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Ecolo contre chemin de fer, ça commence à bien faire !

La LGV Lyon-Turin ou quand les « écolos » déraillent 

Disclaimer 

Mesdames et messieurs, chères lucioles, l’embarquement de notre train en destination de l’Absurdistan est bientôt terminé. Et les idéologues de s’empresser d’y faire monter les plus crédules. De monter au créneau contre la construction d’une ligne ferroviaire, qui doit relier Lyon à Turin. J’entends déjà les critiques venir : “Comment, vous qui vous dites lucides, vous osez défendre un projet industriel ? Vous osez critiquer les militants ? Vous osez critiquer la mobilisation des Soulèvements de la Terre ?” Avant de poursuivre, je pense que nous n’avons eu de cesse de vous témoigner de notre engagement écologique sincère. Mais toujours au nom d’une écologie qu’on s’efforce de rendre lucide. Et de lucidité certains en manquent. Surtout quand calcul politique et manipulation de bas étage s’en  mêlent. Sans oublier certains médias qui n’en sortent pas grandis… Mais lançons-nous. 

Aux origines de Lyon-Turin 

La Transalpine, ou liaison ferroviaire entre Lyon et Turin, est un projet de ligne de chemin de fer mixte voyageurs/fret à travers les Alpes. À l’origine la ligne est une idée de Louis Besson, maire de Chambéry dans les années 1980. Mais le projet stagne. Tout s’accélère à partir de 1999. Incendie du tunnel du mont Blanc, 39 morts. Le trafic routier est reporté sur la vallée de la Maurienne. Problème : 5000 camions défilent quotidiennement. Bonjour la pollution, et les axes de circulation saturés. Ce qui est assez mal vécu. Côté italien comme côté français, le projet commence à fédérer, collectivités territoriales, élus, et ministres (Michel Rocard par ex). Après enquête, le projet est déclaré d’utilité publique en 2013.

Ça donne quoi ? 

Le projet est très complexe, alors laissons parler les cartes. En vert et bleu, les plans des futures sections comparées aux lignes existantes en noir. 

L’intérêt écologique de Lyon-Turin 

La nouvelle liaison s’étendrait sur environ 270 km. La section française s’étend jusqu’à Saint-Jean-de-Maurienne (140 km), et la partie franco-italienne subventionnée en partie par l’UE. Cette dernière comprend notamment le tunnel de base du mont Cenis, long d’environ 60 km. La partie française de la ligne franchira notamment 8 tunnels et 6 viaducs. Le coût total du projet est estimé à une bonne vingtaine de milliards d’euros, dont un peu plus de 8 pour la partie franco-italienne. 

Certes me direz-vous, mais quel est l’intérêt écologique de cette ligne ? Premièrement, le temps de transport. La nouvelle liaison voyageurs à grande vitesse permettra de relier Lyon à Turin en 1 h 45 contre environ 4 h actuellement, et même Barcelone à Milan en 6 h 30 au lieu de plus de 12. Un argument de plus pour prendre le train, ce qui déchargerait par exemple la ligne Lyon-Grenoble (saturée) en dégageant des sillons bienvenus pour le trafic des TER.

Mais au-delà des voyageurs, l’énorme intérêt c’est le transport des marchandises bas carbone : plus de 50 millions de tonnes de marchandises pourraient être transportées par train. Aujourd’hui, environ 40 millions de tonnes de biens marchands s’échangent déjà entre la France et l’Italie, sauf que les flux ferroviaires ne représentent plus que 4 millions de tonnes, contre 11 auparavant. Les camions se taillent la part du L(y)on. Pourquoi cet effondrement ? La désindustrialisation, mais surtout la concurrence de la Suisse, qui a largement subventionné son rail. Et la concurrence ça fait du dégât. 

Du gaspillage, vraiment ? 

À en croire Mathilde Panot, Lyon-Turin, « c’est un projet écocidaire et de gaspillage de l’argent public ». Les arguments principaux contre la Transalpine les voici : 

Le projet serait un gouffre financier : parce qu’arrêter le projet ne serait pas un énorme gâchis ? Au contraire, les coûts ont pour l’instant globalement été maîtrisés, et sont assez cohérents avec ce qu’ont fait les Suisses à Saint Gothard. La Cour des comptes a même calculé une rentabilité de 4 %. 

On aurait d’autres options. Pour les opposants, la ligne existante qui passe par le tunnel de Fréjus serait largement suffisante. Problème : sa capacité journalière de 50 trains est insuffisante, loin des 120 qui pourraient transiter par le tunnel du mont Cenis. De plus, les fortes pentes du tunnel de Fréjus, ses virages serrés et sa hauteur, ses sections à moins de 30 km/h sont insuffisants pour accueillir des trains de 2000 tonnes. Autrement dit : le transport y est donc plus coûteux, donc bien moins compétitif que le transport en camion. 

Inutile et dangereux ? 

Le projet serait inutile faute de trafic suffisant, un trafic qui serait surestimé : Que l’on surestime ou sous estime le trafic, il y a forcément des incertitudes.  La ligne TGV Grand Est avait par ex largement dépassé les attentes, et côté suisse le trafic ferroviaire a plutôt bien  suivi les importants investissements consentis. Quoi qu’il en soit, se doter d’un rail compétitif est une condition indispensable à la relocalisation industrielle, face à la concurrence des ports mondialisés. 

Un projet qui assècherait la montagne :  Contrairement à ce que certains médias veulent laisser croire, la construction de la Transalpine ne va pas assécher la montagne (cc Reporterre !). Dans le passé, des milliers de kilomètres de tunnels ont déjà été creusés dans les Alpes, sans qu’on constate pour autant un assèchement. Sur 170 points de mesures, seuls 9 présentent des perturbations, mais on parle ici de légères diminutions de débit.  

La dangerosité : certains se sont alarmés d’une potentielle présence d’amiante dans les galeries, mais à nouveau, rien n’a été détecté en creusant les tunnels de reconnaissance…

A deux doigts de découvrir que tout a un impact 

 Il est évident que construire une telle ligne a aussi un impact négatif sur l’environnement. Mais ce qui  n’a pas d’impact, ça n’existe pas. Et ça vaut pour  le nucléaire comme pour l’éolien. Alors on fait ce qu’on veut ? Non car en matière d’environnement, on établit entre différents scénarios un ratio avantages/inconvénients. Pour la Transalpine, le  Conseil général de l’environnement et du Développement Durable, estime que son poids CO2 ne sera compensé qu’en 2037 à l’issue des travaux.  

Doit-on pour autant renoncer à un projet qui bénéficiera à tant de générations ? Serait-on assez naïf pour vouloir la fin du commerce transalpin ? Voudrait-on se priver d’une opportunité de relocalisation industrielle ? Croit-on vraiment que les camions traverseront les Alpes avec du carburant 100 % bio entre-temps ? Oublie-t-on qu’un accident de camion le long du lac du Bourget entrainerait des conséquences catastrophiques sur ce grand réservoir d’eau douce? 

Chaos ou résilience, il faut choisir 

On arrive au coeur du problème : du même ordre d’argument que les opposants au nucléaire finissent toujours par ressortir, une fois bon nombre de leurs arguments écartés : “oui ok mais avec ça vous allez juste alimenter la fuite en avant vers une société qui consomme toujours plus. La seule issue c’est de décroître” Je n’ai rien contre la décroissance, mais je pense qu’elle relève de la paresse intellectuelle lorsqu’elle est systématique. Au contraire, nos sociétés auront besoin d’aménagements durables pour amortir les conséquences de la crise écologique. C’est ce qu’on appelle la résilience. Et le train a son mot à dire.  

Mais ne soyons pas naïf, le train n’est pas une fin en soi. Parce que cette nouvelle ligne doit s’inscrire dans une politique d’ensemble.  Parce que cette ligne aura un réel intérêt à condition d’un report modal du camion vers le train. Ce qui demandera un peu de volonté politique. 

Complaisance médiatique et opportunisme politique 

Désinformation, polarisation du débat, instrumentalisation, la Transalpine n’a pas été épargnée. Une brèche dans laquelle les Soulèvements de la Terre, LFI, EELV et tant d’autres, se sont engouffrés. Là où le projet fédérait jusqu’ici à droite comme à gauche, certains préfèrent faire avancer leur agenda politique

Et mentir ne fait pas peur : plus c’est gros, plus ça passera. En témoignent, les Soulèvements de la Terre qui ont revendiqué 50 blessés grave lors d’une manif anti-Transalpine en Maurienne. Sauf que ces blessés, les secouristes présents sur place les cherchent encore. L’idéologie aveugle, quitte à supplanter intérêts économiques, sociétaux et environnementaux. Oui la Transalpine n’est pas parfaite, mais ses multiples avantages pèseront bien peu face aux saboteurs du débat public. A nous de rétablir un peu de lucidité. 

Biblio : 

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-eco/l-edito-eco-du-mercredi-21-juin-2023-2890288

https://www.lepoint.fr/faits-divers/manifestation-anti-lyon-turin-des-dizaines-de-victimes-introuvables-20-06-2023-2525188_2627.php

https://www.nouvelobs.com/ecologie/20230621.OBS74801/lgv-lyon-turin-pourquoi-les-militants-ecolos-s-opposent-au-projet.html

« EU transport infrastructures: more speed needed in megaproject implementation to deliver network effects on time » [archive] [PDF], sur Cour des comptes européenne, 2020, p. 30.

https://www.lepoint.fr/environnement/tunnel-lyon-turin-le-vrai-du-faux-17-06-2023-2524818_1927.php

https://www.transalpine.com/documentation/document-officiels/conclusions-de-la-commission-denquete-publique-de-la-liaison

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