Barrage d'Assouan, Albéric

Le véritable secret de l’électricité : comment Assouan assouvit l’Egypte 

L’impact environnemental de l’hydroélectrique : étude de cas sur le barrage d’Assouan

 

Lorsque l’on évoque les énergies renouvelables, l’une des critiques revenant le plus souvent concerne leur intermittence. C’est pourquoi l’énergie hydroélectrique, issue des barrages (républicains ou non) principalement, est si utile. Le débit du cours d’eau étant régulier, c’est l’une des rares sources produisant une grande quantité d’énergie de manière pilotable. 

Le barrage d’Assouan, situé dans le sud de l’Égypte, permettait ainsi de fournir en électricité la moitié du pays à l’origine dans les années 1970, contre 12% seulement en 2013 pour l’intégralité des installations hydroélectriques. 

Dans son cas, son rôle n’est pas seulement de fournir en électricité la population. Ceux qui se souviennent de leurs cours d’histoire de 6e se rappelleront que l’une des grandes richesses de l’Égypte antique résidait dans les plaines fertiles du Nil. Chaque année, lors de la crue puis la décrue, le Nil débordait et recouvrait les rives de limon, riche en minéraux, fertilisant naturellement les sols. 

Cependant, cela a soumis la production agricole aux caprices du fleuve, qui en cas de grosse crue ravageait et inondait les villages, ou à l’inverse provoquait sécheresses et famines. Le barrage a alors servi à réguler les humeurs du Nil et à assurer un débit régulier et fiable tout au long de l’année, permettant plusieurs récoltes par an, au détriment de l’apport en limon. 

Avec un flux plus ou moins constant, les croisières sur le Nil se retrouvent facilitées, notamment en période hivernale, bien que leur impact écologique nous force à les déconseiller.

Cependant, il serait incorrect de penser que l’hydroélectrique et les barrages n’ont que des avantages. Il est bon de rappeler concrètement quels sont les problèmes qu’ils impliquent. 

Tout d’abord, il faut bien construire ces installations titanesques (le barrage d’Assouan fait 3,6km de long ; 111m de haut ; 980m de large à la base et retient près de 169km3 d’eau). Or le principe de l’hydroélectrique (la conversion de l’énergie potentielle de l’eau retenue en hauteur en énergie mécanique) implique que les barrages soient construits en hauteur, dans des zones parfois difficiles d’accès, ce qui demande davantage de ressources que lorsque l’on peut construire une centrale nucléaire, un champ d’éoliennes ou de panneaux solaires. 

Ensuite, l’apport en eau à certes permis une augmentation des terres agricoles grâce à une irrigation permanente, qui offre également la possibilité de réaliser plusieurs récoltes par an, mais cela s’est traduit par une hausse considérable de la demande en eau, et donc un abaissement du niveau du lac de retenue en plus d’un appauvrissement des sols. 

A cela il faut ajouter l’impact de la rétention d’une eau qui s’écoulait autrefois librement. Cette eau charriait près de 110 millions de tonnes de sédiments par an, ce qui formait le limon, et dont seulement 1,5 à 4% se retrouvent au-delà du barrage aujourd’hui. 

Les sols souffrent donc d’une double peine : ils sont de moins en moins riches à cause de cette perte et de plus en plus pauvres à cause de la surexploitation. Une autre conséquence de cette retenue est l’érosion accrue des sols au niveau du delta du Nil, sans les sédiments charriés par le fleuve, ce dernier ne peut plus faire face aux courants marins et la ligne de côte se réduit d’année en année. 

Ce phénomène remonte déjà aux premiers barrages construits sur le Nil, ainsi entre 1898 et 1926, le phare de Rosette qui se situait à près d’un kilomètre de la mer s’est retrouvé les pieds dans l’eau. 

Enfin, l’une des plus grandes tragédies causées par le barrage d’Assouan est humaine et culturelle. En effet, il arrive fréquemment qu’un barrage entraîne l’inondation de villages et habitations situés en amont pour créer le lac de rétention. Dans le cas du Haut barrage, ce sont les terres des Nubiens, qui ont été englouties, entraînant le déplacement de plusieurs dizaines de milliers de personnes, et l’émigration d’une grande partie d’entre eux. 

Enfin, la montée des eaux a condamné de nombreux monuments historiques Égyptiens, vieux de plusieurs millénaires, même si grâce aux efforts de la communauté internationale, les imposants temples d’Abu Simbel et de Philae ont pu être déplacés et sauvegardés.

 

Pour aller plus loin, la question de l’impact sur la biodiversité et surtout l’assèchement des fleuves causés par la création de barrages est abordée dans l’ouvrage de Guillaume Pitron, L’Enfer numérique, où il aborde le cas du barrage de Letsi en suède, qui a causé le tarissement du fleuve Lilla Luleälven, un bras du Luleälven. Il cite notamment un rapport du WWF de 2019 sur l’hydroélectrique, qui critique une trop grande focalisation sur les questions de CO2 au détriment de l’impact global sur l’environnement, dans une acception plus large, incluant la biodiversité, la richesse des sols et la qualité de vie.

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