ici la fin de l’année ». Et d’ajouter une volonté de réduire « au minimum les dommages collatéraux pour nous et nos partenaires ».

Les conséquences pourraient effectivement être énormes dans certains pays de l’Union Européenne, qu’elles soient au niveau socio-économique ou géopolitique.

Une ligne rouge franchie

Viktor Orban, le premier ministre de la Hongrie, a déjà fait savoir que Bruxelles allait trop loin : « nous avons clairement signifié dès le début qu’il y avait une ligne rouge : l’embargo sur l’énergie. Ils ont franchi cette ligne (…), il y a un moment où il faut dire stop ». En outre, 14% de leur CIB provient du pétrole russe (le charbon ne représentait que 0,3%). La Hongrie craint alors que les difficultés s’accumulent, d’autant plus que l’embargo sur le pétrole ouvre la voie à celui sur le gaz, dont les membres européens dépendent encore plus.

« Lorsque nous imposons des sanctions, nous devons le faire de manière à maximiser la pression sur la Russie tout en minimisant les dommages collatéraux pour nous-mêmes. »

– Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne, au Times le 25 avril.

A court terme du moins, les 27 ne peuvent pas tous s’affranchir de l’or noir russe, ce qui met à mal la mise en place de l’embargo prévu par la Commission Européenne qui nécessite un accord unanime. Les États concernés cherchent donc à déroger à la règle, afin qu’ils ne bloquent pas la décision des membres les moins dépendants. Ainsi, la Hongrie menace d’utiliser son veto au cas où elle ne serait pas totalement exemptée. La Slovaquie (taux de dépendance : 16%) et la Bulgarie (14%) demandent, quant à elles, des dérogations moins radicales et d’autres États tels que la Grèce, Chypre et Malte, ont témoigné, lundi 9 mai, de la difficulté que pourrait représenter cette contre-attaque.

Le G7 gonfle les pecs

Au total, huit pays européens sont dépendant à plus de 10% du pétrole russe. Dans le même temps, Bruxelles assure faire en sorte que l’embargo soit progressif et adapté. Le 8 mai, les pays du G7 ont déjà fait savoir leur volonté d’arrêter progressivement d’importer du pétrole russe afin de « priver [Poutine] des revenus dont il a besoin pour financer sa guerre. » Néanmoins, ces pays membres, à savoir l’Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, la France, l’Italie, le Japon et le Royaume-Uni, sont peu dépendants (excepté l’Allemagne) du pétrole russe. Cette décision ressemble alors davantage à l’embargo européen concernant le charbon russe : elle est symbolique.

Mais les pays les plus dépendants peuvent-ils se le permettre ? L’UE trouvera-t-elle de nouveaux approvisionnements en énergie ? Comment va-t-elle se sortir de cette crise ?

L’OPEP + timide

La Russie fournit près de 25 % du pétrole consommé dans l’Union européenne. Le Venezuela, le Moyen-Orient, les Etats Unis ou même la Norvège auraient pu être des solutions, seulement pour des raisons logistiques, ils ne peuvent nous soulager de notre dépendance russe.

Que dit l’OPEP+ dans tout cela ? Le cartel amélioré (dont fait partie la Russie) se montre bien frileux : la guerre en Ukraine n’étant pas source d’inquiétude pour le marché, elle ne sera pas la solution. Elle promet seulement d’augmenter sa production de 432 000 barils par jour pour le mois de juin. Un geste bien léger, témoignant d’une épée de Damoclès russe qui pèse au-dessus de l’organisation régulatrice.

L'OPEP+ nait en 2016. Aux 14 membres de l'OPEP s'ajoute 10 exportateurs de pétrole dont la Russie est le plus important.

Lorsqu’on ne veut plus dépendre du pétrole russe, il existe une autre solution si simple qu’on l’oublierait presque : baisser sa consommation de pétrole. En outre, si l’UE consommait un quart moins de pétrole, nous n’aurions plus besoin de la Russie. Évidemment, si l’on demandait à gégène de se déplacer à l’usine en vélo, il nous répondrait surement « vous voulez pas plutôt que j’y aille à cloche pied avec un bouquet de fleurs dans le derche ? ». Et il toucherait un point sensible : certains – et par extension, certains États – sont plus en difficulté face au défi de la sobriété.

– 2,7 millions de barils par jour

L’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) a notamment publié un rapport de 21 pages expliquant par 10 actions comment réduire la consommation de pétrole en particulier dans les pays développés. A la suite du constat sur notre dépendance et sur les mauvais augures planant sur le marché pétrolier, l’agence préconise de diminuer la demande de pétrole par des « actions gouvernementales et citoyennes » et « de viser en priorité les populations les plus pauvres, ainsi que ceux dont l’activité économique dépend en partie de la voiture » afin de pouvoir les accompagner au mieux. Le secteur des transports étant essentiel pour le marché du pétrole, l’AEI s’est concentrée sur ce secteur. Parmi les 10 mesures, l’on retrouve, l’abaissement des limites de vitesse sur l’autoroute, l’augmentations des voitures électriques ainsi que l’utilisation des transports en commun. La sobriété se révèlerait-elle comme une arme géopolitique en plus d’être une arme écologique ?