C8 écartée de la TNT, l’écologie sauvée ? 

La TPMPisation de notre pays, gavé par le buzz médiatique et les disputes fracassantes, a trop longtemps abimé notre société, la plongeant dans un divertissement qui l’éloigne de la transition écologique. Le même divertissement qui résume l’écologie à une lutte entre les pro et les anti : végans (coucou Solveig Halloin) contre bouchers, chasseurs contre anti-chasses, activistes contre polémistes. Tout n’est que fracas et, déclaration choc, les discussions fructueuses se transformant trop souvent en brouhaha stérile. Fallait-il pour autant retirer à C8 sa fréquence TNT ? 

L’ Arcom a touché au poste

L’Arcom a tranché dans le vif, elle a touché au poste. Une régulation, dans certaines conditions évidemment (voir le cas de Sud Radio, mise en garde pour avoir donné la parole à François Gervais un climatodénialiste notoire, sans contradiction aucune), aurait sans doute été plus efficace : gare au public de C8 qui se confortera dans le sentiment d’être rejeté par les institutions. Chaque soir, Hanouna réunissait plus d’un million de fidèles : étaient-ils les seuls à consommer un contenu divertissant mais peu qualitatif ?

 

Eux n’ont pas été sanctionnés

Quid des chaines renouvelées qui continueront d’émettre des programmes qui ne relèvent pas le niveau général ? Téléréalités botoxées, infos répétées en boucle (CNEWS – BFMTV…), journaux télévisés aseptisés (TF1…), émissions où les ricaneurs masquent mal leurs préférences politiques ou l’absence de certains invités politiques représentant plus de 10 millions de voix (Cf Quotidien) : eux continueront d’émettre au plus grand nombre. Et de désinformer sans même être sanctionné. 

 

Quand Léa Salamé invite sur France 2, le docteur Saldmann, connu pour vendre des livres qui regorgent d’impostures scientifiques (le docteur affirmait que les vacances faisaient perdre 20 points de QI), que fait l’Arcom ? Et que faisait l’Arcom quand Quotidien invitait des charlatans vendant des méthodes de lecture rapide qui vous auraient soi-disant permis de lire 300 pages en 20 minutes ? Ou que dire de TF1 qui raconte des bêtises sur les pompes à chaleur ou sur les voitures électriques ? 

 

Les régulateurs dépassés… 

Alors bien sûr, il n’est pas aisé de contrôler l’océan de fake news qui se déverse sur l’information, toutes les chaînes peuvent se tromper, certains en sont plus coutumiers que d’autres. Mais il est quand même hallucinant que passer sur un plateau télé soit le gage d’une crédibilité non vérifiée. Le sensationnalisme se départit souvent d’esprit critique, et les régulateurs auront bien du mal à trier la bonne information de l’ivraie. De quoi pénaliser les questions écologiques, qui réclament lucidité et clarté. A moins que… 

 

… pas les communautés

Personne n’est à l’abri de dire des bêtises, nous y compris, certains en disent plus que d’autres. 

Comment y faire face ? 

1 : en retrouvant la déontologie dont font preuve un certain nombre de journalistes

2 : en s’appuyant sur les communautés. 

Grâce à votre soutien, nous avons pu vérifier un certain nombre de faits, informer, et éviter le plus possible de désinformer. Les communautés sont puissantes, car elles regroupent des passionnés, dont certains ont une connaissance du terrain qui sera souvent bien supérieure à certains articles qui ne font que se citer les uns les autres.

 

Remerciement

Ensemble, nous sommes donc plus forts, alors un grand merci à notre communauté de lucioles qui nous apportent une précieuse lumière dans la nuit de la désinformation. L’espace commentaire est à vous. Et n’oubliez jamais : le dernier recours, c’est votre esprit critique ! 

Barrage d'Assouan, Albéric

Le véritable secret de l’électricité : comment Assouan assouvit l’Egypte 

L’impact environnemental de l’hydroélectrique : étude de cas sur le barrage d’Assouan

 

Lorsque l’on évoque les énergies renouvelables, l’une des critiques revenant le plus souvent concerne leur intermittence. C’est pourquoi l’énergie hydroélectrique, issue des barrages (républicains ou non) principalement, est si utile. Le débit du cours d’eau étant régulier, c’est l’une des rares sources produisant une grande quantité d’énergie de manière pilotable. 

Le barrage d’Assouan, situé dans le sud de l’Égypte, permettait ainsi de fournir en électricité la moitié du pays à l’origine dans les années 1970, contre 12% seulement en 2013 pour l’intégralité des installations hydroélectriques. 

Dans son cas, son rôle n’est pas seulement de fournir en électricité la population. Ceux qui se souviennent de leurs cours d’histoire de 6e se rappelleront que l’une des grandes richesses de l’Égypte antique résidait dans les plaines fertiles du Nil. Chaque année, lors de la crue puis la décrue, le Nil débordait et recouvrait les rives de limon, riche en minéraux, fertilisant naturellement les sols. 

Cependant, cela a soumis la production agricole aux caprices du fleuve, qui en cas de grosse crue ravageait et inondait les villages, ou à l’inverse provoquait sécheresses et famines. Le barrage a alors servi à réguler les humeurs du Nil et à assurer un débit régulier et fiable tout au long de l’année, permettant plusieurs récoltes par an, au détriment de l’apport en limon. 

Avec un flux plus ou moins constant, les croisières sur le Nil se retrouvent facilitées, notamment en période hivernale, bien que leur impact écologique nous force à les déconseiller.

Cependant, il serait incorrect de penser que l’hydroélectrique et les barrages n’ont que des avantages. Il est bon de rappeler concrètement quels sont les problèmes qu’ils impliquent. 

Tout d’abord, il faut bien construire ces installations titanesques (le barrage d’Assouan fait 3,6km de long ; 111m de haut ; 980m de large à la base et retient près de 169km3 d’eau). Or le principe de l’hydroélectrique (la conversion de l’énergie potentielle de l’eau retenue en hauteur en énergie mécanique) implique que les barrages soient construits en hauteur, dans des zones parfois difficiles d’accès, ce qui demande davantage de ressources que lorsque l’on peut construire une centrale nucléaire, un champ d’éoliennes ou de panneaux solaires. 

Ensuite, l’apport en eau à certes permis une augmentation des terres agricoles grâce à une irrigation permanente, qui offre également la possibilité de réaliser plusieurs récoltes par an, mais cela s’est traduit par une hausse considérable de la demande en eau, et donc un abaissement du niveau du lac de retenue en plus d’un appauvrissement des sols. 

A cela il faut ajouter l’impact de la rétention d’une eau qui s’écoulait autrefois librement. Cette eau charriait près de 110 millions de tonnes de sédiments par an, ce qui formait le limon, et dont seulement 1,5 à 4% se retrouvent au-delà du barrage aujourd’hui. 

Les sols souffrent donc d’une double peine : ils sont de moins en moins riches à cause de cette perte et de plus en plus pauvres à cause de la surexploitation. Une autre conséquence de cette retenue est l’érosion accrue des sols au niveau du delta du Nil, sans les sédiments charriés par le fleuve, ce dernier ne peut plus faire face aux courants marins et la ligne de côte se réduit d’année en année. 

Ce phénomène remonte déjà aux premiers barrages construits sur le Nil, ainsi entre 1898 et 1926, le phare de Rosette qui se situait à près d’un kilomètre de la mer s’est retrouvé les pieds dans l’eau. 

Enfin, l’une des plus grandes tragédies causées par le barrage d’Assouan est humaine et culturelle. En effet, il arrive fréquemment qu’un barrage entraîne l’inondation de villages et habitations situés en amont pour créer le lac de rétention. Dans le cas du Haut barrage, ce sont les terres des Nubiens, qui ont été englouties, entraînant le déplacement de plusieurs dizaines de milliers de personnes, et l’émigration d’une grande partie d’entre eux. 

Enfin, la montée des eaux a condamné de nombreux monuments historiques Égyptiens, vieux de plusieurs millénaires, même si grâce aux efforts de la communauté internationale, les imposants temples d’Abu Simbel et de Philae ont pu être déplacés et sauvegardés.

 

Pour aller plus loin, la question de l’impact sur la biodiversité et surtout l’assèchement des fleuves causés par la création de barrages est abordée dans l’ouvrage de Guillaume Pitron, L’Enfer numérique, où il aborde le cas du barrage de Letsi en suède, qui a causé le tarissement du fleuve Lilla Luleälven, un bras du Luleälven. Il cite notamment un rapport du WWF de 2019 sur l’hydroélectrique, qui critique une trop grande focalisation sur les questions de CO2 au détriment de l’impact global sur l’environnement, dans une acception plus large, incluant la biodiversité, la richesse des sols et la qualité de vie.

melange

Loi Fast Fashion : de la poudre de perlimpinpin

Mode jetable, la faible victoire 

Jeudi 14 mars, l’Assemblée Nationale a pris des mesures pour pénaliser la Fast Fashion. Sauf que tout ça n’est qu’un nuage de fumée. De la poudre de perlimpinpin. Ecolucide vous explique pourquoi . A première vue, cette loi est une excellente nouvelle : la France devient le premier pays à prendre des mesures contre ce qu’on appelle la « fast fashion ». Réjouissant. Cocorico ! Mais ne sommes nous pas juste en train de crier victoire sur un tas de fumier ?  Arrêtons toute hypocrisie et faux semblant : cette loi ne changera rien. Ecolucide rabat joie ? Peut être, mais avant de nous traiter de vieux réac, examinons cette loi. Que nous dit elle ?

 

Des critères très flous pour définir la fast fashion 

La proposition de loi définit la « fast fashion » avec des critères fondés sur les volumes produits et la vitesse de renouvellement. Sauf… que la loi ne définit rien, pas de seuil de référence (censé être fixé par décret),  ce qui rend le texte plus fragile en cas de recours. A priori, ce sont les enseignes proposant plus de 1000 références par jour qui seront visées, une enseigne comme Shein en propose plus de 7000 quotidiennement. A côté de ça, Zara joue dans la petite catégorie : 7000 nouveaux produits… par an. C’est dire qu’une loi était plus qu’urgente face à une telle aberration. 

 

Cependant 

Et bien oui cependant : car si on se penche sur le contenu de cette loi, c’est encore bien trop bon pour ce que nous coûte écologiquement toute cette camelote. La loi ne fixe pas le montant précis de pénalité par article vendu. Tout au plus prévoit t elle d’être progressive, avec une pénalité maximale de 10 euros par article en 2030. De quoi fortement limiter l’attractivité de ce magnifique t-shirt.  Les montants de ces pénalités seraient reversées aux enseignes durables (mais lesquelles ?) 

 

Blague à part 

Toute mesure qui peut mettre un frein à cette folie consumériste est en soi une bonne chose. Par ailleurs, la loi prévoit l’interdiction de contenu publicitaire lié aux « collections et accessoires à renouvellement très rapides ». Et il faut avouer qu’il ne serait pas déplaisant de voir un débouché supplémentaire se fermer pour nos influenceurs gavés d’or et de cheikhs cadeau. Néanmoins, en admettant que Shein ou que Temu ne vendent plus que 999 nouveaux articles chaque jour, croit on que tout s’arrangera par miracle ? Que les petits esclaves chinois seront soudain libérés ? Que l’industrie textile française rayonnera de nouveau ? 

 

In fine 

Pimkie, Camaïeu, San Marina, Kookaï, Kaporal…, les Français tombent au champ d’honneur.  Tandis qu’ici et d’ailleurs, Zara, H&M, Uniqlo ou Primark triomphent, l’on s’y rue frénétiquement et l’on se rachète une bonne conscience en achetant de temps en temps sur Vinted. Se contenter de cette loi, c’est croire qu’une chiquenaude renversera les montagnes. Alors à nous, à vous nos chères écolucioles, de proposer une véritable sortie à cette impasse. Sans quoi le coq chantera effectivement sur son tas de fumier. 

Sources 

https://rmc.bfmtv.com/actualites/economie/loi-sur-la-fast-fashion-les-consommateurs-seront-les-premiers-impactes-previent-shein-france_AV-202403140325.html

https://www.presse-citron.net/plus-fort-que-zara-et-hm-4-chiffres-fous-sur-shein/

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/2129/CION-DVP/CD54.pdf

https://www.lefigaro.fr/conso/shein-temu-des-mesures-pour-penaliser-la-fast-fashion-adoptees-par-l-assemblee-20240314

 
Ride-Alone-WWII-US-Propaganda-Poster

Conduire seul, conduire avec Hitler

Qui a battu Hitler ? 

Cette affiche a réellement existé.  Contexte : la Seconde Guerre mondiale. Et l’or noir est le nerf de la guerre.  

En effet, les champs pétroliers roumains, qui abreuvent l’Allemagne nazie, s’épuisent. Alors les Allemands fabriquent un carburant de synthèse via l’hydrogénation du charbon. Mais les rendements sont très moyens. 

 Les Japonais sont à sec : à Bornéo, leur port pétrolier principal est pris pour cible. Dans une tentative désespérée, le Japon essaiera même de produire du carburant avec des racines de pins.  P(e)in(e) perdu(e). 

Morale de l’histoire : plus de covoiturage = moins de nazis et moins de CO2 

De leur côté, les Américains contrôlent, en 1941, 60 % de la production mondiale de pétrole. Plus de 3 millions de barils par jour. Mais la guerre est gourmande en énergie, et Tonton Sam s’inquiète. 

Alors le gouvernement américain encourage son peuple à économiser les ressources vitales : la nourriture comme le carburant. Pas évident quand on sait que pour un Américain, conduire une voiture c’est un droit sacré.

Le déni de la dépendance

Pourquoi vous raconter ça ? Parce que notre société est toujours murée dans le déni de sa dépendance. L’histoire de l’or noir éclaire l’histoire des relations internationales contemporaines. Mais “Big Oil” n’est pas éternel. Alors quelle histoire écrirons-nous demain ?  

Humanitaire, Humain à terre

Humanitaire, humains à terre ?

Humanitaire, humains à terre ?

Tout a commencé il y a un an. Fraîchement débarqué dans une école de commerce, j’entends qu’une asso étudiante y organise régulièrement des “Missions de Solidarité Internationale”. Et les destinations ne manquent pas. Un mois pour bâtir une école et rencontrer des locaux, un mois pour explorer des pays comme le Togo, un mois pour se rendre vraiment utile… Quoi de plus alléchant pour justifier une empreinte carbone légèrement supérieure à la moyenne ? Et puis, j’en discute avec une amie, qui me dit si justement : “En allant construire une école alors que tu n’en as aucune compétence, tu ne crois pas que tu vas justement prendre l’emploi de ceux qui ont cette compétence sur place ?”. Implacable.

En quête de certitudes, je me tourne vers la communauté Écolucide : l’humanitaire n’est- ce pas une vaste arnaque de plus ? Vous êtes très nombreux à répondre, et vos expériences sont diverses. Disons qu’il y a du bon, et du beaucoup moins bon. Alors essayons de faire le tri, vu que c’est écolo.

L’humanitaire, c’est un sacré fourre tout. L’humanitaire, c’est le bras armé de l’humanitarisme, qui se fonde sur le respect et la solidarité entre êtres humains. En 1864, sur le champ de bataille de Solférino, Henri Dunant, suisse de son état, est choqué de voir à quel point les blessés sont livrés à eux mêmes : la Croix Rouge est née. Elle est la digne fille de la déclaration des Droits de l’homme, où la condition d’une humanité partagée, d’une humanité blessée, dépasse les intérêts nationaux. La mondialisation n’aura de cesse d’élargir l’aide humanitaire, quitte à titiller les gardiens des frontières (les Etats). C’est la création de Médecins sans Frontières en 1971, peu après la guerre civile nigériane.

Parler d’humanitaire, c’est parler d’aide humanitaire. Et ça n’est pas tout et n’importe quoi. Primo, il faut identifier des personnes vulnérables. La vulnérabilité peut être critique et très soudaine, : c’est tout le sens de l’aide d’urgence, et le but de l’humanitaire est alors de répondre à des catastrophes naturelles ou d’origine anthropique (les guerres par exemples). Dans une acception plus large, l’humanitaire lutte aussi contre la pauvreté : c’est  l’aide au développement. Une fois les personnes identifiées, et les risques considérés, il faut alors évaluer l’assistance nécessaire, recruter des équipes compétentes pour intervenir sur place, veiller chaque jour à la bonne utilisation des fonds et à la logistique, respecter des standards, et surtout : prévoir une stratégie de sortie. Parce que tout ça ne doit pas durer éternellement.

En 1987, le Live Aid rassemble les plus grands artistes de l’époque (U2, David Bowie, Queen…) et récolte plus de 127 millions de dollars pour soulager la famine éthiopienne. Les ONG (organisation non gouvernementales), récoltent les dons à travers le monde. Et ça représente beaucoup d’argent. A la fin des années 2000,  une multinationale comme Oxfamaffiche par exemple un budget qui avoisine les 5 milliards de dollars : cinq fois plus que le PIB du Burundi à la même époque. S’il existe un certain nombre de réussites indéniables, l’aide internationale n’a pas eu que des vertus. Dans un ouvrage choc, intitulé Pourquoi l’aide ne fonctionne pas, et pourquoi il y a une meilleure voie pour l’Afrique, Dambisa Moyo, économiste zambienne, déclare même que l’aide internationale maintient l’Afrique dans la pauvreté, la dépendance encourageant en effet la corruption. Un constat que tout le monde ne partage pas, mais qui a le mérite d’appeler à une analyse plus lucide de l’efficacité d’une action humanitaire.

Il est temps de mettre les choses au clair : Si une agence vous demande de régler les dépenses et les billets d’avion pour une mission de quelques semaines, CE N’EST PAS DE L’HUMANITAIRE ! C’est du volontourisme. Et votre seule bonne volonté n’est pas un critère suffisant pour partir au bout du monde, contrairement à ce que certains voudraient vous faire croire. Partir en mission humanitaire, ça demande des compétences, une formation. Folle arrogance de certains, que de croire que du haut de leur vingt ans (peu importe l’âge), ils seraient plus apte, à donner des cours de langue, bâtir, ou administrer des soins, qu’un personnel plus qualifié qu’eux sur place.

Payer 6 000 euros pour donner un coup de peinture, remblayer, puis partir en trek, ce n’est pas de l’humanitaire. C’est d’abord du business, certains en ont fait leur coeur de métier comme Project Abroad et ses 600 salariés. Attention aussi à l’image renvoyée. Seriez vous heureux qu’un cortège de Japonais vienne distribuer de la nourriture en France et prendre deux trois photos avec des enfants (sans le consentement des familles) pour alimenter leurs réseaux sociaux ? Est ce que ça vaut vraiment le coup de cramer plusieurs tonnes de carbone pour nouer des liens avec des gens que vous ne verrez plus dans trois semaines (pas terrible pour la stabilité émotionnelle des enfants au passage) ?

Si le Cambodge est passé en 30 ans de 7 000 à 37 000 orphelins, c’est d’abord parce que certains ont compris que la compassion des Occidentaux rapporte gros. Voilà pourquoi une mission humanitaire sérieuse doit être passée au crible de toutes ses conséquences. On dit que la route vers l’enfer est pavée de bonnes intentions, alors attention. Si vous décidez de partir, privilégiez des dispositifs encadrés, comme par exemple, le volontariat de solidarité internationale. Ok, Écolucide, mais je ne veux pas me prendre la tête, je veux juste voyager, et quitte à cramer beaucoup de kérosène, autant me rendre utile non ? Outre que ce discours n’est pas très responsable, il ne faut pas faire tout et n’importe quoi. Ex : si vous comptez distribuer gratuitement vos habits de fond de tiroir, abstenez vous. Vous flinguez l’économie locale, alors achetez plutôt chez les commerçants du coin, ce sera déjà mieux.

Vous voulez aider ? Pas besoin de jouer les héros sur Linkedin avec une expérience en volontourisme. Vous ne vous différencierez que de ceux qui ne sont pas tombés dans le panneau. Faire de l’humanitaire ailleurs, c’est très exigeant, peut être trop. Alors pourquoi partir (ça vaut aussi pour le tourisme) ? Près de chez vous, des associations vous tendent les bras : Secours Populaire, Secours Catholique, Restos du Coeur, le Rocher, les Petites Soeurs des Pauvres… Et tant d’autres qui se battent pour les plus vulnérables. Aide matérielle, financière, éducative, émotionnelle : tout le monde y trouvera son compte, et l’on y fait de magnifiques rencontres. D’aucuns diront que c’est moins sexy, certes. Mais tellement plus authentique, plus durable, plus lucide… Bref, pas d’excuse pour ne pas se rendre utile.

Capture d’écran 2024-01-06 à 16.33.16

Ecolo contre chemin de fer, ça commence à bien faire !

La LGV Lyon-Turin ou quand les « écolos » déraillent 

Disclaimer 

Mesdames et messieurs, chères lucioles, l’embarquement de notre train en destination de l’Absurdistan est bientôt terminé. Et les idéologues de s’empresser d’y faire monter les plus crédules. De monter au créneau contre la construction d’une ligne ferroviaire, qui doit relier Lyon à Turin. J’entends déjà les critiques venir : “Comment, vous qui vous dites lucides, vous osez défendre un projet industriel ? Vous osez critiquer les militants ? Vous osez critiquer la mobilisation des Soulèvements de la Terre ?” Avant de poursuivre, je pense que nous n’avons eu de cesse de vous témoigner de notre engagement écologique sincère. Mais toujours au nom d’une écologie qu’on s’efforce de rendre lucide. Et de lucidité certains en manquent. Surtout quand calcul politique et manipulation de bas étage s’en  mêlent. Sans oublier certains médias qui n’en sortent pas grandis… Mais lançons-nous. 

Aux origines de Lyon-Turin 

La Transalpine, ou liaison ferroviaire entre Lyon et Turin, est un projet de ligne de chemin de fer mixte voyageurs/fret à travers les Alpes. À l’origine la ligne est une idée de Louis Besson, maire de Chambéry dans les années 1980. Mais le projet stagne. Tout s’accélère à partir de 1999. Incendie du tunnel du mont Blanc, 39 morts. Le trafic routier est reporté sur la vallée de la Maurienne. Problème : 5000 camions défilent quotidiennement. Bonjour la pollution, et les axes de circulation saturés. Ce qui est assez mal vécu. Côté italien comme côté français, le projet commence à fédérer, collectivités territoriales, élus, et ministres (Michel Rocard par ex). Après enquête, le projet est déclaré d’utilité publique en 2013.

Ça donne quoi ? 

Le projet est très complexe, alors laissons parler les cartes. En vert et bleu, les plans des futures sections comparées aux lignes existantes en noir. 

L’intérêt écologique de Lyon-Turin 

La nouvelle liaison s’étendrait sur environ 270 km. La section française s’étend jusqu’à Saint-Jean-de-Maurienne (140 km), et la partie franco-italienne subventionnée en partie par l’UE. Cette dernière comprend notamment le tunnel de base du mont Cenis, long d’environ 60 km. La partie française de la ligne franchira notamment 8 tunnels et 6 viaducs. Le coût total du projet est estimé à une bonne vingtaine de milliards d’euros, dont un peu plus de 8 pour la partie franco-italienne. 

Certes me direz-vous, mais quel est l’intérêt écologique de cette ligne ? Premièrement, le temps de transport. La nouvelle liaison voyageurs à grande vitesse permettra de relier Lyon à Turin en 1 h 45 contre environ 4 h actuellement, et même Barcelone à Milan en 6 h 30 au lieu de plus de 12. Un argument de plus pour prendre le train, ce qui déchargerait par exemple la ligne Lyon-Grenoble (saturée) en dégageant des sillons bienvenus pour le trafic des TER.

Mais au-delà des voyageurs, l’énorme intérêt c’est le transport des marchandises bas carbone : plus de 50 millions de tonnes de marchandises pourraient être transportées par train. Aujourd’hui, environ 40 millions de tonnes de biens marchands s’échangent déjà entre la France et l’Italie, sauf que les flux ferroviaires ne représentent plus que 4 millions de tonnes, contre 11 auparavant. Les camions se taillent la part du L(y)on. Pourquoi cet effondrement ? La désindustrialisation, mais surtout la concurrence de la Suisse, qui a largement subventionné son rail. Et la concurrence ça fait du dégât. 

Du gaspillage, vraiment ? 

À en croire Mathilde Panot, Lyon-Turin, « c’est un projet écocidaire et de gaspillage de l’argent public ». Les arguments principaux contre la Transalpine les voici : 

Le projet serait un gouffre financier : parce qu’arrêter le projet ne serait pas un énorme gâchis ? Au contraire, les coûts ont pour l’instant globalement été maîtrisés, et sont assez cohérents avec ce qu’ont fait les Suisses à Saint Gothard. La Cour des comptes a même calculé une rentabilité de 4 %. 

On aurait d’autres options. Pour les opposants, la ligne existante qui passe par le tunnel de Fréjus serait largement suffisante. Problème : sa capacité journalière de 50 trains est insuffisante, loin des 120 qui pourraient transiter par le tunnel du mont Cenis. De plus, les fortes pentes du tunnel de Fréjus, ses virages serrés et sa hauteur, ses sections à moins de 30 km/h sont insuffisants pour accueillir des trains de 2000 tonnes. Autrement dit : le transport y est donc plus coûteux, donc bien moins compétitif que le transport en camion. 

Inutile et dangereux ? 

Le projet serait inutile faute de trafic suffisant, un trafic qui serait surestimé : Que l’on surestime ou sous estime le trafic, il y a forcément des incertitudes.  La ligne TGV Grand Est avait par ex largement dépassé les attentes, et côté suisse le trafic ferroviaire a plutôt bien  suivi les importants investissements consentis. Quoi qu’il en soit, se doter d’un rail compétitif est une condition indispensable à la relocalisation industrielle, face à la concurrence des ports mondialisés. 

Un projet qui assècherait la montagne :  Contrairement à ce que certains médias veulent laisser croire, la construction de la Transalpine ne va pas assécher la montagne (cc Reporterre !). Dans le passé, des milliers de kilomètres de tunnels ont déjà été creusés dans les Alpes, sans qu’on constate pour autant un assèchement. Sur 170 points de mesures, seuls 9 présentent des perturbations, mais on parle ici de légères diminutions de débit.  

La dangerosité : certains se sont alarmés d’une potentielle présence d’amiante dans les galeries, mais à nouveau, rien n’a été détecté en creusant les tunnels de reconnaissance…

A deux doigts de découvrir que tout a un impact 

 Il est évident que construire une telle ligne a aussi un impact négatif sur l’environnement. Mais ce qui  n’a pas d’impact, ça n’existe pas. Et ça vaut pour  le nucléaire comme pour l’éolien. Alors on fait ce qu’on veut ? Non car en matière d’environnement, on établit entre différents scénarios un ratio avantages/inconvénients. Pour la Transalpine, le  Conseil général de l’environnement et du Développement Durable, estime que son poids CO2 ne sera compensé qu’en 2037 à l’issue des travaux.  

Doit-on pour autant renoncer à un projet qui bénéficiera à tant de générations ? Serait-on assez naïf pour vouloir la fin du commerce transalpin ? Voudrait-on se priver d’une opportunité de relocalisation industrielle ? Croit-on vraiment que les camions traverseront les Alpes avec du carburant 100 % bio entre-temps ? Oublie-t-on qu’un accident de camion le long du lac du Bourget entrainerait des conséquences catastrophiques sur ce grand réservoir d’eau douce? 

Chaos ou résilience, il faut choisir 

On arrive au coeur du problème : du même ordre d’argument que les opposants au nucléaire finissent toujours par ressortir, une fois bon nombre de leurs arguments écartés : “oui ok mais avec ça vous allez juste alimenter la fuite en avant vers une société qui consomme toujours plus. La seule issue c’est de décroître” Je n’ai rien contre la décroissance, mais je pense qu’elle relève de la paresse intellectuelle lorsqu’elle est systématique. Au contraire, nos sociétés auront besoin d’aménagements durables pour amortir les conséquences de la crise écologique. C’est ce qu’on appelle la résilience. Et le train a son mot à dire.  

Mais ne soyons pas naïf, le train n’est pas une fin en soi. Parce que cette nouvelle ligne doit s’inscrire dans une politique d’ensemble.  Parce que cette ligne aura un réel intérêt à condition d’un report modal du camion vers le train. Ce qui demandera un peu de volonté politique. 

Complaisance médiatique et opportunisme politique 

Désinformation, polarisation du débat, instrumentalisation, la Transalpine n’a pas été épargnée. Une brèche dans laquelle les Soulèvements de la Terre, LFI, EELV et tant d’autres, se sont engouffrés. Là où le projet fédérait jusqu’ici à droite comme à gauche, certains préfèrent faire avancer leur agenda politique

Et mentir ne fait pas peur : plus c’est gros, plus ça passera. En témoignent, les Soulèvements de la Terre qui ont revendiqué 50 blessés grave lors d’une manif anti-Transalpine en Maurienne. Sauf que ces blessés, les secouristes présents sur place les cherchent encore. L’idéologie aveugle, quitte à supplanter intérêts économiques, sociétaux et environnementaux. Oui la Transalpine n’est pas parfaite, mais ses multiples avantages pèseront bien peu face aux saboteurs du débat public. A nous de rétablir un peu de lucidité. 

Biblio : 

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-eco/l-edito-eco-du-mercredi-21-juin-2023-2890288

https://www.lepoint.fr/faits-divers/manifestation-anti-lyon-turin-des-dizaines-de-victimes-introuvables-20-06-2023-2525188_2627.php

https://www.nouvelobs.com/ecologie/20230621.OBS74801/lgv-lyon-turin-pourquoi-les-militants-ecolos-s-opposent-au-projet.html

« EU transport infrastructures: more speed needed in megaproject implementation to deliver network effects on time » [archive] [PDF], sur Cour des comptes européenne, 2020, p. 30.

https://www.lepoint.fr/environnement/tunnel-lyon-turin-le-vrai-du-faux-17-06-2023-2524818_1927.php

https://www.transalpine.com/documentation/document-officiels/conclusions-de-la-commission-denquete-publique-de-la-liaison

cda2022_actu_just_stop_oil_van_gogh_national_gallery_londres_tomate-tt-width-1200-height-630-fill-0-crop-1-bgcolor-ffffff

Touche pas à mon art !

Ou pourquoi les activistes « écolo » se trompent de cible 

Ils ont osé 

National Gallery, Londres. Vendredi 14 octobre. Des jeunes activistes du mouvement Just stop Oil balancent de la soupe à la tomate sur les Tournesols de Van Gogh.  En mai dernier, c’était la Joconde qui se voyait entartrée. Dans un musée australien, des militants se collent la main à un Picasso. Idem en Italie, où ce sera au tour de Boticelli. Hier encore, Monet a eu le droit à son lot de purée. A la clé, une énorme visibilité à peu de frais (judiciairement ça se discute), un phénomène qui se répand à coup de mimétisme, et la bonne volonté d’interpeller sur la crise environnementale. Alors haro sur l’art ! Pourtant, ni l’art , ni l’environnement n’en sortent véritablement gagnants, peut-être parce qu’ils sont beaucoup plus liés qu’on ne le pense. 

Après tout c’est pour la bonne cause… 

Bien sûr, ces militants ont tout un tas de circonstances atténuantes. L’écologie est trop souvent balayée sous le tapis de l’économie, du court terme. Parler de changement climatique, de raréfaction des ressources hydrocarburées, d’extinction de la biodiversité, c’est angoissant. Par peur, on préfère souvent détourner le regard, là où il faudrait anticiper pour l’avenir. Les activistes n’ont pas forcément tort car ils nous poussent à regarder ce qu’on ne veut plus voir. Encore faut-il ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. 

Quelles répercussions ? 

Protégée par une fine vitre, la peinture de Van Gogh n’a subi aucun dégât. Ça valait bien plus de 48 millions de vues sur twitter. Sauf que si on regarde plus attentivement on s’aperçoit : 

1 : Que l’événement a donné du grain à moudre à la machinerie climatojemenfoutiste

2 : Que le grand public semble avoir très moyennement apprécié (si l’on en croit la majorité des réactions sur les réseaux sociaux). 

3 : Que même parmi les écologistes, cette action a suscité un grand débat. Le tweet d’Hugo Clément à ce sujet était assez éloquent

L’art attaqué 

Certes, ce genre d’événements ramènent les questions climatiques au centre de l’actu. Mais on peut raisonnablement penser que ce n’est pas vraiment à bon escient. Pire, le symbole est désastreux. Certes, l’œuvre de Van Gogh n’a pas subi de dégât physique, certes, il n’y avait pas de mauvaise volonté (l’enfer est peuplé de bonnes intentions), pourtant, c’est sur l’art tout entier que cette soupe dégouline. Ou en tout cas sur une certaine vision de l’art. Un art qui transfigure l’idéal de beauté. 

Qu’est ce que le beau ? 

Peut-on vraiment distinguer les belles œuvres ? Mouillons nous un peu. Oui le beau existe, oui l’art devrait toujours poursuivre l’idéal de beauté, non, tout n’est pas une affaire “de goûts et de couleurs”.  Dans la Critique de la faculté de juger, Emmanuel Kant nous donne à penser que que la beauté est une satisfaction désintéressée : “est beau ce qui plaît universellement et sans concept”. Certes, la beauté est d’abord vécue dans l’expérience subjective, pourtant, tout se passe comme si ce que l’on trouve beau a une valeur universelle. C’est ce que Kant appelle l’universalité subjective. L’attrait pour les choses belles : voilà le bon goût. Sans pour autant être musicien, indistinctement de notre classe sociale, nous entendons les fausses notes, comme si nous avions déjà en nous le sens d’une harmonie préétablie.  Pour déployer cette intuition esthétique en nous, il ne manque plus que l’éducation aux belles choses. 

La beauté perdue 

Loin de vouloir classer tout ce qui est beau de tout ce qui est laid (d’autres le feraient mieux que nous), je pense que l’idéal de beauté marche de concert avec l’écologie. Blocs de béton, maisons préfabriquées, haies arrachées : les dégâts sont tout autant environnementaux que paysagers. Nous avons partiellement renoncé à la beauté. Le philosophe Jean Baudrillard porte une analyse assez intéressante à ce sujet : chassé d’un art toujours plus conceptuel, l’esthétisme s’est réfugié dans les objets de consommation : Publicité, design, mode… Le numérique est alors un allié tout trouvé : là s’y bâtissent des mondes virtuels souvent époustouflants. A coup de bombardements d’images éphémères, les réseaux sociaux se taillent aussi une part de lion. 

Retrouver la beauté de notre monde 

Si le numérique n’apportait que des malheurs, il y a bien longtemps que nous aurions quitté les réseaux sociaux. Toutefois, il est grand temps de reprendre prise sur un monde physique en péril. De quelle façon ? 1 : il faut agir. Mais 2, et on l’oublie trop souvent, nous devons retrouver notre capacité à nous émerveiller, à prendre conscience de la fragilité des choses. Il est grand temps de réapprendre à habiter notre monde , à y déceler les beautés qu’on voudra protéger. Et l’art en fait intégralement partie.

Conseil aux activistes 

Contempler une forêt, déambuler dans un musée, c’est, si l’on veut bien élever notre regard, accéder à une forme de transcendance. Prendre conscience de cette transcendance: c’est faire preuve d’humilité. Cette même humilité, qui nous remet au contact de la terre : le humus. N’en déplaise aux hors-sols. N’en déplaise aussi à ceux qui pensent que le bien-être matériel doit systématiquement passer avant toute préoccupation esthétique ou patrimoniale (certains s’indignaient par exemple que l’incendie de Notre Dame eût suscité un seul instant plus d’émotion que le coût de la vie en France). Oui, il y a des choses qui nous dépassent. Des choses qui nous obligent.