Nusantara

L’intrigant projet Nusantara

Au cours de l’été, dans la ferveur des JO et dans l’attente désespérée d’un nouveau gouvernement, une nouvelle intrigante est quelque peu passée inaperçue. Le président indonésien a inauguré en grande pompe la nouvelle capitale Nusantara le 17 août dernier. D’après la communication du gouvernement cette ville moderne sera neutre en carbone à l’horizon 2045 et s’érigera comme un modèle d’urbanisme durable. Mais qu’en est-il en réalité ? Ecolucide a mené l’enquête pour vous.

 

La genèse ne fut qu’un ténébreux orage

 

Ce n’est pas commun de voir un pays annoncer la création d’une nouvelle capitale. L’ancienne capitale Jakarta, située sur l’île de Java, a connu un développement urbain très rapide dans les années 2010. Elle accueille près dix millions d’habitants à l’intérieur de ses limites administratives, un nombre qui triple lorsque l’on considère tous les habitants de l’aire urbaine.

La métropole javanaise est engorgée et très polluée, comme beaucoup de villes qui se sont développées rapidement. De plus, la demande accrue en eau nécessite un prélèvement massif dans les nappes phréatiques, l’imperméabilisation du sol complique l’infiltration et le ruissellement des eaux de pluies. Enfin, le poids des gratte-ciel accroît les charges pesant sur le sol de Jakarta. Du fait de tous ces facteurs, la ville s’enfonce environ de vingt-cinq centimètres par an. Si l’on combine cela avec la montée des eaux dûe au changement climatique, une partie de l’espace urbain se trouve désormais sous le niveau de la mer.

Un rapport de Greenpeace datant de 2021 mettait en garde contre des crues pouvant submerger Jakarta dès 2030. D’autres experts affirmaient quant à eux qu’un tiers de l’île abritant Jakarta serait submergée d’ici 2050.

Face à cet état de fait, le président indonésien Joko Widodo décide en 2019 de déplacer la capitale, suite à l’approbation du projet par 8 des 9 partis politiques siégeant au Conseil représentatif du peuple. C’est l’est de la partie indonésienne de l’île de Bornéo (Kalimantan) qui est retenue pour accueillir cette ville-nouvelle, notamment pour sa proximité avec le centre géographique de l’archipel. Le projet est alors évalué à 35 milliards de dollars américains, financé à 80 % par des investisseurs privés.

Le président met également en avant la volonté de réduire les inégalités territoriales du pays. En effet, l’île de Bornéo ne contribue qu’à 8% du PIB contre plus de 55% pour l’île de Java.

 

Il faut savoir que contrairement à l’île de Java, Bornéo est encore très vierge et relativement préservée des activités humaines. On y trouve encore une faune et flore sauvage luxuriante. Le gouvernement conscient de cette richesse et ayant à cœur (ou pas?) de ne pas répéter les mêmes erreurs qu’avec le développement de Jakarta. 

Le projet est ambitieux, il prévoit 70% d’espaces végétaux dans l’ensemble de l’aire urbaine pour un minimum de 50% dans les limites administratives. L’idée est de conserver au maximum la perméabilité des sols, en construisant la ville sous la forme d’un petit archipel. La part-belle est faite aux mobilités douces et les constructions sont annoncées comme étant écologiques. 

Pourtant différents spécialistes de l’urbanisme qui ont pu se rendre sur place relevaient que les maisons déjà debout “ne se présentent pas comme des modèles de maisons écologiques ». Ce qui est appuyé par une forte utilisation de béton, une faible ventilation naturelle et donc un fort recours à l’air conditionné. De plus, l’Indonésie est un des plus gros producteurs et utilisateurs de charbon, énergie fossile de loin la plus polluante. On peut donc raisonnablement supposer que l’impact environnemental lié à la construction est négligé dans les annonces de neutralité carbone.

 

Un projet ambitieux sur le papier 

Il faut savoir que contrairement à l’île de Java, Bornéo est encore très vierge et relativement préservée des activités humaines. On y trouve encore une faune et flore sauvage luxuriante. Le gouvernement conscient de cette richesse et ayant à cœur (ou pas?) de ne pas répéter les mêmes erreurs qu’avec le développement de Jakarta. 

Le projet est ambitieux, il prévoit 70% d’espaces végétaux dans l’ensemble de l’aire urbaine pour un minimum de 50% dans les limites administratives. L’idée est de conserver au maximum la perméabilité des sols, en construisant la ville sous la forme d’un petit archipel. La part-belle est faite aux mobilités douces et les constructions sont annoncées comme étant écologiques. 

Pourtant différents spécialistes de l’urbanisme qui ont pu se rendre sur place relevaient que les maisons déjà debout “ne se présentent pas comme des modèles de maisons écologiques ». Ce qui est appuyé par une forte utilisation de béton, une faible ventilation naturelle et donc un fort recours à l’air conditionné. De plus, l’Indonésie est un des plus gros producteurs et utilisateurs de charbon, énergie fossile de loin la plus polluante. On peut donc raisonnablement supposer que l’impact environnemental lié à la construction est négligé dans les annonces de neutralité carbone.

Carte du projet Nusantara

La forêt impactée 

L’ONG Forest Watch souligne qu’entre 2018 et 2021, ce sont près de 18 000 hectares de forêts primaires qui ont été déboisés. Toutefois près de 14 000, l’aurait été pour des projets de plantations de palmiers à huile (pour la fameuse huile de palme) et des concessions minières. Les “seulement” 4 000 ha restants permettent aux promoteurs du projet de se défendre de nuire à la forêt primaire. Cependant, comme nous l’indiquions dans le paragraphe précédent, l’ONG de défense de l’environnement fait valoir que le projet met en danger le fragile équilibre dans les écosystèmes qui jouxtent le chantier. De plus, une zone voisine de la ville n’est autre qu’une forêt protégée car elle abrite les derniers orang-outangs de Bornéo.

Un tas d’aménagement à prévoir

La ville étant sortie de terre au milieu de nulle part, de nombreux aménagements alentour sont à prévoir comme la construction d’autoroutes, d’aéroports et d’autres infrastructures qui ne sont pas automatiquement pris en compte dans les études d’impact. Ce sont notamment près de 1 663 hectares qui ont été déforestés ces 2 dernières années pour permettre la construction d’une autoroute reliant l’aéroport en périphérie au centre de la ville. Si cet aménagement permet de réduire drastiquement les temps de trajet des humains, mais détériore les couloirs naturels empruntés par d’autres espèces.

De plus, les quelques 2 millions d’habitants prévue pour l’horizon 2045, ne feront que renforcer les besoins en aménagements ce qui provoquera naturellement un effet rebond. Et l’annonce du journal L’Equipe au lendemain des JO de Paris d’un potentiel intérêt de Nusantara pour accueillir une édition dans les années 2040 n’est pas rassurant sur l’impact réel qu’aura le projet.


Des locaux non consultés 

Bien qu’étant non urbanisée, l’île de Bornéo abrite malgré tout une communauté autochtone importante qui se retrouve fortement impactée par ce projet. Certaines terres ont déjà été redistribuées à des entités commerciales sans aucune concertation et les compensations financières apparaissent comme bien maigres. Outre la menace d’expropriation qui plane à plus ou moins long terme, la construction de cette ville en pleine forêt vierge nécessite des aménagements titanesques ce qui a des conséquences importantes sur les écosystèmes en place. Par exemple, la construction d’un barrage permettant d’alimenter la future ville en eau, a modifié le niveau des rivières ce qui provoque d’une part des inondations dans les villages alentours, et un impact sur l’abondance de la faune aquatique essentielle pour la population. La communauté autochtone dayak balik a ainsi déjà perdu l’accès à ses deux rivières en raison de la construction du barrage. Les Balik doivent désormais acheter des litres d’eau en bonbonne ou attendre la distribution par un camion-citerne appartenant à la société même qui construit le barrage. 

L’excavation pour le minage de nickel et l’arasement des collines engendrent des dépôts de poussières conséquents sur les villages au bord des routes ce qui n’est pas sans poser des problèmes sanitaires. Certaines parcelles sont réquisitionnées pour simplement stocker de la terre car cela coûte moins cher que de l’évacuer en dehors de la zone. Ce sont ainsi des zones de chasses et de culture qui sont rendues inutilisables.


Restauration envisagée 

On peut noter pour une fois l’existence d’un plan de gestion de la biodiversité de la part de l’entreprise promotrice d’IKN (autre nom de Nusantara). Celle-ci propose une stratégie à long terme pour restaurer ces écosystèmes détruits par des décennies de déforestation, ainsi que par son propre chantier. Toutefois rien ne garantit la réalisation fidèle et complète de ce plan. Il est souvent plus compliqué de restaurer des écosystèmes souvent centenaires voir millénaires en quelques décennies.

A travers l’intrigant projet de cette ville-nouvelle de Nusantara, nous souhaitions mettre en avant l’importance de ne pas considérer que le carbone dans les transitions en cours. En effet, nous avons vu que Nusantara sera peut-être neutre en carbone à plus ou moins long terme, mais le chantier n’est pas anodin et questionne sur le réel bien-fondé de cette adaptation au changement climatique.

Il est donc important de sortir de ce tunnel du carbone pour considérer l’impact de chaque projet de façon systémique sur chaque limite planétaires. 

 

Sources : 

watts

Fermeture de Watts Picardie : le mirage de la réindustrialisation

L’usine Watts de Picardie jette ses employés comme de “vulgaires Kleenex”, pour reprendre l’expression de Xavier Bertrand (LDR). Le groupe a en effet annoncé la fermeture par mail cette semaine du site de Hauvillers-Ouville, dans la quasi indifférence des médias et politiques nationaux. Nous allons voir dans cet article que c’est malheureusement une démonstration de l’échec de la politique de réindustrialisation du pays et un coup dur pour la transition énergétique.

Volunteers and firefighters combat the fires that went out of control during the burning of forests and pastures for agricultural purposes around the touristic small town of Rurrunabaque, Beni Department, Bolivia, on October 26, 2023. The dense smoke that affects Bolivia's main cities is due to the burning of forests and pastures, a common practice that usually starts in the middle of the year. The aim is to expand the agricultural frontier, even though the government says it is prohibited by law. (Photo by CRISTIAN CASTRO / AFP)

Leur maison brûle et nous regardons ailleurs

Mercredi dernier, l’activiste écologiste Camille Etienne relayait sur son compte Instagram l’appel à l’aide de Romain Jaunay, français engagé pour Ambue Ari, une organisation de protection de la faune sauvage en Bolivie. Les images sont impressionnantes et choquantes. Pourtant nous avons eu du mal à rédiger cet article tant le sujet est peu traité en France par les médias.

Depuis plusieurs années, sur la période de juillet à décembre, la Bolivie subit une déferlante de feux que l’on qualifie maintenant de “saison des incendies”. Cette année, ce sont déjà près de 4 millions d’hectares qui sont partis en fumée, ce qui a poussé le gouvernement bolivien à finalement décréter l’État d’Urgence. L’exemple de la Bolivie est assez démonstratif de l’impact de l’Homme sur le changement climatique et sur les conséquences désastreuses que cela a sur des pays entiers.

Un pays sans accès direct à l’eau

Pour commencer, il est important de souligner que la Bolivie est un pays à la géographie particulière car c’est l’unique pays d’Amérique du Sud à ne pas avoir de façade maritime ni de fleuve qui le traverse. Depuis plusieurs années déjà l’accès à l’eau des boliviens est un enjeu majeur et est source de tensions avec ses voisins.

L’agriculture intensive comme modèle de développement

Le pays accueille une parcelle non négligeable de l’Amazonie, et comme son voisin brésilien est un acteur majeur de la déforestation. 

Les gouvernements ont fait le choix depuis plusieurs années de miser sur les exportations de soja et de viande et le développement des agro-carburants pour assurer son développement économique. Depuis 2015 la déforestation a explosé et ne cesse d’augmenter chaque année. En 2023 ce ne sont pas moins d’un demi million d’hectares de forêt primaire qui ont disparu.

Pourquoi cette année, les incendies sont encore plus critiques ? Il y a d’une part l’intensification du courant El Niño, et d’autre part les conséquences directes du changement climatique (voir l’étude parue en 2024 dans Nature). Ainsi, le pays fait face à une sécheresse historique : il n’a quasiment pas plu depuis un an. 

Malgré des conditions climatiques critiques, il n’y a pas réellement de plan de lutte contre le départ et la propagation d’incendie mis en place par le gouvernement. 

Pour pouvoir augmenter les rendements agricoles, de nombreux boliviens pratiquent le “chaqueo”, c’est-à-dire la mise à feu des parcelles. Cela a des conséquences dramatiques car les feux deviennent régulièrement incontrôlables. 

Le gouvernement a fini par réagir en ce mois de septembre en déclarant l’urgence nationale pour faciliter l’aide internationale mais l’opposition déplore l’absence de mesure structurelle durable pour endiguer ces pratiques. La Bolivie s’est d’ailleurs fait remarquer comme étant le mauvais élèves au sommet pour l’Amazonie à Bélem (Brésil) en août 2023 en s’opposant aux objectifs chiffrés de réduction de la déforestation. Ces mesures ont pourtant été acceptées par la Colombie et le Brésil.

Un nouveau modèle de développement à promouvoir ?

En plus de la perte de biodiversité et de la destruction de puits de carbone, les incendies causent de graves problèmes de santé publique. De nombreuses villes se retrouvent asphyxiées par les fumées et les cendres ce qui augmente drastiquement le nombre de pathologies respiratoires. De plus, les particules rejetées lors des incendies participent à un assèchement de l’atmosphère et diminuent la durée et l’intensité de la saison des pluies.

Le cas bolivien est un cas d’école de développement non durable, de la recherche de profit rapide au détriment du temps longs et des générations futures. Toutefois nous devons faire preuve d’humilité dans nos constats : la Bolivie ne souhaitant rien d’autre que de suivre le modèle de développement qui a fait des Occidentaux les peuples les plus riches au monde.

Barnier Premier ministre, un coup d’arrêt pour la transition écologique ?

L’attente interminable de la nomination du gouvernement devrait prendre fin dans les prochaines heures. Nous devrions enfin connaître le nom du futur locataire de l’hôtel de Roquelaure. Les dernières rumeurs font part d’un retour d’Agnès Pannier-Runacher, ancienne ministre de la transition énergétique du gouvernement Borne. 

Plus que le casting, ce qui nous intéresse chez Écolucide c’est avant tout le programme et les priorités de ce nouveau gouvernement en termes d’écologie.

Nous portons majoritairement l’idée d’une planification étatique sur plusieurs décennies de la transition écologique et de l’aménagement du territoire, afin de ne pas laisser le marché seul décider mais bien d’orienter les entreprises et les collectivités dans des directions claires. Il est important pour nous de ne pas laisser l’écologie à la main d’un seul ministre. Elle doit en effet infuser dans tous les secteurs de la société et de l’Etat..

Le SGPE, une promesse électorale de Macron

Lors des élections présidentielles 2022, Emmanuel Macron s’était engagé à mettre en œuvre une planification écologique. Suite à sa réélection la promesse a été pour une fois tenue avec la création du secrétariat général à la planification écologique (SGPE) en juillet 2022 après la constitution du gouvernement Borne. Cet organisme interministériel fut placé sous l’autorité directe de la Première Ministre avec pour principales missions de coordonner l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies nationales en matière de climat, énergie, biodiversité et économie circulaire. 

Ainsi le Secrétaire Général Antoine Peillon devenait un membre à part entière du cabinet de la Première Ministre de l’époque. Celle-ci dans le protocole gouvernemental était même indiquée comme “Première Ministre chargée de la planification écologique”. Gabriel Attal, après sa nomination en janvier 2024 avait fait le choix de garder le même fonctionnement et le même titre protocolaire.

Barnier désolidarise le SGPE de Matignon

Coup de tonnerre ce lundi lorsqu’un changement obscur au journal officiel indiquait qu’Antoine Pellion, n’était plus conseiller et chef du pôle environnement à Matignon. Un décision lourde de sens puisque son homologue Secrétaire Général aux Affaires Européennes reste quant à lui conseiller Europe. Qu’on soit clair le SGPE n’est pas supprimé mais se retrouve complètement déconnecté de Matignon et risque donc de perdre énormément en influence et en utilité. Cette décision s’avère surprenante quand on connaît l’attachement prétendue au “gaullisme social” de notre nouveau Premier ministre dont la planification fut un des principes fondamentaux.

Antoine Peillon, Secrétaire général du SGPE

Un existence courte mais des initiatives intéressantes

La courte existence du SGPE n’est pas suffisante pour juger de son impact et de son utilité réelle, n’en déplaise au gouvernement sortant. Toutefois il a produit plusieurs rapports concernant l’écologie et l’action avec des objectifs chiffrées mais des actions parfois assez vagues. On recense également une initiative très intéressante : le déploiement de COP régionale pour engager la planification écologique dans les territoires, par le travail conjoint des collectivités et services de l’Etat. Le but était de rassembler dans un même cadre les politiques publiques portées par les différents ministères et leurs opérateurs (ADEME, OFB, Agences de l’eau, etc.). 

Qu’adviendra t’il de ce travail, maintenant que le SGPE risque de se transformer en une coquille vide et devenir un énième commission sans importance d’un appareil d’Etat qui raffole d’organismes de ce genre ? L’avenir nous le dira mais comme évoqué lors de notre article sur la nomination de Michel Barnier, l’écologie risque de vraiment passer au second plan.

Barnier et Attal

Michel Barnier premier ministre : enfin un écolo de droite ?

Après plus de 2 mois d’un insoutenable suspense et des concertations à n’en plus finir, le couperet est tombé ce jeudi, Emmanuel Macron a choisi de nommer Michel Barnier, membre du parti Les Républicains, premier ministre. 

Âgé de 73 ans, il possède une expérience de près de 50 ans et un parcours politique assez impressionnant.

On trouve notamment dans son CV les fonctions de ministre de l’environnement et de l’agriculture. Ancien candidat à la primaire des Républicains en 2022, il s’était distingué par une certaine “lucidité” vis à vis de la crise climatique, chose assez rare pour un politique de droite. 

Sa nomination est-elle donc une bonne nouvelle pour l’écologie ?  A t-on réellement affaire à un écolo de droite comme le laisse entendre notre titre quelque peu accrocheur ?

Un savoyard au bilan intéressant

Commençons par la genèse de son parcours, Michel Barnier est savoyard et vient donc d’un territoire profondément rural ce qui dénote pas mal de la majorité des personnalités politiques au pouvoir ces dernières années. Il est issu d’une famille de la classe moyenne avec un père chef d’une petite entreprise et une mère revendiquée comme catholique de gauche pratiquante et assez engagée en faveur de la sécurité routière. Il lui a d’ailleurs rendu un bel hommage dans son discours de passation.

Si l’on revient sur son bilan en tant que ministre de l’environnement du gouvernement Juppé, sous la présidence de Jacques Chirac, on retrouve à son actif plusieurs initiatives intéressantes dont la loi Barnier, une des premières loi à instaurer les principes généraux du droit de l’environnement, votée en 1995 qui définit pour la première fois les principes de “précaution”, “prévention” et “pollueur-payeur”. À cela s’ajoute la création du “fond Barnier” pour la prévention des risques naturels majeurs. 

De son passage au ministère de l’agriculture pendant la présidence de Nicolas Sarkozy, on retiendra un bras de fer remporté contre la FNSEA et les lobbies de l’industrie chimique pour lancer le plan ECOPHYTO afin de réduire de 50% l’usage des pesticides. Il a également été remarqué pour avoir ouvert son ministère aux ONG environnementales, rompant alors la tradition d’un dialogue uniquement concentré entre les syndicats et le monde politique. Ce fut également un fervent défenseur de l’agriculture biologique. 

Son bilan aux 2 ministères est salué, au-delà de ses partisans, par des ONG comme Générations Futures ou Greenpeace. Celles-ci émettent toutefois de fortes réserves sur sa nomination qui “s’inscrit dans la continuité d’une politique ultra-libérale », et serait “incompatible avec les enjeux de transformation radicale de notre système économique”.

Des positions écologiques libérales

On vous a parlé ici, d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. A l’aune des derniers rapports du GIEC et des nombreuses alertes sur les risques liés au changement climatique, quelles sont les positions de notre nouveau premier ministre ? Lors de la passation, il a promis de dire “la vérité » sur la « dette écologique qui pèse lourdement sur les épaules de nos enfants ». Mais de quelle vérité parle-t-il ?

Sur l’énergie, il est très attaché au nucléaire pour assurer notre souveraineté mais il s’est montré dans le passé, également favorable à l’investissement dans des énergies renouvelables, comme le photovoltaïque, la biomasse ou encore l’hydraulique. Il est toutefois sceptique sur l’éolien, qui d’après lui  “fait beaucoup de dégâts”.

Dans une tribune du journal Le Monde publiée en 2023, il s’insurgeait contre “l’écologie punitive” que pratiquerait l’Union Européenne. Il se dit favorable à une politique “plus équitable”, à plus de liberté pour les Etats, les entreprises ou les agriculteurs, pour faire “avec eux et pas contre eux”. On retrouve ici certains réflexes néo-libérales de confiance en le marché pour changer les choses, ce qui va à l’encontre de la logique de planification écologique recommandée par certains experts.

Sur le logement, il indiquait lors de sa campagne en 2022 vouloir un « grand plan national d’isolation des logements ».

L’écologie au 2nd plan malgré tout ?

On peut craindre que malgré l’ampleur des réformes nécessaires, l’écologie ne soit malheureusement pas le chantier prioritaire, alors qu’elle devrait infuser dans tous les domaines du gouvernement. En effet, Barnier ne doit sa nomination qu’à l’unique bonne volonté du RN de ne pas le censurer. Ces derniers n’étant pas réputés comme étant de farouches défenseurs de l’environnement, leurs thèmes de prédilection comme la sécurité ou l’immagrition risquent d’occuper davantage que l’écologie l’espace médiatique et politique

De plus, dans un contexte de déficit budgétaire important, on risque d’assister à des coupes au ministère de l’écologie et sur certains dispositifs d’accompagnement, dans la continuité des économies réalisées par le gouvernement Attal sur les injonctions de Bruno Lemaire. 

En résumé, parmi tous les noms (hors NFP) qui ont circulé ces dernières semaines, Michel Barnier apparaît comme “la moins pire des solutions” pour l’écologie. Mais l’ampleur du défi qui nous attend, saurait-elle se contenter de si peu d’ambitions ?