peur avion

La peur de l’avion est une peur saine

La peur de l’avion n’a rien d’anormal. En fait, elle serait même plutôt bénéfique pour le climat et nourrirait un rejet idéologiquement construit de l’aviation du XXIème siècle.

« Tu sais, la peur de l’avion ça se soigne » me répète-t-on souvent quand j’explique que j’en ai peur. Les compagnies aériennes sont effectivement nombreuses à proposer des soins. Air France propose par exemple un programme d’une durée d’un mois comprenant des séances à réaliser avec un casque de réalité virtuelle. On y explique sûrement que l’avion est le moyen de transport le plus sûr, que tout est contrôlé et que finalement il n’y a pas de raison d’en avoir peur.

Mais malgré cet élan à rassurer les voyageurs, je n’ai jamais pensé à me séparer de cette peur. Bien loin d’être le fruit d’un traumatisme, cette peur, je la porte avec assurance parce que je la crois tout à fait saine d’un point de vue philosophique et écologique.

Habiter partout

Avoir peur de l’avion est devenu une anomalie au vingtième siècle chez les occidentaux. Voyager à plus de 10 000 mètres de haut pendant des heures pour se rendre à des milliers de kilomètres de là est tout à fait normal, presque naturel pour certains. Cette normalisation de l’avion s’est faite innocemment dans un contexte de fluidification du monde : les échanges sont devenus plus faciles, ce qui a éloigné nos lieux de vie les uns des autres et donc renforcé le pouvoir de l’avion. Son apogée étant le Concorde qui reliait Paris à New-York en près de 3h à la fin du XXe siècle – un projet supersonique promet d’améliorer ce temps record. Le message était le suivant : peu importe où vous vivez, on trouvera un moyen de relier ces endroits le plus rapidement possible.

Ce fantasme d’un déplacement magique est aujourd’hui l’un des enjeux écologiques les plus importants en Occident, où les transports représentent une majeure partie de nos émissions de gaz à effets de serre (GES). En France, en 2020, 28,7% des émissions de GES émanait des transports. Si l’avion occupe une petite part parmi ces déplacements, il est le symbole de nos excès. L’avion est utilisé par un petit nombre de privilégiés et pollue proportionnellement beaucoup plus que tous les autres modes de transport. Avoir peur de cet oiseau d’acier paraît beaucoup moins déraisonnable. Ce serait même tout à fait raisonnable.

Lucidité environnementale

En fait, je me rends compte que plus que de la peur, c’est du rejet que je ressens envers l’avion. Un rejet qui s’apparente plutôt avec le terme suédois flygskam, qui signifie la honte de prendre l’avion en raison du réchauffement climatique. Certains diront certainement que cette honte est le résultat des messages culpabilisateurs des écologistes, mais je leur répondrais qu’elle est plutôt le fruit d’une lucidité environnementale. D’ailleurs, le terme émerge de Suède, là où seulement 2% des citoyens sont climatosceptiques.

La très grande majorité des Suédois (86%) perçoit comme “grande” la responsabilité humaine dans le réchauffement climatique. Source : Novus, 2019

Continuer de prendre l’avion aveuglement tel un bienheureux, voilà le vrai souci. En avoir honte est la première étape vers une réelle prise de conscience écologique. Du moins, il faudrait admettre que l’avion est un moyen de transport qui pose de nombreux problèmes. Mais voilà : l’avion est puissant et il est difficile de s’en défaire. Que dire à ceux dont la famille et les amis sont éparpillés aux quatre coins du globe ? Nos relations sont imbriquées dans ce modèle polluant. Nos proches sont loin et il ne nous reste parfois que le voyage par le ciel pour les voir.

Du reste, l’avion concerne surtout une minorité de privilégiés. Porter un coup à l’avion c’est alors porter un coup à un microcosme vicieux, et non à toute la société française comme on aimerait parfois nous le faire croire.

Des militants au GPSO, au sud de Bordeaux, le 3 juin 2023. Crédit : THIBAUD MORITZ / AFP

LGV Sud-Ouest : un projet gigantesque qui questionne

La ligne grande vitesse (LGV) du Sud Ouest est de plus en plus contestée. Il y a une semaine, les Soulèvements de la Terre ont rejoint la lutte, élevant la portée médiatique de cette dernière qui dure désormais depuis 30 ans. Mais qu’en est-il vraiment de ce projet de 327 kilomètres de long ? Si le train est globalement un allié de la transition écologique, nous devons rester lucides quant aux projets qui le concernent. Enquête.

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Une France sans nucléaire est-elle possible ?

Chez Ecolucide, on a longtemps défendu le nucléaire. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’est né le média. Mais aujourd’hui, alors que nous sommes en pleine période d’élections législatives, nous pensons qu’il est nécessaire de discuter du nucléaire, de le remettre en cause pour mieux l’apprécier.

Jouissant d’un appui solide des Français, de nombreux partis politiques ont embrassé l’atome. Mais tels Icare, certains pourraient se brûler les ailes à trop s’approcher du soleil que représente l’énergie nucléaire. Le Rassemblement National est ainsi devenu la risée des experts quand Marine Le Pen a annoncé vouloir construire 20 EPR d’ici 2036. « C’est plus que ce que la filière nucléaire réclame et ne saura faire, et il est complètement irréaliste de penser que ces réacteurs pourraient être construits dans de tels délais », explique à L’Express Nicolas Goldberg, responsable énergie au think tank Terra Nova et consultant dans le secteur. A l’inverse, le Nouveau Front Populaire s’est attiré les foudres de bien des Français en masquant le sujet du nucléaire [1]. “Quel est donc ce parti se disant écolo qui ne parle pas de nucléaire ?” pouvait-on entendre. Mais le nucléaire est-il un argument rédhibitoire ?

Après avoir montré en quoi nous pouvons nous en passer, nous nous demanderons si c’est un choix souhaitable.

Un scénario 100% renouvelable

Sa place dans le mix électrique français est telle qu’on tendrait presque à oublier que le nucléaire n’est pas indispensable. Dans sa synthèse des Futurs énergétiques 2050, RTE a imaginé six scénarios de mix électrique, allant du 100% renouvelable (M0) au mi-nucléaire mi-renouvelable (N03). D’un côté on a donc RTE, le gestionnaire de réseau de transport d’électricité français, qui dit que le sans nucléaire est possible, et de l’autre une ribambelle de commentateurs qui écartent tout parti politique ne mettant pas l’atome sur un piédestal.

L'ensemble des 6 scénarios imaginés par RTE. Nous nous concentrerons sur le scénario M0 qui parie sur un mix 100% renouvelable en 2050.

Explorons rapidement les tenants d’un mix sans nucléaire en 2050.

Vous êtes sûrement nombreux à vous demander comment un mix sans nucléaire et sans centrale thermique polluante est réaliste. En effet, l’Allemagne a déjà investi dans ce pari du sans nucléaire, un pari perdant puisque c’est le charbon – bien plus polluant – qui a pris la place du nucléaire. RTE prévoit évidemment un autre scénario pour la France. Un deuxième défi consiste à trouver un moyen de sécuriser le réseau, c’est-à-dire d’être capable d’alimenter les Français et les infrastructures. Cependant, s’il n’y a que des éoliennes et des panneaux solaires, l’électricité produite sera au bon vouloir du vent et du soleil. RTE insiste : gérer des cycles jour/nuit et de très grandes différences de production est « un défi technique majeur. […] Le système doit notamment pouvoir absorber des périodes de plusieurs semaines consécutives sans vent en déstockant de l’énergie, ce que des batteries ou une gestion intelligente de la demande ne permettront pas de réaliser » (p. 34 -35). D’ailleurs, les rythmes de développement des énergies renouvelables (éolien terrestre et offshore et énergie solaire) devront être très importants, et même « plus rapides que ceux des pays européens les plus dynamiques » (p.28). C’est un véritable défi technique qui a des chances de rater.

Selon RTE, « il n’existe pas d’autre moyen [pour faire face au problème de l’intermittence] que les centrales nucléaires ou les centrales thermiques utilisant des stocks de gaz décarbonés » (p. 35). C’est ce qu’on appelle des solutions de « back-up », de renfort. Le dilemme se pose alors entre le nucléaire et les “gaz décarbonés” (parfois dits gaz verts). Par cette expression RTE entend « l’hydrogène bas-carbone, le biométhane, le méthane de synthèse ou le méthane fossile associé à un dispositif de captage et stockage du carbone (CCS) » (p. 197 [2]). Autant de méthodes de production d’énergie qui permettraient de se passer du nucléaire. Néanmoins, ces gaz verts en sont à leur balbutiements en France, et font déjà face à des défis d’acceptabilité sociale. Par exemple, si la méthanisation rejette peu de gaz à effets de serre, elle produit des odeurs nauséabondes qui compliqueraient son développement à l’échelle nationale (Stéphane CARIOU & Jean-François DESPRES, 2023, Émissions gazeuses odorantes issues de la méthanisation).

A plus petite échelle, des batteries pourront également être mises en place. Les panneaux solaires les rechargeraient la journée, et on dépenserait l’énergie accumulée du soir au matin. Dans une France sans nucléaire, la flexibilité énergétique, soit la capacité d’ajuster l’offre avec la demande, deviendra un enjeu important étant donné le poids des énergies intermittentes.

Souhaitable ?

Le sans nucléaire est donc possible, mais est-il souhaitable pour autant ? La production d’électricité nucléaire par fission en France émet relativement peu de gaz à effet de serre, est plutôt pilotable, sûre, et est de plus en plus plébiscitée par les Français (75% des Français s’exprime favorablement sur la production d’électricité nucléaire, IFOP, 2022). Le hic tient en ses infrastructures vieillissantes et menacées par le changement climatique. Le risque est de paralyser le parc nucléaire avec des maintenances à répétition et donc des pertes d’énergie de plus en plus importantes. Néanmoins, les problèmes comme les solutions sont plutôt bien connus. Il faudrait davantage construire les centrales près de la mer en circuit ouvert ou bien près d’une importante source d’eau et avec des tours aéroréfrigérantes. De plus, il faudra veiller à ce que les centrales ne soient pas installées dans des zones inondables – là aussi, c’est loin d’être insolvable.

Sortir du nucléaire a également un cout : « les scénarios de sortie du nucléaire dès 2050 (M0) ou fondés majoritairement sur le solaire diffus (M1) sont significativement plus onéreux que les autres options » (p. 33), écrivent bleu sur blanc les experts d’RTE dans leur synthèse. Néanmoins, on ne peut pas mettre sous le tapis les retentissants surcoûts de l’EPR de Flamanville. Selon Reporterre qui s’appuie sur une enquête parlementaire, le nucléaire coûte même de plus en plus cher, d’autant plus que les coûts sont difficilement chiffrables. Le coût du nucléaire ne fait donc pas vraiment consensus : « tout dépend de la dose d’optimisme, ou inversement du pessimisme », estimait France Inter en 2021.

Le nucléaire n’est pas magique

Le nucléaire ne doit donc pas devenir un élément magique. Il n’est pas la clé de voûte d’une politique environnementale, ni même énergétique. S’il est prôné par certains, retenez bien que la meilleure énergie c’est d’abord celle qu’on ne consomme pas. Il serait très intéressant d’analyser sociologiquement les raisons qui poussent ces individus à chérir aussi fort l’électricité nucléaire. Sans doute y-a-t-il un peu de chauvinisme mélangé au fait que le nucléaire réconforte les éco anxieux ; le nucléaire apaise peut-être. C’est précisément pour cette raison qu’il faut mieux l’expliquer et lui enlever cette aura qui le protège de toute critique. A droite surtout, on ne jure que par lui, peut-être pour apaiser sa conscience et ne plus penser aux autres enjeux. Non, le nucléaire ne résoudra pas le réchauffement climatique à lui tout seul. D’ailleurs, il est souvent prôné par opportunisme, car les politiques savent que l’étiquette “nucléaire” gonfle les voix. Il faut aussi garder en tête que l’énergie nucléaire n’est pas une énergie renouvelable et qu’il faudra un jour s’en séparer.

« Le nucléaire c’est 5% du problème mais 95% des discussions »

Dicton largement popularisé par Jean-Marc Jancovici

La position d’Ecolucide est moins celle, figée, qui défend le nucléaire à tout prix, que celle qui remet calmement en question ses détracteurs, et ce toujours avec un objectif de lucidité.

[1] Il y a quatre occurrences du mot “nucléaire” dans leur programme, et aucune visibilité sur la place de cette énergie dans leur mix électrique.

[2] Toutes les précisions de page concernent la version du rapport “résumé exécutif”. Cette citation est tirée du rapport complet.

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Arthur d’Equinoxe nous explique son engagement

Je m’appelle Arthur Nestier, j’ai 25 ans, je suis Géographe-Urbaniste de formation, et je suis aujourd’hui candidat aux élections législatives pour porter la voix d’une écologie pragmatique et d’un véritable renouveau démocratique.

Mon parcours est somme toute assez classique, j’ai commencé les études par une licence de géographie (que j’ai terminé, contrairement au principal candidat du Rassemblement National), avant de poursuivre avec un master en urbanisme et aménagement.

Comme de nombreux de nos concitoyens, et certainement comme vous aussi, je ne me suis jamais vraiment senti représenté dans la classe politique actuelle. Ces dernières années nos représentants ont continuellement abandonné, de part et d’autre de l’échiquier politique, certains sujets, certaines valeurs et certaines préoccupations (exprimées par les français de manière tout à fait légitimes) au profit de calculs politiciens et de postures clivantes, ne faisant que renforcer la défiance et les ressentiments entre différents pans de la population qui aujourd’hui ne se parlent plus.

Nous assistons continuellement dans le débat public à la dictature des sondages qui conditionne les intentions de vote et qui par la suite conditionnent le temps de parole alloué à chaque candidat dans les différents médias. Ce type de fonctionnement laisse place au sensationnalisme plutôt qu’au rationalisme. On soutient aujourd’hui un candidat plus pour sa gueule, sa prestance et sa popularité sur les réseaux sociaux que pour ses idées et ses propositions. On s’attache en permanence à une étiquette politique, quitte à renier certains constats et certaines problématiques qui, parce qu’elles sont traitées en priorité par le camp opposé ne nous paraissent pas importante ou sont niées par une bonne partie de la classe politique. C’est ce genre de posture qui prive aujourd’hui tous les partis traditionnels d’une véritable capacité de rassemblement et d’adhésion.

Nous l’avons vu en regardent le débat entre Bardella, Attal et Bompard : on a bien identifié le mépris pour des approches politiques rationnelles en reléguant la transition écologique à seulement 10% des 1h40 de débat, tout en ayant simplifié de manière outrancière ce sujet aux voitures électriques et aux centrales nucléaires.

Par ailleurs, on voit aujourd’hui que le vote d’adhésion et de soutien est minoritaire partout, au détriment du vote de barrage qui pèse d’ailleurs plus sur le Front Populaire et Renaissance que sur le Rassemblement National.

70% des français ne se sentent pas représentés par les politiques actuels

Comment en est-on arrivé là ? Est-ce vraiment cela que nous voulons pour notre démocratie ?

Il est urgent de se réveiller. Urgent de proposer une nouvelle voix face à cette soupe politico-médiatique qu’on nous sert à chaque élection avec un supplément barrage.

Il est urgent de remettre la science et les faits au cœur des débats pour poser des constats, formuler des aspirations et des propositions cohérentes en phase avec les problématiques soulevées par ces constats.

C’est la raison d’exister d’Équinoxe et c’est ce que nous nous efforçons de faire sur absolument tous les sujets. Une de nos premières mesures serait d’adopter le jugement majoritaire comme méthode de vote. Les électeurs attribueraient une mention à chaque candidat tout en pouvant attribuer la même mention à plusieurs des candidats. Cela permettrait d’élire nos représentants d’une manière beaucoup plus consensuelle tout en permettant à chaque électeur de considérer davantage les propositions avancées par chacun des candidats individuellement.

Nous appliquons déjà ce mode de scrutin à l’intérieur de notre parti pour prendre des décisions et valider le programme que nous voulons mettre en avant et c’est de cette manière que nos adhérents ont décidé de présenter des candidats aux législatives.

Alors si vous souhaitez changer les choses, que nos idées vous parlent, n’hésitez pas à venir nous rejoindre ou à nous soutenir sur https://parti-equinoxe.fr/ L’avenir crois en nous, alors engagez-vous ! 

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Le débit internet n’a jamais été aussi fort, mais à quel prix ?

Il n’y a pas si longtemps, le débit internet à la campagne était de quelques méga octets par seconde. Aujourd’hui, la fibre se déploie de manière tentaculaire et permettra bientôt aux Français les plus reculés d’atteindre des débits de plusieurs centaines de mégaoctets par seconde. Nous sommes désormais capables de télécharger des sagas entières le temps de faire un thé.

Malgré mon jeune âge j’ai été témoin de ce changement. Je fais partie de ceux qui mettaient un week-end à télécharger un jeu vidéo, et lorsque ma mère a installé la fibre, mon expérience a été profondément modifiée. Je pouvais alors tester des jeux de plusieurs dizaines de gigas, les désinstaller puis en installer de nouveaux, et ceci à l’infini. C’étaient alors des centaines de gigas qui venaient à moi en quelques dizaines de minutes. J’étais époustouflé, comme si j’étais devant un banquet de tous les mets du monde. En plus, la fibre optique est bien moins consommatrice d’électricité que les autres câbles en cuivre. Mais étrangement, ce sentiment d’accessibilité et de surpuissance me laissait un goût amer dans la bouche.

A la même période, j’étais plongé dans la mythologie nordique par God Of War. Assez tôt dans le jeu, nous faisons la rencontre de Mimir, le dieu de la sagesse qui permit à Odin de goûter à son puits de la sagesse et de l’intelligence (Mimisbrunn). En échange Odin a sacrifié un de son œil. Il devint alors le roi borgne, celui qui voit tout mais d’une seule perspective. Aujourd’hui je me rends compte que le goût amer que je ressentais était du doute. Cet accès rapide à l’information, à la culture n’a-t-il aucune contrepartie ? Vais-je garder mon œil ?

Le numérique, un secteur polluant en vogue

Loin d’être immatériel, le numérique représente aujourd’hui 4% des émissions mondiales de gaz à effets de serre et pourrait même représenter 8% en 2025. Le débit internet fait partie de la partie utilisation du numérique, soit 55% de la consommation énergétique (The Shift Project, 2019). Le découplage est-il possible ? Peut-on continuer de regarder des vidéos en streaming, de télécharger des fichiers et d’écouter de la musique (consommation) tout en réduisant notre empreinte sur la planète ? La technologie nous sauvera-t-elle ?

Rien n’est moins sûr. A l’image de la fibre optique, une nouvelle technologie de transfert de données qui remplace progressivement le câble en cuivre. Selon l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), la fibre est 4 fois moins énergivore que le cuivre. Mais il faut aussi prendre en compte le fait que le débit internet a considérablement augmenté. « Le monde est passé de 100 gigabits par seconde (Gb/s) circulant dans les réseaux informatiques en 2001 à 26 000 Gb/s en 2016 », explique Jean-Marc Pierson, chercheur en sciences informatiques au CNRS (citant Morley, Widdicks, Hazas, 2018).

Du côté des data centers c’est encore plus impressionnant. La quantité de données gérées évolue de manière exponentielle. Même si des travaux de recherche sont actuellement menés dans le but de baisser l’impact du numérique (un exemple ici), il faut bien l’avouer : non, en dernière analyse, la technologie ne nous sauvera pas. Le gain en énergie de la fibre est écrasé par le caractère de plus en plus énergivore du numérique. C’est ce qu’on appelle l’effet rebond (pour un sujet plus précis concernant le numérique, voir cet article).

Le prix du numérique

Alors même que l’accessibilité à la connaissance s’est considérablement démocratisée, en France du moins, le prix à payer est fort. Le pire, c’est que personne n’annonce l’addition. Tellement ancré dans notre vie, le numérique est intouchable. La preuve, j’écris ces lignes sur un ordinateur connecté à internet et j’allumerai bientôt ma console pour lancer un Fifa. Dans le puits du numérique nous avons plongé, toujours plus avides d’immédiateté.

Cela me rappelle un mythe grec ; celui du supplice de Tantale. Ce dernier ayant défié les Dieux de l’Olympe fut enfermé dans le Tartare, le pire endroit du royaume d’Hadès. Sa pénitence est singulière puisqu’il se retrouve enfermé pour l’éternité dans un lieu rempli de fruits et où coule une eau des plus pures. Le hic, c’est que dès qu’il tente de décrocher un fruit, la branche s’écarte et quand il se baisse pour prendre de l’eau, celle-ci lui glisse des mains en une fraction de seconde. Il est donc condamné à ne pas pouvoir consommer ce qu’il veut le plus au monde, comme coincé à l’état de souffrance de Schopenhauer. Aujourd’hui, c’est l’inverse : une flopée de différentes envies est contentée quelques minutes. Mais est-ce vraiment une situation plus désirable ?

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Ce que signifie le logo de la COP 28

Quand on réalise un logo pour un évènement d’ampleur internationale, chaque choix est mûrement réfléchi. De la couleur aux éléments qui le composent.

En m’intéressant au logo de la COP 28, j’ai été surpris de constater un logo aussi complexe, agrémenté d’un tas d’éléments. Si on fait l’historique des logos des COP, on s’aperçoit en effet que le logo de la 28ème qui se tient en ce moment à Dubaï se démarque nettement. A y regarder d’un peu plus, le logo n’est pas qu’un simple design apolitique mais renferme énormément de contenu au sens surprenant au regard des différents enjeux environnementaux et de la réalité économique et politique qui agit le monde et les Emirats Arabes Unis.

Protection de la nature

Une bonne partie du logo comporte des animaux et des plantes. On retrouve un dromadaire, plusieurs arbres, des algues, des fleurs, etc. Un choix somme toute logique : tout le monde veut sauver les bébés baleines et préserver son paysage. Il parait néanmoins ambitieux quand on sait que les Emiratis sont particulièrement friands d’animaux sauvages et font donc tourner le trafic illégal d’animaux. Ou bien quand on sait que les énergies fossiles dont les EAU raffolent contribuent à la diminution de la biodiversité.

Cependant, les Emirats sont aussi capables de protéger la nature, à l’image de Sir Bani Yas. Cette île autrefois désertique a été réhabilitée en savane africaine. Aujourd’hui, des milliers de gazelles ou bien de guépards y vivent et plusieurs centaines de villas y ont été installées. Peut-être que cette île est davantage protégée pour la rendre plus attrayante pour leurs riches touristes plutôt que par réel intérêt environnemental, mais il reste néanmoins que c’est une entreprise louable.

Mais instaurer des parcs nationaux, ce n’est pas assez. Guillaume Blanc, historien de l’environnement et théoricien du « colonialisme vert » expliquait récemment au journal L’Echo que l’on « croit qu’en préservant, on fait quelque chose de bénéfique pour la nature. Mais cette idéologie nous exonère des dégâts que l’on cause partout ailleurs et elle nous permet de faire perdurer notre mode de vie destructeur. »

Le prix de vivre au milieu du désert

Afin de réduire le plus possible les émissions de gaz à effets de serre (GES) et autres pollutions induites par les systèmes alimentaires (plus d’un tiers des émissions mondiales de GES), il faut consommer local en plus de consommer des produits qui consomment tout simplement moins d’énergie. Ça, les Emiratis n’arrivent pas vraiment à le concrétiser puisque leur nourriture est en très grande majorité importée. Et on les comprend étant donné qu’ils vivent tout bonnement au milieu d’un désert qui n’offre que peu d’opportunités alimentaires. Néanmoins, leur consommation alimentaire représente un anti-modèle. On finit par se demander pourquoi près de 10 millions d’humains vivent ici. On me souffle dans l’oreillette que ça aurait avoir avec un certain or noir ? Justement, je crois que l’émission Questions pour un champion a déjà abordé le sujet…

Les éoliennes qui tournent au pétrole

Top ! Je suis un des pays les plus émetteurs de gaz à effet de serre par habitant, mon mix énergétique est composé en écrasante majorité par le pétrole et le gaz naturel, je suis le 5ème exportateur mondial de pétrole et comme source d’énergie fétiche pour la COP 28, je choisis, je choisis…

– Des panneaux solaires et des éoliennes ?

Ah oui oui oui ! C’est gagné !

Quoiqu’en dise France TV avec un surprenant – pour ne pas dire honteux – reportage mettant en lumière Dubaï comme étant une ville verte parsemée de panneaux solaires, les Emirats ne se dirigent pas vers un modèle énergétique soutenable. Leurs innovations économes en énergies ne sont permises que par leur exploitation sans vergogne du pétrole et du gaz. On remarquera aussi l’absence de l’atome dans le logo.

Dimanche 3 décembre, le président de la COP, aussi président de la compagnie pétrolière nationale, avait d’ailleurs montré un visage plus sombre lors d’un échange avec Mary Robinson, l’ancienne présidente irlandaise : « Aucune étude scientifique, aucun scénario, ne dit que la sortie des énergies fossiles nous permettra d’atteindre 1,5 °C. (…) Montrez-moi la feuille de route d’une sortie des énergies fossiles qui soit compatible avec le développement socio-économique, sans renvoyer le monde à l’âge des cavernes ». Le ton est donné. L’écologisme, c’est bien mais il ne faut quand même pas pousser le bouchon trop loin ; le PIB passe avant les GES.

En effet, je ne pense pas que les hommes des cavernes se déplaçaient en avion par exemple. En revanche, les Emiratis, eux, en raffolent.

Avions et voiliers

On ne l’attendait pas vraiment au rendez-vous, mais on aperçoit en effet un avion dans ce logo qui, décidément, continue de nous surprendre. Tel la courbe du PIB, l’avion doit continuer de s’envoler. L’avion qui, rappelons-le, est le moyen de déplacement le plus polluant au monde, le carburant propre n’étant pas pour aujourd’hui et assurément pour jamais. Peut-être l’avion est-il tout simplement un clin d’œil au moyen de transport favori des participants à la COP ? Plus bas dans le logo, on trouve un voilier et une barque qui contrastent fortement avec l’avion ? Une présence hors sol qui a tout l’air de vouloir camoufler la présence de l’avion.

Harmonie et prospérité

En un mot, le logo de la COP 28 montre qu’un modèle prospère et harmonieux est possible. Que, main dans la main, nous pouvons sereinement redresser le changement de climat. Fermez donc les yeux, nous nous en occupons. Ma démonstration vient remettre en cause cette logique. Qu’y-a-t-il donc de prospère dans le fait de continuer à extraire gaz et pétrole de manière frénétique ? Où sera l’harmonie dans nos sociétés inégalitaires alors même qu’on sait que ce sont les plus pauvres qui seront le plus durement touchés ? Où est l’harmonie toujours, chez les migrants qui sont obligés de quitter leur terre à cause de conséquences du réchauffement climatique ? Si le logo était séparé de la réalité, ce ne serait pas si grave. Seulement, il représente très bien ce discours hypocrite en arrière-fond qui nie les enjeux actuels et essaie de tout régler par la technologie. Il est essentiel de ne pas couper le dialogue avec les pays les plus pollueurs – dont le nôtre fait partie – afin de les convaincre, mais cela ne nous empêche de les critiquer et de pointer leur hypocrisie.

FE Fuel Cell de Hyundai

La voiture à hydrogène ne nous sauvera pas

Il y a quelques jours, France 5 a sorti son reportage sur les voitures à hydrogène, questionnant alors la production de ce carburant présenté comme propre ¹. La question qui dirigeait le reportage était la suivante : la voiture à hydrogène peut-elle nous sauver ? La réponse est malheureusement non, parce que la voiture qui « nous sauvera » c’est celle qui ne pollue pas. C’est donc une voiture qui n’existe pas, quoiqu’en disent les industriels en louant leurs carburants faussement propres.

Mieux que de ne pas polluer, la Hyundai Nexo est censée purifier l'air. Peut être peut elle aussi stopper la faim dans le monde ! (site internet de Hyundai)

Dans le monde et a fortiori en France, le secteur des transports représente une très grande part des émissions de CO₂. On ne cesse d’inventer de nouvelles voitures, toutes les plus vertes les unes que les autres, mais il ne faut pas penser qu’acheter une voiture à hydrogène règle tous nos soucis. Par exemple, entre se déplacer avec une telle voiture (ou même une voiture électrique) et se déplacer en train, c’est le train qui gagne haut la main ². Le problème reste bien évidemment le manque d’infrastructures et de volonté politique.

Néanmoins, comme le montre ce schéma du Shift (ci-dessous), la motorisation du véhicule n’est qu’une des composantes des émissions de CO₂ induites par la mobilité.

Schéma trouvé dans le rapport "« Guide pour une mobilité quotidienne bas carbone » : Le rapport du Shift pour les collectivités""

Malheureusement, diminuer les déplacements ou bien favoriser le vélo et la marche, ce n’est pas forcément ce qui excite le plus les industriels…

Ainsi, ce n’est plus seulement la voiture thermique qu’il faut abandonner, mais la voiture en tant que système (infrastructures, incitations, imaginaire, etc.). A la place doit s’implanter un mode de déplacement plus vertueux, basé sur la sobriété, le covoiturage et la proximité ³. Et c’est loin d’être une mince affaire tant la voiture est implantée dans l’imaginaire des individus, voire dans l’individu lui-même ⁴. La voiture est partout et son pouvoir est énorme, faute de sérieux concurrents…pour l’instant.

1 – France Télévisions. (s. d.). Sur le front La voiture à hydrogène peut-elle nous sauver ? [Vidéo]. France Télévisions.

2 – A ce sujet, nous vous conseillons fortement ce comparatif de l’Ademe intitulé « Calculer les émissions de carbone de vos trajets« .

3 – The Shift Project. (2020). Guide pour une mobilité quotidienne bas carbone : Vers un système cohérent d’alternatives à la voiture en solo dans les zones de moyenne densité.

4 – Lannoy, P., & Demoli, Y. (2019). Sociologie de l’automobile. Repères. https://doi.org/10.3917/dec.demol.2019.01

santéillus

Je vous présente les récents travaux du Shift à propos de la santé

Le 18 avril 2023, le Shift Project, l’association présidée par Jean Marc Jancovici, a présenté ses travaux inédits concernant le domaine de la santé. Ce rapport de 2023 est la deuxième édition et s’inscrit dans le Plan de transformation de l’économie française (PTEF).

Un secteur indispensable

Quand on discute écologie, on ne pense pas tout de suite au domaine sanitaire. On parle de nos modes de déplacement, de notre agriculture ou bien encore de l’isolation de nos bâtiments. La santé est pour ainsi dire invisible : comment prendre un doliprane pourrait-il être polluant ? Pourtant, ce secteur est loin d’être négligeable. Selon les récents travaux du Shift, la part de la santé dans l’empreinte carbone de la France serait de 8%.

Plusieurs secteurs composent la santé :

  • Les établissements hospitaliers

  • La médecine de ville

  • Les services et établissements pour personnes âgées

  • Les services et établissements pour enfants et adultes handicapés

  • L’administration publique et les complémentaires santé

Ces secteurs emploient 9% de la population française active et sont plus ou moins émetteurs en gaz à effets de serre (GES). A part l’administration publique et les complémentaires santé, les autres secteurs ont tous une contribution significative ; tous gravitent autour de 20%.

87% d’émissions indirectes

Non Célestin, ça ne veut pas dire que ce sont des émissions rediffusées, mais que ce n’est pas le secteur en lui-même qui émet des GES. Par exemple, les émissions liées aux déplacements de particuliers, c’est indirect. Tout comme la production de médicaments et leur acheminement. C’est peut-être pour cette raison que l’enjeu environnemental autour de la santé est souvent occulté.

Une des conclusions les plus intéressantes est à nos yeux l’identification des principales clés de décarbonation. Selon le Shift, la moitié des émissions liées à la santé provient des achats de médicaments et de dispositifs médicaux (DM ; ex : seringues, masques, IRM…).

Et s’il existe en effet un lien de corrélation positive entre les émissions de GES et la qualité du système de santé, de nombreux gaspillages d’énergie sont à déplorer. Chez chacun d’entre nous, la boite à pharmacie est remplie de médicaments prescrits qui ne seront jamais utilisés, du moins en entier. Moins polluer ne veut donc pas forcément dire moins bien soigner.

Que faire alors ?

Dit simplement, aujourd’hui se soigner, c’est polluer. Il faut donc diminuer les émissions de GES en diminuant la quantité de soins et en les rendant tout simplement moins émetteurs. Le Shift a proposé une projection de possibles réductions d’émissions de GES par secteur. Voici le scénario qu’ils présentent comme le plus atteignable :

Sur ce graphique, c'est le scénario de réduction du Facteur d'Emission (FE) de 60%. Plus il diminue, plus la réduction portée par la PPJS augmente.

Malgré les réductions portées par les mesures chiffrées et celles portées par les industriels, il resterait 9 mégatonnes de CO2 avant atteindre l’objectif de neutralité carbone fixé par les Accords de Paris et la SNBC (soit une baisse de 80% entre 2020 et 2050).

C’est là qu’intervient la PPJS (Prévention, promotion de la santé et juste soin). Derrière ces mots se trouve un changement de paradigme : passer du soin au prendre soin. Prévenir pollue moins que soigner. Cela passe aussi par une responsabilisation accrue des individus, c’est-à-dire pour chacun d’entre nous. Aux politiques également de mettre de la pression aux industries pharmaceutiques afin qu’elles proposent des produits qui ont peu émis de GES. Une tâche qui s’annonce très laborieuse…voire impossible.