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Pourquoi il est urgent de relancer Superphénix

Le retour de Dominique Voynet à l’Assemblée Nationale s’est accompagné de son lot de controverses. N’est-elle pas celle qui, après tout, s’était vanté dans une vidéo restée célèbre d’avoir mis fin au programme Superphénix ? A l’époque, les Verts avaient présenté cela comme une grande victoire contre le dangereux lobby nucléaire. Mais la vérité est tout autre et l’on commence aujourd’hui à s’en rendre compte… 

Déjà, qu’est-ce que Superphénix ? Lancé dans les années 70, le programme Phénix, puis Superphénix était révolutionnaire. Il s’agissait d’un réacteur à neutron rapide (RNR), unique en son genre à l’époque. Ce type de réacteur est appelé « surgénérateur ». En effet, il permet de produire plus d’isotope fissile qu’il n’en consomme. Sans vouloir rentrer dans des détails trop techniques, on peut résumer la chose ainsi : l’uranium utilisé par les réacteurs nucléaires produisent des déchets sous forme de plutonium. Or, les RNR permettent de réutiliser ce plutonium. Cela a deux conséquences et non des moindres. Premièrement, cela étend considérablement les réserves stratégiques du pays doté d’une telle technologie. On estime ainsi que le stock français actuel passerait d’une durée de vie de 100 ans à une durée de vie d’environ 2300 ans si nous utilisions cette technologie. Surtout, cela permettrait de recycler les déchets nucléaires. Déchets qui sont le principal argument avancé par les anti-nucléaires pour que nous cessions d’utiliser cette technologie. 

Mais alors pourquoi avoir arrêté Superphénix ? Il y a deux raisons. La première est évidemment idéologique : pour certains militants ecologistes, l’énergie nucléaire est par essence mauvaise. Les mêmes qui se veulent radicalement constructivistes lorsque l’on parle de nature humaine deviennent subitement profondément essentialistes lorsque l’on parle de l’atome.

Le nucléaire ne trouvera jamais grâce à leurs yeux. Il y a aussi et surtout un argument économique. Beaucoup avancent ainsi qu’en l’état actuel, les RNR ne sont pas rentables au regard du coût de l’uranium. C’est la raison pour laquelle le projet Astrid, qui devait remplacer Superphénix, fut abandonné sous Emmanuel Macron.

C’est cependant une vision de court terme. Ceux qui la défendent affirment qu’il sera toujours temps de relancer des RNR lorsque la situation changera. Certes, mais ferons-nous assez vite ? Construire un réacteur nucléaire est toujours un projet pharaonique, or il nous faudrait idéalement construire plusieurs RNR. 

Cela demande du temps et donc de l’anticipation. De plus, le nucléaire est la pierre angulaire de l’industrie française. L’économie, c’est de l’énergie transformée. En nous assurant une énergie peu onéreuse, c’est donc le nucléaire qui permet à notre industrie d’être compétitive. Du moins… en théorie. En ce domaine, le grand problème de la France s’appelle « marché commun de l’électricité », mais c’est un sujet pour un autre jour… 

Reste l’essentiel. Les RNR comportent plusieurs avantages et non des moindres. Ils permettraient de faire du nucléaire une énergie verte à 99,99% en recyclant la quasi-totalité de ses déchets. Ils donneraient à la France une autonomie stratégique de plusieurs milliers d’années et ils permettraient en théorie de faire de son industrie l’une des plus compétitive au monde. Alors, on attend quoi ? 

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Pourquoi en France le nucléaire n’est pas une énergie dangereuse

Dans le paysage énergétique français, le nucléaire joue un rôle prépondérant, alimentant des débats souvent polarisés. Pour certains, le nucléaire est une panacée, tandis qu’il représente un péril écologique majeur pour d’autres. Ici, comme ailleurs en écologie, seule une approche pragmatique et dépassionnée permet d’en saisir les véritables enjeux.

La France est le deuxième plus grand producteur d’énergie nucléaire au monde après les États-Unis, avec environ 70% de son électricité provenant de cette source. Cette prédominance du nucléaire, initiée par le général de Gaulle et poursuivie dans les années 1970, visait à réduire la dépendance aux énergies fossiles et à garantir notre souveraineté énergétique. Aujourd’hui, cette stratégie positionne la France comme l’un des pays ayant les plus faibles émissions de gaz à effet de serre par unité d’électricité produite. En effet, les émissions de CO2 liées à la production d’énergie nucléaire sont minimes comparées à celles des combustibles fossiles. Cette caractéristique fait du nucléaire une énergie « décarbonée ». Ce n’est donc pas ici que le bât blesse. Pour ses détracteurs, les principaux problèmes du nucléaire sont les suivants : la sécurité des centrales et la gestion de leurs déchets.

La question de la sécurité des installations nucléaires est l’un des principaux épouvantails qu’agitent les opposants au nucléaire. Les accidents de Tchernobyl et de Fukushima ont marqué la mémoire collective par leur aspect spectaculaire. Pourtant, ces deux évènements (et surtout Fukushima) ont laissé peu de séquelles sur l’environnement et les hommes. Ainsi l’ONU estime que l’accident de Tchernobyl n’a directement tué que 56 personnes. Certes, l’organisation craint que la catastrophe provoque à terme 4000 cas de cancers de la thyroïde. En revanche, le taux de guérison est estimé à 99%. A Fukushima, aucun mort, direct ou indirect, n’est pour l’instant imputable ou prévu des suites de la catastrophe nucléaire. La tragédie qu’à connu le Japon est essentiellement due au tsunami et au conséquent déplacement de population.  Mieux, on estime que le niveau d’exposition aux radiations autour de la centrale est aujourd’hui repassé en dessous du seuil d’intolérance humaine. Pour nous autres Français, le point essentiel à comprendre est le suivant : ces accidents n’ont aucune chance de se produire dans notre pays. L’accident de Tchernobyl est lié à deux facteurs : le type de centrale et la mauvaise sécurité de l’installation. Un tel accident est impensable en France. Tout d’abord, le réacteur en cause était un RBMK-1000 dont la conception diffère radicalement des réacteurs à eau pressurisée ou bouillante utilisés en France. Surtout, les normes de sûreté en vigueur en France sont bien plus strictes qu’elles ne l’étaient à Tchernobyl en 1986. Rappelons que l’Autorité de Sûreté Nucléaire s’assure chaque année que les centrales du parc français respectent les protocoles de sûreté et que leurs équipes soient formées à la gestion des situations d’urgence. Les ingénieurs français accomplissent leur mission avec sérieux et diligence. Notre problème n’est pas là mais dans notre incapacité à renouveler notre parc. Quant à Fukushima, le problème est différent mais ne concerne pas non plus la France. Le Japon est un pays surexposé aux risques sismiques et aux raz de marée. Ce n’est pas notre cas. Au contraire, en France métropolitaine, l’activité des plaques tectoniques est très faible, faisant de notre pays l’un des plus sûrs au monde concernant les risques de tremblements de terre et de tsunami. Ainsi, la probabilité que l’activité sismique provoque dans notre pays une catastrophe telle que celle de Fukushima est extrêmement faible, si ce n’est tout à fait nulle.

On rétorquera que le chiffre de 4000 morts potentielles des suites de cancers est un chiffre intolérable qui devrait résolument nous pousser à interdire l’exploitation du nucléaire. Il est pourtant à relativiser. Comparons donc ce chiffre avec quelques accidents survenus lors de la rupture de barrages hydrauliques : en 1923, le barrage à voûte du Gléno céda en raison d’un défaut de construction, déversant 4,5 millions de mètre cube d’eau en contrebas et tuant 356 personnes. En France, la rupture du barrage à voûte de Malpasset en 1959 entraîna le déferlement d’une cinquantaine de millions de mètres cubes d’eau et la mort de 423 personnes. Celle du barrage de Banqiao en Chine suite au typhon Nina entraîna la rupture de 61 autres barrages en aval et aurait provoqué la mort de 26 000 personnes selon le gouvernement chinois voir 100 000 selon d’autres estimations. Notons également qu’au même titre que les centrales, les barrages sont stratégiquement de potentiels cibles militaires, alimentant notamment de nombreuses craintes du gouvernement chinois concernant les fameux barrages des trois gorges en cas d’invasion de Taïwan.  De plus, les risques professionnels et civils liés à la construction et à l’exploitation des barrages demeurent élevés.

Les autres sources d’énergies vertes ne sont pas en reste. Les centrales à biomasse, exploitant le carbone contenu dans de la matière organique, entraînent peu ou prou les mêmes risques sanitaires que les énergies fossiles (pollution atmosphérique, cendres, rejet de particules fines et ultrafines. Enfin les dangers relatifs à l’éolien et au photovoltaïque se trouvent plutôt en amont. Ces technologies nécessitent des métaux rares et précieux ce qui entraîne les mêmes risques que dans toute activité de minage. Cependant les révélations des dernières années sur les conditions d’exploitation de ces mines, souvent dans des pays pauvres, a de quoi glacer le sang. La ville chinoise de Baotou, proche d’une exploitation de terres rares est ainsi surnommée la ville cancer par les médias locaux car aucun être humain ne semble y survivre plus de quarante ans…

L’atome est donc certes une source d’énergie présentant des risques, mais ceux-ci sont minimes dans notre pays et surtout, il ne présente in fine pas plus de risques que les autres sources d’énergie. Critiquer le nucléaire sur ce point relève donc de l’idéologie ou de la peur irrationnelle. Au contraire, l’uranium 235, bien qu’imparfait, demeure une ressource dont nous disposons en abondance et dont l’impact écologique est minime. Dans les prochains articles, nous verrons d’ailleurs en quoi les risques liés à la gestion des déchets sont maîtrisés en France et surtout en quoi le nucléaire est le meilleur atout de notre pays dans la guerre mondiale énergétique en cours.

  • Rapport de L’ASN sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France en 2021
  • Maxime Amblard, Abondance et Pénurie, 2023